France

Un an de sursis pour deux journalistes français accusés d’avoir fait chanter le roi du Maroc

Erreur déontologique ou réelle menace ? La justice a tranché sur le sort de deux journalistes français condamnés mardi à Paris à un an de prison avec sursis et 10.000 euros d’amende. Le tribunal les a reconnus coupables d’avoir tenté de faire chanter le roi du Maroc en 2015 en réclamant de l’argent en contrepartie de la non-publication d’un livre explosif.

Les journalistes, dont les avocats ont immédiatement fait appel, ont toujours contesté avoir formulé une quelconque menace, tout en reconnaissant avoir commis une « erreur déontologique » en acceptant une proposition d’arrangement financier émanant de Rabat. Déjà auteurs en 2012 d’un ouvrage sur Mohammed VI, Le roi prédateur, Eric Laurent et Catherine Graciet, âgés de 76 et 48 ans aujourd’hui, avaient signé un contrat avec Le Seuil pour un second tome sur le même sujet.

Accord financier contre abandon du livre

A l’été 2015, Eric Laurent, ancien reporter de Radio France et du Figaro Magazine et auteur de nombreux ouvrages, avait contacté le secrétariat particulier du roi et une rencontre avait été organisée le 11 août dans un palace parisien avec l’avocat Hicham Naciri, émissaire du Royaume. Après ce premier rendez-vous, le Maroc avait porté plainte à Paris, une enquête avait été ouverte. Deux autres rencontres s’étaient ensuite tenues sous surveillance policière les 21 et 27 août.

Catherine Graciet, notamment auteure de livres sur le Maghreb et la Libye, était présente seulement au troisième rendez-vous, lors duquel les deux journalistes avaient signé un accord financier à hauteur de deux millions d’euros pour abandonner le livre. A l’issue, ils avaient été interpellés avec deux enveloppes contenant chacune 40.000 euros en liquide.

« Prix du silence »

Pour le tribunal correctionnel de Paris, les deux journalistes ont eu une « démarche commune » et ils ont exercé une « pression » sur l’émissaire en parlant entre autres d’un livre qui serait « dévastateur » pour le Royaume. Selon le jugement, « le prix du silence, c’est-à-dire correspondant à la non-parution du livre, non seulement vient des deux journalistes, mais le montant fixé aussi ».

Les trois rencontres avaient été enregistrées en cachette par l’émissaire du roi, qui avait remis des copies aux enquêteurs. Jugés illégaux par la défense, ces enregistrements ont été au cœur d’une bataille procédurale et la Cour de cassation a finalement rejeté les recours des journalistes en novembre 2017.