Trente et un ans après, procès de Pascal Lafolie pour Nadège Desnoix.
Me Arnaud Miel représente la mère de Nadège Desnoix, dont le corps a été découvert en 1994 à Château-Thierry, et l’accusé, Pascal Lafolie, âgé de 58 ans, est jugé devant la cour d’assises de l’Aisne à Laon, où il encourt jusqu’à trente ans de réclusion criminelle. L’instruction avait révélé quelques traces d’ADN inconnus et l’interpellation de l’accusé en novembre 2021 a été un choc pour les proches de la victime.
« C’est un miracle ! » L’avocat Arnaud Miel utilise des mots forts pour parler du procès qui se tient trente-et-un ans après le meurtre de Nadège Desnoix. Il représente la mère de cette jeune adolescente de 17 ans, dont le corps a été retrouvé en 1994 à Château-Thierry, dans l’Aisne. Selon lui, « l’instruction piétinait un peu, on n’avait pas vraiment d’éléments », mis à part quelques traces d’ADN inconnus retrouvées sur des objets présents sur la scène de crime. Les proches de la jeune fille ont donc été « un petit peu surpris » d’apprendre, en novembre 2021, l’interpellation d’un suspect par la police. « Ça a été un choc, reprend Me Miel. Après tant d’années, c’était inattendu. »
Le suspect est Pascal Lafolie, âgé de 58 ans, qui est jugé à partir de ce lundi devant la cour d’assises de l’Aisne à Laon. Il risque jusqu’à trente ans de réclusion criminelle. La justice le soupçonne d’avoir tué Nadège Desnoix le 24 mai 1994, sur un petit chemin près du lycée Jules Verne où elle étudiait. Ce jour-là, son corps est découvert par un promeneur, partiellement enfoui sous des feuillages. Les enquêteurs retrouvent sur les lieux un cartable en cuir noir, une ceinture en cuir, une montre, une cordelette de 80 cm et une rose fraîchement cueillie. La victime avait une queue-de-cheval maintenue par un chouchou bleu marine à pois blancs.
L’autopsie révèle que Nadège a été poignardée à huit reprises, dans le cou et la poitrine, avec une lame d’environ 6 cm de long. Il est impossible de déterminer si elle a été agressée sexuellement. Les policiers interrogent ses amis et proches, car Nadège semblait être une lycéenne sans histoire. Il lui arrivait, comme beaucoup d’autres, de sécher certains cours pour aller au café « Chez Colette ». Elle a été aperçue vivante pour la dernière fois près de cet établissement, vers 12h45. L’après-midi, elle ne se rend pas en cours et, ne voyant pas sa fille revenir le soir, son père Jean-Claude part à sa recherche à Château-Thierry avant de signaler sa disparition aux gendarmes et à la police.
Les enquêteurs suivent plusieurs pistes, notamment celle d’un exhibitionniste aperçu sur les lieux l’année précédente. Deux hommes sont identifiés, entendus, puis mis hors de cause. Ils s’intéressent également à un trio de racketteurs de lycéens, puis au petit ami de Nadège, à qui elle venait de confier qu’elle était enceinte. Cependant, il a un alibi solide, puisqu’il faisait son service militaire dans l’est de la France à ce moment-là. Les policiers de la PJ de Creil interrogent même le tueur en série Michel Fourniret et son épouse, Monique Olivier. Le couple admet avoir été plusieurs fois près de Château-Thierry, mais affirment ne pas être impliqués dans le meurtre de Nadège Desnoix.
Fin 2021, un nouveau tournant conduit à l’arrestation de l’accusé. De l’ADN est découvert sur le chouchou de la victime. De nouvelles analyses, réalisées en septembre, montrent qu’il s’agit de celui de Pascal Lafolie. En vérifiant son nom dans leurs fichiers, les policiers constatent qu’il est considéré comme dangereux et a des antécédents judiciaires pour des faits similaires. Entre 1992 et 1996, il vivait à Jouarre, à environ trente kilomètres de Château-Thierry. Il a déjà été condamné à cinq ans d’emprisonnement pour avoir agressé sexuellement une adolescente de 14 ans, après l’avoir menacée avec un couteau. En 2002, il a été condamné à douze ans de réclusion pour le viol d’une jeune femme de 21 ans.
En août 2021, une dispute éclate avec sa nouvelle compagne, qui prévient la police. Pascal Lafolie est placé en garde à vue, où son ADN est prélevé, juste quelques jours avant les nouvelles analyses sur les vêtements de Nadège Desnoix. Le 30 novembre, il est interpellé à son travail à Vezin-le-Coquet (Ille-et-Vilaine) et placé en garde à vue. Il avoue immédiatement : « Je ne pensais pas que ça finirait en meurtre pour une fellation. J’ai des regrets. C’est un peu vague parce que ça fait des années et j’ai du mal à me rappeler mais je vois l’endroit où cela s’est passé, je le vois très bien », dit-il.
Cependant, en mai de l’année suivante, il revient sur ses confessions et assure être innocent. Il prétend qu’il conduisait son frère Franck à un rendez-vous à Château-Thierry le jour des faits. Selon lui, son frère aurait tenté d’agresser sexuellement Nadège et il aurait essayé d’intervenir. Franck l’aurait alors frappé et il aurait perdu connaissance, oubliant cet épisode jusqu’à ce qu’il fasse un cauchemar en prison. Des proches décrivent Franck comme un homme dangereux, ayant abusé d’enfants. Il est décédé en juillet 2021. Son corps est exhumé et les tests ADN montrent qu’il n’était pas impliqué dans le meurtre. De plus, les deux frères n’étaient pas proches à l’époque des faits.
Pascal Lafolie est également décrit comme violent par ses anciennes compagnes, plusieurs d’entre elles affirmant avoir été violées par lui. Les policiers découvrent sur son ordinateur des contenus pédopornographiques, y compris des vidéos dans lesquelles il filmait à l’insu la fille de son ex-compagne pendant sa douche.
« A-t-il essayé de violer Nadège Desnoix ? Sa famille a des doutes sur ce qu’il s’est passé exactement », explique Me Arnaud Miel à 20 Minutes. « Mon client est prêt. Il est nécessairement stressé à l’idée de comparaître devant une cour d’assises. Mais il a des choses à dire et se tient prêt à participer aux débats durant ces quatre jours qui vont permettre de revenir sur ces trente ans d’enquête et les faits de 1994 », ajoute son avocate, Me Justine Devred. « Il attend ce moment où on va y voir plus clair, où on va avoir des explications. Parce que depuis le début, il reconnaît avoir été sur place mais pas l’avoir tuée. Or il faut bien que quelqu’un l’ait tuée, cette jeune femme », conclut-elle. « C’est toute la difficulté de ce dossier. On va parler de faits qui ont eu lieu il y a trente-et-un ans. S’il y a un doute, il devra bénéficier à l’accusé. »

