Un « impôt sur la nationalité » pour taxer les Français expatriés en 2026 ? Prudence.
La France appliquera un texte fondé sur la nationalité en 2026. L’amendement soumis au vote de l’Assemblée nationale le 24 octobre dernier a été rejeté par les députés, à une voix près (131 pour, 132 contre).
« La France appliquera un texte fondé sur la nationalité en 2026 ». C’est ainsi que commence la vidéo d’une jeune femme largement partagée sur le réseau social X.
Pendant les 3 minutes et 50 secondes suivantes, elle alerte sur cet « impôt sur la nationalité » qui viserait « tous les titulaires d’un passeport français ayant été résidents fiscaux en France pendant au moins trois des dix dernières années », même s’ils vivent à l’étranger. Cela ne s’appliquerait toutefois que si leur pays d’accueil applique « une pression fiscale inférieure à 40 % à celle de la France » et que leurs revenus annuels dépassent 230 000 euros. Elle affirme que ce nouveau système d’imposition a déjà été « amendé et approuvé ». Est-ce vraiment le cas ?
FAKE OFF
La vidéo partagée sur X provient de la chaîne YouTube d’une entreprise de conseil basée en Espagne, Eludex, spécialisée dans l’optimisation fiscale, et a été publiée il y a trois jours. La jeune femme, présentée comme Aurélie sur le site de l’entreprise, est responsable « contenus et ventes ». Cependant, malgré son apparente expertise, ses propos dans cette vidéo sont en partie faux et manquent de précisions.
Cet « impôt sur la nationalité » auquel elle fait référence émane clairement de « l’impôt universel ciblé » porté par le député de La France Insoumise, Éric Coquerel, depuis 2019, et n’a jamais été ni amendé, ni adopté depuis. Ce texte a été rejeté lors d’une nouvelle tentative de vote à l’Assemblée nationale le 24 octobre dernier, par une voix (131 pour, 132 contre).
La première version du texte présentée dans le rapport parlementaire de 2019 ne visait pas les citoyens ayant été résidents fiscaux en France « pendant au moins trois des dix dernières années ». Elle proposait plutôt de revoir la législation de l’époque, réglée par « la règle des 183 jours ». Un citoyen ayant séjourné plus de 183 jours dans l’année sur le territoire français est considéré par l’administration comme redevable de l’impôt français, même après avoir déclaré un changement de domiciliation vers un pays plus fiscalement avantageux.
Dans l’amendement soumis le 24 octobre, la règle des 183 jours a été écartée pour préciser qu’il est question des personnes de nationalité française ayant résidé « au moins trois ans en France » sur les dix dernières années « précédant leur changement de résidence fiscale ».
Autre point important : le revenu fiscal de référence. Fixé à 200 000 euros il y a six ans, il a été révisé à 230 000 euros annuels, ce qui correspond à cinq fois le plafond de la Sécurité sociale, établi en 2025 à 47 100 euros, réévalué à 48 060 euros dès le 1er janvier 2026. Le chiffre avancé par la jeune femme est donc véridique, mais ne correspond pas aux revenus nets imposables, exempt des exonérations et des abattements.
Enfin, le choix fait en 2019 de renégocier les conventions fiscales existantes entre la France et des pays « dont le taux d’imposition est inférieur de plus de 50 % à l’impôt français » a été totalement revu. Comme mentionné dans la vidéo d’Eludex, l’amendement a proposé de cibler les expatriés français vivant dans des pays dont le taux d’imposition serait « au moins inférieur à 40 % » à celui de la France.
« Mais attention, il ne s’agit pas d’une taxe à destination des personnes déjà expatriées. Elle ne se serait appliquée qu’à ceux qui paient leurs impôts en France depuis plusieurs années et qui choisiraient de partir dans un pays à fiscalité privilégiée », précise Éric Coquerel à 20 Minutes.
En revanche, le texte inclut bien les plus de 120 États ayant conclu de tels accords avec la France. « Tous les pays à fiscalité privilégiée étaient concernés, qu’ils aient des accords ou des conventions fiscales à renégocier, ou qu’ils n’en aient pas », confirme le député LFI. Tout comme ceux bénéficiant d’une convention de double imposition, contrairement à ce qui est avancé dans la vidéo d’Eludex.
Basé sur l’Exit tax, l’amendement visait à limiter l’évasion fiscale. Cependant, les socialistes ont refusé de le soutenir, soulignant le manque d’ambition du texte. « C’est de la mauvaise foi », déclare Éric Coquerel, surpris que ce texte, adopté en commission des finances en octobre 2024 (mais rejeté en séance), ait été, finalement, rejeté « par les mêmes ». Le député devra donc réessayer l’année prochaine.

