France

Un jeudi géopolitique mouvementé à l’Eurovision.

Le maintien d’Israël au concours Eurovision de la chanson a provoqué le boycott de quatre pays, tandis que Delphine Ernotte a affirmé : « Je tiens à remercier tous les membres pour leurs contributions réfléchies, respectueuses et constructives ». L’absence de l’Espagne, l’un des cinq plus gros contributeurs financiers de la compétition, aura un impact sur l’équilibre financier actuel du concours.


Le maintien d’Israël au concours Eurovision de la chanson entraîne le boycott d’au moins quatre pays. Cet événement représente un tournant pour cette compétition, créée en 1956, qui n’avait jamais fait face à une telle crise. Delphine Ernotte, présidente de l’Union européenne de radiotélévision (UER), a minimisé la gravité de la situation. « Je tiens à remercier tous les membres pour leurs contributions réfléchies, respectueuses et constructives aujourd’hui et tout au long du vaste processus de consultation mené cette année », a-t-elle déclaré jeudi, à l’issue de la première journée de l’assemblée générale de l’UER à Genève.

En réalité, ces derniers mois ont été marqués par des tensions parmi les diffuseurs membres concernant le maintien ou l’exclusion d’Israël du concours. « L’UER et la direction de l’Eurovision s’apprêtent à faire vivre à l’organisation la plus grande crise interne de son histoire. On n’aurait jamais dû en arriver là », a tweeté dans la matinée José Pablo Lopez, président de la chaîne publique espagnole RTVE. Cette tempête laissera certainement des séquelles. Quelles seront-elles ? Il est, bien entendu, trop tôt pour le dire, mais certains constats peuvent déjà être établis.

### Validation pour Israël

Le président israélien a réagi rapidement à l’issue du vote qui a assuré la présence de son pays à l’Eurovision 2026. L’État hébreu « mérite d’être représenté sur toutes les scènes du monde », a écrit Isaac Herzog. Il a ajouté : « J’espère que cette compétition restera un événement qui promeut la culture, la musique, l’amitié entre les nations et la compréhension culturelle transfrontalière. »

D’un point de vue géopolitique, la participation d’Israël symbolise son maintien dans le concert des nations. Pour ce pays de 10 millions d’habitants, le concours est à la fois une vitrine et un outil de soft power. Ses deux dernières candidatures, avec Yuval Raphael en 2025, survivante des événements du 7 octobre, et Eden Golan en 2024, étaient des ballades chargées d’émotion, dont les paroles et la mise en scène faisaient écho à l’attaque du Hamas.

### Un soulagement pour l’Autriche et l’Allemagne

L’Autriche, qui accueillera l’Eurovision du 12 au 16 mai à Vienne, peut respirer. Elle a refusé de remettre en question la participation d’Israël. Les velléités de boycott formulées depuis la fin de l’été par l’Espagne, l’Islande ou encore l’Irlande ont été écartées sans hésitation. « Ces pays sont des démocraties. Si l’un de nos voisins décide de ne pas participer, alors l’Autriche doit en prendre acte », avait déclaré en septembre le secrétaire d’État autrichien aux Affaires étrangères et européennes. Roland Weissmann, directeur général de la chaîne ORF, a adouci le ton en novembre : « Honnêtement, le temps de la diplomatie est arrivé », a-t-il souligné en tentant de convaincre le plus grand nombre de diffuseurs de participer.

L’Allemagne est le plus grand supporteur d’Israël dans cette compétition. Le chancelier Friedrich Merz s’était exprimé début octobre en faveur d’un retrait allemand si Israël était exclu, tandis que ce mercredi, le ministre allemand de la Culture Wolfram Weimer a déclaré : « Il ne peut pas y avoir d’Eurovision sans Israël. »

### L’Espagne, les Pays-Bas et l’Irlande, des absences notables

« Ce qu’il s’est passé à l’assemblée générale de l’UER confirme que l’Eurovision n’est pas un concours de chansons mais un festival soumis à des intérêts géopolitiques et fragmenté », a tweeté jeudi soir José Pablo Lopez. L’Espagne se distingue comme le pays le plus critique vis-à-vis de la participation d’Israël, et son boycott a été clairement annoncé.

Son absence lors de l’Eurovision en mai prochain ne sera pas négligeable, car l’Espagne est l’un des cinq plus gros contributeurs financiers au concours, aux côtés de l’Allemagne, de la France, de l’Italie et du Royaume-Uni. Ces membres du « Big 5 » permettent à des pays avec des capacités financières moindres de participer. En retour, ils ont une place garantie en finale. Son retrait affectera non seulement l’équilibre financier du concours, mais également l’engouement, le public espagnol étant l’un des plus engagés dans la sphère Eurovision.

La situation est presque identique pour les Pays-Bas, qui se classent comme le sixième plus grand contributeur. Le spectacle Eurovision in Concert, organisé chaque avril à Amsterdam, est une date clé du calendrier pré-Eurovision.

En plus de ces retraits, la Slovénie et l’Irlande se joignent à eux. L’absence de l’Irlande, qui détient le record de victoires (7, à égalité avec la Suède), est particulièrement significative. Le retour prévu l’an prochain de la Bulgarie, de la Roumanie et de la Moldavie, dont l’importance dans le cadre de l’Eurovision est bien moindre, ne compensera pas ces départs.

L’adage « nul n’est irremplaçable » sera-t-il vérifié en mai ? Le déroulement du concours le dira, mais il semble que la crise ne fasse que commencer.