« Une exaction tous les 6 km »… Un projet mémoriel retrace le sinistre parcours de la « Das Reich » dans le Sud-Ouest

Sur les traces des nazis lors de leur sinistre traversée du Sud-Ouest en juin 1944, alors qu’ils remontaient vers la Normandie. Le projet « Chemin de mémoire » entend rendre hommage aux victimes des barbaries commises dans les tout derniers mois de la Seconde Guerre mondiale, au moment de la remontée de la division SS « Das Reich », qui a notamment commis le massacre d’Oradour-sur-Glane le 10 juin 1944, où 643 habitants ont été tués.
« Plus de la moitié des villes et villages victimes de la « Das Reich » durant cette période sont situés en Nouvelle-Aquitaine [qui ne s’appelait pas ainsi à l’époque] », souligne Christophe Cathus, conseiller régional délégué au Patrimoine. « Ce parcours funeste a marqué l’histoire du territoire. »
« Parcours de feu et de sang »
Ce projet mené par l’association « La mémoire en chemin », traverse cinq départements (Corrèze, Creuse, Dordogne, Haute-Vienne et Lot-et-Garonne). Un premier travail de recensement a permis d’établir une liste « de 70 sites martyrs le long de 400 km en Nouvelle-Aquitaine, ce qui représente une exaction tous les 6 km », pointe Maurice Caumières, président de l’association. Ce spécialiste de la Seconde Guerre mondiale ne se dit pas surpris par ces chiffres, « mais ce recensement précis n’avait encore jamais été fait ».
Des jalons seront implantés le long de ce parcours de mémoire, matérialisés sur le terrain par des boîtes noires où un QR code permettra d’obtenir des informations sur ce « parcours de feu et de sang ». « Chemin de Mémoire » se veut « un objet pédagogique », insiste Maurice Caumières. « Les jalons connectés installés sur les différents sites permettront d’accéder à une espèce de musée virtuel via un QR code, avec la diffusion d’un film générique, puis une page sur le site où l’on se trouve, et la possibilité de parcourir l’histoire de tel ou tel lieu, pour refaire le parcours de la « Das Reich ». »
« C’est un projet de médiation pour faire perdurer la mémoire, avec l’ambition de nourrir la conscience citoyenne de tous, en particulier de la jeune génération », souligne Christophe Cathus, précisant que la région Nouvelle-Aquitaine le soutient à hauteur de 50 %.
« Une progression dans la sauvagerie et la cruauté »
Le travail entamé en 2021 a également permis de mettre en lumière qu’il n’y a pas eu « une progression seulement géographique de la « Das Reich », mais aussi dans la sauvagerie et la cruauté », souligne Maurice Caumières. « Cela ne veut pas dire que cette progression a été complètement linéaire, il y a eu des hauts et des bas, poursuit-il, mais indiscutablement, Oradour est le résultat de quelque chose qui est monté en puissance peu à peu. »
Le projet « Chemin de mémoire » permettra aussi, au passage, à une partie du grand public d’apprendre qu’il n’y a pas eu que Tulle et Oradour, les deux massacres les plus connus. « Le 8 juin, il y a eu Rouffillac [Dordogne], où la SS a tué les 18 personnes d’un hameau avant de l’incendier. » Avant même cela, dès le 21 mai, une rafle est commise à Lacapelle-Biron (Lot-et-Garonne). « Le même jour, dans la commune voisine de Vergt-de-Biron, on a obligé la population à assister à la torture d’un homme pendu par les pieds et battu à mort. »
Des « milliers de victimes » en Nouvelle-Aquitaine
Mais au-delà des chiffres, Maurice Caumières veut surtout donner du sens à cette démarche mémorielle. « Il est utile de lier ces lieux, pour montrer qu’il ne s’agit pas d’actes isolés qui auraient été commis par une horde de soldats ensauvagés, mais bien le résultat de la théorie nazie qui a été mise en place. La « Das Reich » avait ordre de nettoyer les lieux des résistants où elle passait, et de terrifier la population pour qu’elle ne leur vienne plus en aide. Et à partir du moment où la fureur s’empare des hommes, surtout lorsqu’ils sont en groupe, elle n’a plus de limite… »
Créée en 1938, la division « Das Reich » est l’une des plus anciennes formations de la Waffen SS, branche armée des forces nazies. Elle s’est illustrée durant la guerre, notamment sur le front de l’est, par ses exécutions de masse de populations civiles. Cantonnée dès le mois d’avril 1944 à Montauban (Tarn-et-Garonne) et ses environs, après sa retraite du front russe, la « Das Reich » a commis « des milliers de victimes » en Nouvelle-Aquitaine.