France

Ubisoft : « Bitch », « Morue »… Jugé pour harcèlement, un ex-cadre s’excuse et invoque la « culture Ubi »

Insultes sexistes, humiliations publiques, bizutages : le tribunal correctionnel de Bobigny juge cette semaine trois anciens cadres d’Ubisoft, soupçonnés d’avoir instauré un système de harcèlement dans l’entreprise entre 2010 et 2020.

Parmi eux, Tommy François, ex-vice-président du service éditorial, a admis lundi une série de comportements dégradants. Il s’est excusé à la barre, tout en évoquant une « culture Ubi » faite de blagues graveleuses et de management « fun ».

« Ça faisait partie du vocabulaire Ubisoft »

« Je n’ai pas réfléchi, c’était l’ambiance, la ‘culture Ubi’ », a-t-il répété devant les magistrats. Il reconnaît aujourd’hui que cette « normalité » n’était « pas acceptable ». À l’époque, dit-il, « il fallait être fun pour faire du fun ». Devant le tribunal, il répète n’avoir pas été « l’instigateur de cette culture geek » avant d’ajouter que quand il a rejoint les effectifs d’Ubisoft, il y a « trouvé une ambiance ».

À la barre, Tommy François a reconnu avoir tenu des propos et comportements humiliants, comme traiter des collègues de « bitch » ou de « morue ». « Ça faisait partie du vocabulaire Ubisoft », a-t-il admis. Le tribunal a entendu les témoignages accablants de plusieurs femmes. Une ex-employée raconte avoir été forcée à plusieurs reprises à faire le poirier en jupe sur ordre de son supérieur. Une autre a été ligotée à une chaise puis envoyée dans un ascenseur, lors d’un « bizutage ».

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Des humiliations banalisées, des RH silencieuses

Tommy François aurait aussi exigé que ses ongles soient vernis en rose en plein open space. Les victimes décrivent un climat d’humiliations constantes, de cris et d’insultes. « Quand il venait vers mon bureau, j’avais peur », a confié l’une d’elles. La première fois que Tommy François lui ordonne de faire le poirier en public, elle s’exécute, « comme c’était mon supérieur hiérarchique », dit-elle au tribunal. Alors qu’il exige qu’elle renouvelle la pose régulièrement au fil des semaines, elle choisit sciemment un jour de porter une jupe serrée. Une « stratégie d’évitement », selon ses mots, qui n’aura cependant pas arrêté Tommy François.

L’ancien cadre affirme qu’il n’a jamais été formé au management et que les ressources humaines, pourtant proches, ne l’ont jamais convoqué. Pour ce prévenu, ces blagues sexistes relevaient d’un registre « presque affectif », lui qui avait « à l’époque l’impression d’être dans le respect des gens ».

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Après deux ans d’enquête, ni Ubisoft ni ses RH n’ont été poursuivis. Une décision critiquée par plusieurs parties civiles, qui pointent une tolérance hiérarchique vis-à-vis de ces pratiques.

Ce mardi, ce sera au tour de Serge Hascoët, ex-numéro 2 du groupe et directeur créatif, d’être entendu. Il est accusé de harcèlement sexuel, moral et de complicité dans les actes reprochés à Tommy François.