France

Un CRS en procès pour la perte d’une main lors d’une manifestation des Gilets jaunes.

Un major de la CRS comparaît devant le tribunal correctionnel de Paris pour des blessures involontaires infligées à un manifestant lors de l’acte 2 des Gilets Jaunes en 2018. Sept ans après les faits, l’accusé est mis en cause pour l’usage d’une grenade de désencerclement ayant coûté la main de Gabriel Pontonnier, alors qu’il tentait de disperser une foule en colère.


Un CRS se tenait ce jeudi devant le tribunal de Paris, accusé d’avoir gravement blessé un manifestant en 2018, lors de l’acte 2 du mouvement des Gilets Jaunes. Sept ans après les événements, le major Jackie D., âgé de 54 ans, est poursuivi pour blessures involontaires.

Le 24 novembre 2018, vers 18 heures, dans un climat de tension croissante entre les manifestants et les forces de l’ordre, il avait lancé une grenade GLIF4, qui contient une charge explosive de 25 grammes, produisant un effet assourdissant accompagné d’une onde de choc et de la dispersion de gaz lacrymogène, sur un rond-point près des Champs-Élysées. Ce tir avait provoqué l’amputation de la main de Gabriel Pontonnier, tout en blessant d’autres personnes présentes, dont son frère.

### Légalité du lancer

Le président du tribunal a questionné le prévenu sur la légalité de son action : « L’utilisation et le lancer de la grenade étaient-ils conformes aux lois en vigueur, et pouvez-vous être tenu pour responsable d’imprudences ou de négligences ? »

Le policier, arborant une coupe de cheveux grisonnants, a défendu son geste. Il a expliqué qu’à ce moment-là, son unité subissait une pluie de projectiles. Pour contrer cette attaque, il a lancé la grenade pour protéger ses collègues et mettre un terme à la pluie de projectiles. Il insiste sur le fait qu’il n’a pas tiré au milieu des manifestants, mais entre les forces de l’ordre et les protestants.

Avant de lancer la grenade, aucune sommation n’a été effectuée. Interrogé à ce sujet, il a répondu qu’« il fallait agir rapidement car nous étions réellement en danger ». Il a également omis de prévenir par radio, expliquant que les communications étaient saturées. Toutefois, il a reconnu que les conséquences de son acte étaient « catastrophiques » et a exprimé sa compassion pour la victime.

### Témoignage de la victime

« Ça a complètement bouleversé ma vie », a déclaré Gabriel Pontonnier, la voix tremblante. Il était à Paris avec sa famille pour manifester pacifiquement en faveur des services publics. Il ne garde aucun souvenir de l’incident et ignore s’il a tenté de ramasser la grenade.

À l’époque, ce jeune homme de 21 ans venait de réussir sa formation de chaudronnier et voulait créer sa propre entreprise. « Tous mes rêves sont partis en fumée », a-t-il affirmé, ajoutant avoir subi 25 opérations chirurgicales et être tombé en dépression.

Sa mère a évoqué la fatigue et la souffrance de leur famille, déclarant : « Cette grenade nous a anéantis. Nous avons vécu sept ans d’enfer. »

Me Ainoha Pascual, avocate des parties civiles, a rappelé que si les policiers détiennent le monopole de la violence légitime, ils doivent agir de manière exemplaire. De son côté, Me Emma Eliakim a souligné que malgré la dangerosité de la grenade GLIF4, considérée comme une arme de guerre, le major Jackie D. avait commis une série d’imprudences. Elle a argué que sa déclaration démontre qu’il n’avait pas une vision claire de la situation.

Sans grande surprise, le parquet, qui avait préconisé un non-lieu pour le policier lors de l’instruction, a demandé la relaxe, considérant que le tir était « légitime, nécessaire et proportionné ». Selon la représentante du ministère public, bien que les conséquences aient été tragiques, le policier agissait dans le cadre de ses prérogatives. Le jugement sera rendu le 17 octobre.