France

Université : « Je veux que mon fils garde le souvenir d’une maman qui ne lâche rien »… Le témoignage d’étudiants-parents

Devenir parent pendant ses études peut sembler insurmontable. Pourtant, environ 110.000 étudiants (4,5 %) relèvent ce défi, selon une enquête de l’Observatoire national de la vie étudiante (OVE) datant de 2016. Ces parents-étudiants jonglent entre responsabilités familiales et ambitions académiques, souvent sans accompagnement spécifique. Pour 20 Minutes, Charlotte, Mélanie et Étienne témoignent de leur quotidien, de leurs difficultés et de leurs réussites.

Étudier tout en élevant un enfant, c’est accepter un emploi du temps où « chaque minute compte », explique Charlotte, en master 2 pour devenir professeure des écoles. Avec son bébé de 5 mois, elle doit gérer cours, alternance et maternité. « Dès que mon fils Thiago dort, je m’attelle à mon mémoire », confie-t-elle. Pour Étienne, devenu père à 18 ans alors qu’il entamait sa première année de fac de droit, le quotidien était tout aussi éprouvant. « Je m’occupais de mon fils seul, avec l’aide de ma voisine qui avait un enfant du même âge. »

Mélanie, 21 ans, elle, est épaulée par son compagnon pour s’occuper de sa fille Joy, 3 ans. Sa double licence en médecine et sciences de la vie à Nice lui demande beaucoup de temps. « Je concilie ma vie de maman et d’étudiante en emmenant parfois ma fille en amphi ou en révisant avec elle », résume-t-elle.

Des étudiants abandonnés par les institutions

Tatiana, 30 ans, raconte une histoire similaire. Celle de sa mère, qui a repris des études notariales pendant son enfance, et qui révisait ses partiels pendant que sa fille revoyait ses cours de primaire. « On travaillait en même temps, et je comprends maintenant pourquoi je devais avoir des notes supérieures à 18/20 quand ma mère ramenait des 12/20 de la fac », rigole la trentenaire.

Les parents-étudiants dénoncent une réalité : ils se sentent souvent abandonnés par les institutions. Mélanie doit gérer seule ses cours et son organisation. « L’année dernière, il n’y avait aucun soutien spécifique pour moi à la fac. Cette année, ils ont ajouté la catégorie « chargé de famille », mais les moyens restent limités. » Étienne, aujourd’hui quadragénaire, se souvient également d’une situation administrative compliquée : « Je n’avais aucun revenu à l’époque et aucune structure pour m’aider à y voir clair. »

Charlotte, elle, s’estime chanceuse de pouvoir suivre une formation à distance. « Mes profs ont été compréhensifs, mais le distanciel demande une grande autonomie. On ne peut pas compter sur une aide extérieure. » La jeune maman déplore : « Les horaires tardifs des cours, entre 18 heures et 20 heures, sont un vrai casse-tête : c’est l’heure du bain et du coucher. »

Difficile de tout concilier

Au-delà des difficultés organisationnelles, ces jeunes gens font face à une pression économique importante. Étienne, qui était logé gratuitement par ses grands-parents, travaillait chaque été en plus de ses années de droit. Charlotte et Mélanie parlent de leurs sacrifices personnels. « J’ai dû arrêter le sport et réduire mes loisirs. Je n’ai plus beaucoup de temps pour moi », souligne Charlotte. Mélanie, elle, a appris à lâcher prise. « Je suis souvent en legging et sweat, et mes ongles ne sont jamais faits. Ce n’est pas grave, l’essentiel est ailleurs. »

Sur le plan social, l’isolement est aussi un défi. « Je n’ai pas beaucoup d’amis sur Nice, car, avec mon fils, j’ai beaucoup moins de temps à consacrer à ma vie sociale. Heureusement, grâce aux réseaux sociaux, j’ai pu rencontrer d’autres mamans étudiantes », raconte Charlotte. Mélanie partage cette expérience : « Les réseaux m’aident à extérioriser. Quand quelque chose ne va pas, je le dis sur Instagram. » Enfin, Étienne ironise : « C’est sûr que pour être parent aussi jeune, il ne faut être ni baroudeur, ni bringueur. »

Pas de dilemme entre études et famille

Étienne, Mélanie et Charlotte n’ont jamais pensé à renoncer à leurs études. « Quand j’ai su que j’étais enceinte, je savais que garder ma fille compliquerait tout, mais c’était hors de question d’arrêter mes études », avance Mélanie. Elle voit les choses évoluer positivement. « Cette année, j’ai une meilleure organisation. Je suis moins stressée et plus épanouie que quand ma fille est née. »

Notre dossier étudiants

Pour Étienne, poursuivre ses études était une évidence. « Je savais que c’était crucial pour mon avenir et celui de mon fils. Ça m’a permis de mûrir et de construire une relation particulièrement forte avec lui. » Tatiana, elle, raconte l’inspiration qu’elle tire de sa mère. « Ça m’a appris qu’il faut rester humble et qu’il n’y a rien d’impossible dans la vie. » Et explique qu’elle préfère une maman épanouie qui adore son boulot mais qui était moins présente dans son enfance qu’une maman pleine de regrets. « J’espère que mon fils sera fier de moi. Je veux qu’il garde le souvenir d’une maman qui ne lâche rien », avoue Charlotte, dont la maternité a renforcé sa confiance en elle.