France

Trente ans après son adoption, elle retrouve sa famille biologique au Vietnam grâce à une mystérieuse photo

Son histoire pourrait inspirer les scénaristes de Netflix pour un film « feel good » qui tire les larmes et réchauffe les cœurs. Cette histoire, c’est celle de Kim Hoa Gouguet, une jeune femme adoptée à l’âge de quinze mois dans un orphelinat au Vietnam par un couple de la région nantaise et qui retrouve ses parents biologiques trente ans plus tard grâce à une mystérieuse photo de famille et un improbable concours de circonstances. « Il y avait vraiment très peu de chances que l’on se rencontre », confie-t-elle. Cet émouvant récit trouve sa source à Puoc Vinh, une ville située à deux heures de route d’Hô Chi Minh-Ville, où la petite Kim Hoa Nguyen voit le jour le 2 janvier 1993, benjamine d’une fratrie de sept enfants. Très pauvres, ses parents n’ont pas d’autre choix que de l’abandonner quand elle a quinze mois avec une autre de ses sœurs, de trois ans son aînée, et de les « offrir » à un orphelinat géré par des sœurs dans l’ancienne Saïgon.

Dans le même temps, une famille française a entamé des démarches pour adopter un enfant dans le pays, la mère ne pouvant en avoir naturellement. Très vite, l’une des religieuses les informe que deux sœurs sont adoptables. Mais entre-temps, la famille Nguyen, pétrie de remords, a décidé de reprendre la plus âgée des deux en la voyant dépérir à l’orphelinat. Elle y retournera un mois et demi plus tard mais la famille française vient déjà de quitter le pays avec la petite Kim Hoa. « Cela s’est joué à deux jours près », indique-t-elle.

Aucune certitude que ce soit elle sur la photo

En France, la fillette vietnamienne a vécu, selon ses mots, « une enfance géniale et pleine d’amour », entourée de « parents idéaux » et d’un demi-frère, lui aussi adopté au Vietnam en 1996. « Mes parents m’ont toujours dit d’où je venais et ne m’ont rien caché, raconte Kim Hoa. On allait tous les cinq ans environ au Vietnam et ils m’ont toujours fait baigner dans la culture de mon pays. Ils envoyaient aussi des nouvelles aux sœurs de l’orphelinat qui venaient parfois nous voir quand elles étaient de passage en France ». Lors d’une de ces visites, Kim Hoa reçoit, à l’âge de 12 ans, une photo de famille. « La sœur m’a dit que mon dossier avait brûlé et qu’il ne restait plus rien hormis cette photo, témoigne la jeune femme. Mais elle m’a dit qu’elle n’était pas sûre que ce soit moi dessus ».

La fameuse photo dans laquelle Kim Hoa pose dans les bras de son papa biologique.
La fameuse photo dans laquelle Kim Hoa pose dans les bras de son papa biologique.  - Kim Hoa Gouguet

Les années passent pour Kim Hoa sans que rien ne vienne bouleverser sa vie paisible dans l’agglomération nantaise, où elle se marie et commence à travailler comme commerciale. Jusqu’à sa première grossesse en 2017. « Je ne m’étais jamais interrogée jusqu’alors sur mes origines, mais je me suis rendu compte à ce moment-là que je ne savais pas d’où je venais, souligne-t-elle. Il y avait aussi cette peur de porter la vie et de transmettre à mon enfant une maladie héréditaire sans que je le sache ». Une quête identitaire commence alors à se dessiner dans sa tête, mais il faudra un peu plus de six ans pour qu’elle se concrétise.

La nouvelle tombe quand elle est à l’aéroport

Au printemps dernier, elle décide ainsi de partir en voyage au Vietnam avec ses enfants et sa belle-famille pour leur faire découvrir le pays et l’orphelinat où elle a vécu ses premiers mois. « Avant de partir, j’ai vraiment eu le déclic de lancer mes recherches pour retrouver mes origines, confie-t-elle. Il n’y avait aucune certitude mais je ne voulais pas le regretter toute ma vie ». Elle prend alors contact sur Facebook avec des groupes de francophones vivant au Vietnam, histoire déjà de retrouver l’adresse de l’orphelinat.

