« Tu n’en as pas marre de voler mon concept ? »… Les créateurs de contenu peuvent-ils protéger leurs idées de vidéo ?

L’été, vous aimez manger des salades de tomate avec de la burrata ? Si vous êtes un peu foufou, vous avez sûrement déjà mélangé ce fromage avec des fraises ou de la pêche. Bref, rien d’incroyable. Mais sans le savoir, vous avez volé le concept de la créatrice de contenu Kenza Waldorf. La jeune Marseillaise s’est autoproclamée inventrice des vidéos de cuisine avec ce produit. Et gare à ceux qui aiment ce mets italien.
Si vous ne passez pas votre temps sur TikTok, vous devez vous demander de quoi nous parlons. Tout commence quand Kenza Waldorf publie une vidéo en affirmant que « La burrata, tout le monde sait que c’est mon concept ! Comme on dit : « toujours imitée jamais égalée » », cette phrase vise une autre créatrice de contenu Maee Brun, qui aurait publié pas moins de sept vidéos mettant en vedette… une burrata. Rien de bien grave dans le monde des moldus, mais chez les créateurs de contenu, un concept vidéo, c’est sacré.
Touche pas à mon idée
« Un créateur de contenu surtout sur le réseau chinois, est à la croiser des chemins entre l’influence et le stand-up. Il doit donc se créer un rôle, nous explique Anaïs Loubère, spécialiste des réseaux sociaux et à la tête de l’agence Digital Pipelettes. Puis n’oublions pas que pour devenir identifiable, cela va prendre du temps et quand l’heure de gloire arrive grâce à un format, on ne veut pas que cela soit repris vu le temps que cela prend. »
Sur les plateformes sociales, les algorithmes sont à la recherche de contenus à fort potentiel trendy. C’est-à-dire que les utilisateurs vont pouvoir copier et s’approprier… On est bien loin des vidéos originales comme nous le rappelle l’experte des réseaux. « TikTok a toujours été imaginé pour recréer des tendances, c’est dans l’ADN de la marque. Sa première fonctionnalité c’était de reprendre des vidéos tendances pour en faire son propre contenu. Dans le cas de l’embrouille de la burrata, on peut dire que Kenza joue avec les codes de la mise en scène de la télé-réalité avec du drama et elle amplifie une situation. Ces codes-là sont utilisés pour rendre viral une vidéo et c’est la chose ultime chez les créateurs. » ajoute Anaïs Loubère. Et la créatrice de contenu a atteint le but ultime : la viralité. Plusieurs jours après la publication de sa vidéo, les parodies et les allusions à son contenu se multiplient. Mais à quel prix ? Kenza Waldorf affirme avoir été victime d’un « début d’AVC », profitant de l’occasion pour présenter ses « excuses » aux internautes qu’elle a pu blesser.
Mais à qui appartient la vidéo ?
Pour éviter toute vague de harcèlement sur les créateurs de contenu accusés de copier une idée, ne faudrait-il pas légiférer et punir les soi-disant voleurs ? « Beaucoup de gens pensent que leur travail pourrait être protégé par le droit d’auteur. Sauf que pour gagner en cas de litige sur la contrefaçon d’une vidéo il faut avoir fait un travail esthétique. Les vidéos produites sur les réseaux sont souvent d’une rare banalité, on retrouve la même manière de filmer et les musiques sont aussi identiques », explique Alexandre Lazarègue avocat spécialisé dans le droit applicable à internet.
En gros pour les formats sur les plateformes, le droit d’auteur ne protège pas, en cas de souhait, le juge peut être saisi. Mais l’avocat le concède, « c’est très difficile à prouver » surtout pour les plateformes comme Instagram et TikTok qui valorisent les vidéos sans trop de production. Pour YouTube, il est plus simple de faire valoir des droits d’auteur. « Souvent il y a une personnalité qui incarne et un graphisme spécifique. On peut qualifier ça d’œuvre de l’esprit et donc la personne peut saisir un juge ou trouver un arrangement » souligne Alexandre Lazarègue qui soulève quand même un point non négligeable, « dans leurs conditions générales, les hébergeurs écrivent bien qu’ils sont les propriétaires des contenus. »
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Outre le fait de permettre aux créateurs de contenu de rester créatifs, Anaïs Loubère met l’accent sur l’importance de lutter contre le harcèlement et de faire de la sensibilisation. En faisant sa vidéo contre Maee Brun, Kenza Waldorf a ouvert la porte au cyberharcèlement même si elle demande à ses abonnés « de ne pas la harceler dans les commentaires ou par message ». « La plateforme s’enrichit de ces embrouilles mais il y a un vrai sujet sur sa part de responsabilité dans le harcèlement. Il devrait y avoir un radar dès qu’un créateur de contenu incite sa communauté à se liguer contre une personne pour que TikTok diminue ensuite la viralité de sa vidéo », demande l’experte des réseaux. Alors non, Kenza Waldorf n’a pas inventé les vidéos de dégustation de burrata et personne ne doit être harcelé pour avoir mangé du fromage.