France

Un an après la mort d’Yvan Colonna, Cargèse et la Corse veille son « héros devenu mythe »

De notre envoyé spécial à Cargèse (Corse-du-Sud),

La nuit tombe sur Cargèse, en Corse-du-Sud, et le silence enveloppe l’assemblée réunie devant la petite chapelle familiale surplombant la mer et où repose Yvan Colonna, décédé il y a un an après la violente agression d’un de ses codétenus. Un peu plus de deux cents personnes ont répondu à l’appel d’organisations de jeunesse pour cette veillée, en accord et selon la volonté de la famille du militant indépendantiste. Par petits groupes, amis de la famille, militants nationalistes, voisins défilent dans la chapelle entourée de cyprès, de pins et d’oliviers pour rendre, une nouvelle fois, hommage à Yvan Colonna, condamné pour l’assassinat du préfet Erignac. Un acte que le militant indépendantiste a toujours nié.

Les deux grands brasiers allumés à ses abords laissent entrevoir des visages fermés. D’une voix étranglée, une femme chuchote à l’oreille de son mari tandis que commencent à résonner des chants corses orchestrés par un groupe de musiciens. Des chants qui parlent de lutte, de mort, de liberté.

Les flammes des nombreuses bougies disposées le long de l’enceinte de la chapelle et de ses escaliers illuminent d’une lueur dansante les drapeaux corses, qui voisinent un étendard kanak, un breton et un basque, accrochés à la grille. Autant de symboles de luttes d’indépendance, de luttes contre un Etat français ressenti comme trop central, trop jacobin, négateur d’identité.

« Il fait partie de l’histoire corse, à jamais »

« C’est important pour nous de venir, montrer notre soutien et de continuer le combat pour la justice et la vérité », explique en repartant un groupe de trois personnes venues d’Ajaccio, à une heure de route. « Yvan a été assassiné par l’Etat français, par la France, et il est mort pour la Corse », estime une dame. Elle demeure convaincue de son innocence. « Il est comme Fred Scamaroni [un résistant corse durant la Seconde Guerre mondiale décédé en 1943 après son arrestation], il n’a pas parlé », conclut-elle.

Pour son voisin : « Yvan Colonna était déjà un héros, c’est devenu un mythe. Il fait partie de l’histoire corse, à jamais ». Un mythe qui se transmet désormais de génération en génération. Il n’y a qu’à voir les visages encore juvéniles présents ce mardi soir pour s’en convaincre. Beaucoup n’étaient pas nés en 1998, lorsque le préfet Claude Erignac a été tué, et peu l’étaient lorsqu’il fut arrêté en 2003, après quatre ans de cavale. « Yvan fait l’union et continue à être un trait d’union entre les générations », constate Philippe, un ami d’enfance du militant.

Tard dans la nuit, alors que les braises des foyers retombent et que les cires des bougies continuent de fondre, une procession de voitures s’en va dans l’obscurité. A la lueur de leurs phares apparaît cette phrase, qui se répète inlassablement sur tant de murs de l’île : « Gloria à té Yvan » (Gloire à toi Yvan).