France

Transports en Ile-de-France : Pourquoi faut-il presque 10 ans pour automatiser une ligne de métro ?

Dix ans, c’est le temps qu’il a fallu à Hercule pour boucler ses douze travaux. C’est aussi le temps qu’il faudra pour passer à l’automatisation complète de la ligne 13, qui au vu de sa complexité, serait un défi de taille pour le demi-dieu grec, s’il habitait à Carrefour-Pleyel. Mais on n’en est pas là. Ile-de-France Mobilités (IDFM), autorité organisatrice des transports, vient d’approuver les études d’avant-projet pour l’automatisation complète de la ligne 13 lors de son conseil d’administration du 7 décembre, le même qui avait acté de la hausse du prix du pass Navigo.

Avant l’automatisation, il y aura l’arrivée de nouveaux trains, les MF19 (pour métro ferré 2019) qui seront mis en service à partir de mi 2027. Plus confortables et plus fiables, ils permettront d’accueillir 13 % de voyageurs en plus. Ensuite, on s’attaquera à l’automatisation complète de la ligne avec comme horizon 2035. Ce qui fait dans pas mal de temps. D’ailleurs, pourquoi est-ce aussi long ?

La contrainte du maintien de l’activité

Déjà parce qu’en préalable à l’automatisation complète d’un train, il y a tout un tas de travaux à faire comme « adapter les stations, l’ensemble des postes de signalisation voire les terminus des lignes », précise le communiqué d’IDFM. Il faut surtout installer des portes palières sur les bords de quais et renforcer ces derniers pour qu’ils en supportent le poids. Ensuite et principalement, « ça prend du temps parce qu’on décide de maintenir l’activité, donc les travaux se font la nuit et le week-end », indique IDFM. « Il y a plus de complexité à rénover une ligne qu’à en créer une », appuie Vincent Fontanel, directeur de l’unité Rail Infrastructure chez Siemens Mobility.

Et il sait de quoi il parle puisque c’est Siemens Mobility qui a assuré l’automatisation de la ligne 4 et est en charge de celles des lignes 15, 16 et 17 du Grand Paris Express. Pour ce faire, elle fournit le cerveau de l’automatisation, que ce soit à bord du train, sur les voies ou au poste central de commandement (PCC).  « Lors des nuits d’essai, en raison des procédures de sécurité, on a trois heures de travail effectif, poursuit le directeur. Ça contraint le planning et les mises en service sachant qu’on a un volume d’heures d’essais à effectuer. »

Pour accroître l’efficacité de ces derniers, Siemens essaie de parvenir sur site avec le projet le plus mature possible. Mais même dans ce cas, « il a fallu trois ans pour faire les installations et essais sur la ligne 4, indique Vincent Fontanel. C’est l’exigence de sécurité qui réclame du temps. » Et encore si l’automatisation de la ligne 4, lancée en 2016, a débuté en septembre dernier, il faudra encore un an pour que l’ensemble des navettes soient automatisées.

La promesse de cinq trains supplémentaires par heure

Pour tenter de réduire les délais, « des pistes d’optimisation/d’accélération ont été identifiées et seront étudiées en phase projet », indique le communiqué d’IDFM. Celle-ci précise ainsi avoir demandé « à la RATP de gagner du temps dans un budget tenu ». Pas évident par les temps qui courent. Car qui dit temps, dit argent et IDFM met le paquet pour cette automatisation : 837 millions d’euros !

Mais pour l’autorité organisatrice, le jeu en vaut la chandelle. « Sur la ligne 13, on a une ponctualité moyenne autour de 90 % mais on peine à augmenter tandis que sur une ligne automatique on est au-delà de 100 % car on peut injecter des trains supplémentaires sans problème », indique IDFM. De fait, l’automatisation de la 13 permettrait d’ajouter 5 rames par heure. « Avec des trains automatiques, on réduit l’intervalle de sécurité à 85-90 secondes », ajoute Vincent Fontanel. « Cela fait gagner du temps à énormément de monde », conclut IDFM. Et accessoirement, ça permet d’éviter les problématiques actuelles de pénuries de conducteurs sans compter qu’un métro automatique fait rarement grève.