Une sonde de la NASA va s’écraser sur un astéroïde pour le dévier (et sauver un jour la Terre)
Cette nuit, à 1h14 heure française, une sonde de la Nasa va se crasher sur l’astéroïde Dimorphos, à 11 millions de kilomètres du plancher des vaches. On n’est pas dans un remake d’Armaggedon et Bruce Willis ne sera pas chargé d’aller forer un puits sur cet objet céleste de 160 mètres de diamètre pour y déposer une charge nucléaire. Mais la finalité sera la même que les apprentis astronautes du film à succès : dévier la trajectoire de l’astéroïde pour éviter qu’il vienne percuter la Terre. Ou plutôt une répétition générale de ce que les agences spatiales pourraient déployer si une telle menace venait à voir le jour.
Car aujourd’hui, Dimorphos, qui orbite autour d’un plus gros astéroïde baptisé Didymos, ne représente aucun danger pour les terriens. Tout comme les 27.500 autres répertoriés aujourd’hui. Lles astronomes estiment toutefois qu’il existe des milliers d’astéroïdes géocroiseurs dont on ne connaît pas l’existence et qui pourraient entrer en collision avec notre planète ou passer tout près. Comme celui qui a explosé le 15 février 2013, à l’est de l’Oural, à Tcheliabinsk, en Russie. Ce jour-là, un astéroïde de 19 mètres a explosé dans le ciel provoquant une onde de choc qui fit près de 1.500 blessés.
« Les très grands astéroïdes présents dans le système solaire, nous les connaissons, ils sont faciles à observer parce qu’ils sont brillants dans l’espace, ils réfléchissent la lumière du soleil, explique Naomi Murdoch, chercheuse en planétologie à l’Isae-Supaero, partie prenante de cette mission baptisée DART (pour Double astéroïde redirection test). Et plus ils sont gros, plus ils réfléchissent la lumière du soleil, plus ils sont faciles à voir. Plus ils sont petits, plus c’est difficile de les détecter. On estime actuellement connaître 40 % des astéroïdes de la taille de Dimorphos. Un jour on pourrait en découvrir un qui va entrer en collision avec la Terre. »
Lancé en novembre 2021, ce vaisseau spatial, moins lourd qu’une petite voiture, va donc percuter cette nuit sa cible à une vitesse de 24.000 km/h. Jusqu’au dernier moment, il va filmer l’astéroïde pour savoir à quoi il ressemble de près. Des images transmises avec un décalage de 45 secondes, jusqu’à son impact avec l’objet céleste.
Défendre la Terre passe par la détection des astéroïdes
C’est ensuite le LICIACube, un petit satellite de la taille d’un grille-pain situé à 55 km de là, qui va observer les conséquences de l’impact, notamment les fragments éjectés de roche et de régolite, cette poussière qui recouvre sa surface. Les télescopes spatiaux Hubble et James-Webb seront aussi pointés sur Dimorphos, comme de nombreux autres depuis le plancher des vaches. Histoire de voir si la déviation de trajectoire a bien eu lieu, grâce aux variations de l’éclat lorsque Dimorphos passera devant Didymos.
Aujourd’hui, Dimorphos met 11 heures et 55 minutes pour faire le tour de Didymos. Après l’impact de DART, il devrait mettre dix minutes de moins. « Ce qui fait un changement de vitesse de quelques centimètres par seconde, mais même ce temps minime est ce dont nous aurions besoin s’il y avait un véritable danger pour la Terre », assure Naomi Murdoch.
Si cette scientifique va regarder de près les premières images pour en apprendre plus sur l’astéroïde, une grosse partie de son travail consistera à exploiter les données transmises dès 2026 par la sonde européenne Hera. Elle doit décoller d’ici deux ans, direction Dimorphos « pour revenir sur la scène du crime », plaisante la planétologue. Grâce a sa caméra embarquée, son laser ou encore son scanner à infrarouge, on en apprendra plus sur la forme précise de l’astéroïde, le cratère laissé par DART ou encore ses propriétés thermiques. « Nous allons aussi essayer d’atterrir à la surface avec un petit CubSat. Tout ça nous permettra de démontrer que nous avons une méthode de défense planétaire bien maîtrisée », poursuit la co-investigatrice de la mission Hera à l’Isae-Supaero.
« Tout l’intérêt de la mission c’est de démontrer comment construire la sonde, comment la lancer, comment détruire la cible et comment dévier l’astéroïde dans l’espace. Bien sur, la méthode employée lorsque le danger se présentera dépendra du temps que nous avons avant l’impact. C’est pour cela que la défense planétaire, ce n’est pas simplement essayer de dévier un objet dans l’espace. C’est aussi le détecter, c’est pour cela que toutes les nuits les astronomes regardent ceux qui pourraient nous poser problème. Ensuite, c’est évaluer ce danger et voir quand est-ce qu’il pourrait croiser l’orbite de la Terre. Et c’est prévenir et atténuer les effets possibles », conclut la planétologue qui va veiller toute la nuit pour voir les premières images d’un projet sur lequel elle planche depuis une quinzaine d’années.