Kim Hoa avec sa mère adoptive (à gauche) et ses parents biologiques.
Kim Hoa avec sa mère adoptive (à gauche) et ses parents biologiques. - Kim Hoa Gouguet

De fil en aiguille, elle échange avec une femme connaissant bien les lieux et habituée, semble-t-il, à aider les gens recherchant leurs origines. « Je lui ai donné mon nom de naissance mais elle m’a répondu que cela ne servait à rien car 40 % de la population du Vietnam s’appelle Nguyen », sourit la trentenaire, mère de deux enfants. Son mari se souvient alors de la photo de famille donnée il y a fort longtemps par la religieuse et qui traînait depuis dans un tiroir. Une aubaine pour « la bienfaitrice », qui contacte alors un journaliste pour lancer un avis de recherche.

Alors qu’elle sillonne le pays en famille, l’histoire de Kim Hoa est publiée dans le quotidien Than Nien, le deuxième plus lu du pays, avant d’être reprise un peu partout dans les médias. Après un reportage à la télé dans lequel est diffusée la fameuse photo, les équipes sont submergées d’appels et en moins de deux heures, ils parviennent à retrouver la trace des parents biologiques de Kim Hoa. « C’était le jour où l’on reprenait l’avion, se souvient-elle. J’étais dans l’aéroport quand j’ai reçu un appel de mon amie qui m’indiquait qu’ils avaient retrouvé mes parents. Sur le coup, je ne comprenais pas ce qu’elle me disait, j’étais comme sonnée ».

Sur les traces de son autre sœur adoptée en France

Deux jours plus tard, le temps de revenir en France, une visio est organisée. Avec derrière les écrans interposés Kim Hoa et sa famille biologique. « Quand ils m’ont montré la photo de famille qui était dans leur salon, la même que la mienne, il n’y avait plus aucun doute », rembobine la jeune femme, qui découvre alors qu’elle a trois frères et deux sœurs. Ainsi qu’une autre sœur, adoptée peu de temps après elle par une famille française. Kim Hoa va de surprise en surprise et promet à sa famille biologique d’aller les voir très vite. Mais avant cela, elle se lance dans une nouvelle quête frénétique pour retrouver sa sœur. « Cela a été moins chanceux cette fois et bien plus compliqué à cause de l’administration française », concède-t-elle.

Notre dossier sur l’adoption

Pas loin d’abandonner, elle joue son dernier atout en publiant la fameuse photo sur la page Facebook Je te recherche. Et la magie des réseaux a encore opéré, Kim Hoa parvenant à retrouver sa sœur qui habite dans la région d’Orléans. « C’était assez violent car elle ne savait pas qu’elle avait une sœur en France, poursuit la trentenaire. On s’est vues pour la première fois en juin, et ça s’est bien passé. Mais son parcours familial est plus compliqué et elle ne veut pas entendre parler de sa famille biologique ».

« J’ai retrouvé une partie de moi »

Une famille que Kim Hoa a retrouvée en juillet, accompagnée par sa mère adoptive. « J’appréhendais un peu ces retrouvailles car j’avais peur d’être déçue ou que ça se passe mal, raconte-t-elle. Mais c’était incroyable au final de voir mes deux mamans dans les bras l’une de l’autre. C’était la mousson et il pleuvait à torrent ce jour-là. Ma sœur m’a dit à l’oreille : « Même le ciel pleure aujourd’hui » ». Après ce tourbillon d’émotions, Kim Hoa et sa mère adoptive sont revenues en France quelques jours plus tard. Mais la trentenaire a encore du mal à redescendre. « J’ai retrouvé une partie de moi, je me sens désormais complète et entière », lâche-t-elle.

Elle donne depuis régulièrement de ses nouvelles à sa famille vietnamienne, avec qui il a fait deux visios pour Noël et pour la fête du Têt fin janvier. « On essaie aussi de les aider un peu financièrement pour la nourriture et les médicaments, et on va essayer d’y aller tous les ans pour les vacances », espère la Franco-Vietnamienne. D’ici là, elle va essayer d’apprendre les rudiments de sa langue maternelle. « Mais je suis trop nulle pour ça ! », s’esclaffe la jeune maman.