Un sondage sur l’antisémitisme dans les universités abandonné.
L’enquête sur l’antisémitisme à l’université, commandée par le ministère de l’Enseignement supérieur, a été retirée, a annoncé mardi le Cevipof. Le Conseil d’État a été saisi en urgence par la FSU, la Ligue des droits de l’homme et plusieurs enseignants-chercheurs pour demander la suspension de l’opération.
L’enquête sur l’antisémitisme à l’université, lancée par le ministère de l’Enseignement supérieur et critiquée pour sa méthodologie, a été annulée, a annoncé mardi le Cevipof (Centre de recherches politiques de Sciences Po). Ce dernier précise que « les conditions de sérénité et donc de participation suffisante n’étant plus réunies, malgré l’importance du sujet », il a décidé, en collaboration avec l’Ifop, de mettre fin au sondage après en avoir informé le ministère.
Désormais, en cliquant sur le lien du questionnaire, s’affiche le message : « Il a été convenu de mettre un terme à l’enquête ». Celle-ci visait à « mieux documenter les expériences et perceptions » des personnels concernant les actes antisémites dans l’enseignement supérieur, ajoute encore le Cevipof.
Le Conseil d’État a été saisi en urgence pour régler la controverse qui s’était intensifiée la semaine dernière. Vendredi, la FSU, la Ligue des droits de l’homme et plusieurs enseignants-chercheurs ont demandé la suspension de l’opération, en invoquant de possibles atteintes aux droits des participants, notamment à cause de questions jugées intrusives.
L’avocate des requérants, Me Marion Ogier, a salué la désactivation du lien, mais s’inquiète du fait que « le ministre n’a pas formellement renoncé au questionnaire ». Elle s’interroge également sur « le sort des données déjà collectées, qui permettent d’identifier ceux qui ont répondu et leurs opinions politiques et religieuses ».
Le ministère avait chargé le Cevipof de concevoir un outil de mesure « rigoureux » pour évaluer le phénomène antisémite dans le milieu universitaire. Dans une lettre datée du 18 novembre, il avait demandé aux présidents d’université de faire circuler le sondage auprès de l’ensemble de leurs personnels. Plusieurs établissements avaient refusé cette démarche, considérant les questions posées comme problématiques.
France Universités avait manifesté son désaccord, jugeant que l’enquête « posait un certain nombre de problèmes dans sa conception », ce qui avait provoqué un « considérable émoi » au sein de la communauté académique.
En réponse aux critiques, le Cevipof avait défendu sa méthodologie, assurant que « toutes les garanties » étaient en place pour protéger l’anonymat des participants. Le questionnaire, comportant 44 pages et auto-administré en ligne, demandait notamment aux répondants de qualifier comme « tout à fait vraie » ou « tout à fait fausse » une série d’affirmations « entendues à propos des juifs », dont celle selon laquelle « globalement les juifs sont plus riches que la moyenne des Français ». Les participants devaient également fournir des informations sur leur âge, leur genre, leur région, leur type d’établissement, leur fonction et leur positionnement politique.
L’enquête, désormais suspendue, soulève des questions sur l’avenir des données déjà recueillies et sur la suite que le ministère envisage pour ce travail.

