FranceSport

Tournoi des VI Nations : La France, « certainement l’équipe à battre » à six mois de la Coupe du monde

Au Stade de France,

Pour leur dernière sortie à la maison avant le grand raout mondial, samedi face au pays de Galles, les Bleus ont tenu à offrir à leurs supporters de quoi patienter pour les six prochains mois. Cinq essais, du jeu en première main, des combinaisons d’école récitées en mode ballet, une conquête aiguisée et un buteur aussi précis qu’un sniper… Une semaine après l’orgasmique raclée de Twickenham, le XV de France a encore donné à manger au bon peuple en franchissant la barre des 40 points. Mais ça n’aurait pas été drôle sans de sacrés trous d’air, aussi, qui ont permis à des Gallois certes plus fringants que ces dernières semaines mais vieillissants cousins des vainqueurs du Tournoi en 2019 et 2021 d’inscrire quatre essais. Il faut bien se quitter avec quelques sujets à méditer.

« On voulait faire un bon match, prendre du plaisir et bien finir devant nos supporters, résume Charles Ollivon. C’est important avant de basculer sur autre chose. » Le Tournoi achevé à la deuxième place derrière l’Irlande, vainqueur de l’Angleterre en début de soirée, c’est maintenant la Coupe du monde qui va occuper à plein l’esprit des Français. La fameuse flèche du temps décochée par Fabien Galthié lors de sa prise de fonction en 2020 entrevoit sa cible.

« Laissez-nous le temps de terminer notre séjour en commun », revendique quand même le sélectionneur, qui a prévu de ne lâcher ses joueurs que ce dimanche midi. Le temps d’au revoir en bonne et due forme. La prochaine fois que tout ce petit monde se verra, ce sera pour l’ultime ligne droite vers le match d’ouverture, le 8 septembre face à la Nouvelle-Zélande.

La menace irlandaise

Cette perspective, évidemment, a fait partie des sujets de discussion dans le vestiaire après la rencontre. « On s’est un peu projeté, ça va passer vite je pense, note Thomas Ramos. C’est vrai que sur les derniers matchs ici, on a senti l’effervescence monter. Le public a hâte d’y être, nous aussi. On va retourner en club mais cette Coupe du monde sera dans un coin de notre tête. »

Dans cette quête absolue d’un premier titre mondial dans l’histoire du rugby français, ces Bleus pourront s’appuyer sur de solides références. Certes, ils ont vu leur série d’invincibilité s’évaporer le mois dernier à Dublin. Mais il n’y a rien de scandaleux à perdre contre cette équipe d’Irlande, numéro 1 mondiale et que rien ne semblait pouvoir empêcher d’aller cueillir le quatrième Grand Chelem de son histoire. Et puis ça ne fait jamais de mal de ramener un peu de boulot à la maison de temps en temps.

« Tactiquement on a été moins précis là-bas qu’en Angleterre par exemple. C’est ce qui nous coûte le match, estime Ramos. Il y a pas mal de choses à prendre, à ne pas reproduire si on veut les battre la prochaine fois. » Pas le choix de toute façon, si le tableau de marche est respecté, les Sexton’s boys se dresseront sur la route des Bleus dès les quarts de finale au Mondial.

Surtout, cet accroc a eu le grand mérite de remettre de l’ordre dans le plan de jeu. Après avoir remporté le dernier Tournoi puis battu l’Australie et l’Afrique du Sud en novembre en tapant comme des sourds dès qu’ils en avaient l’occasion pour mieux mettre la pression dans le camp adverse (le jeu de « dépossession »), les Français s’étaient soudain mis en tête qu’il fallait à tout prix relancer à la main depuis leur 22 (la « repossession »). On caricature, mais la perte de repères collectifs avait été flagrante, déjà face à l’Italie en ouverture.

« On est plus carrés dans nos intentions »

Depuis, c’est back to basis, avec des relances à risque qui se comptent sur les doigts d’une main pendant un match. Thomas Ramos, toujours, confirme nos impressions : « Cette défaillance nous a fait nous remettre en question. On est plus carrés dans nos intentions. » Mais attention, « taper pour taper, ce n’est pas l’objectif, rappelle Fabien Galthié. Taper dans le ballon, c’est toujours la lecture des espaces disponibles. » De ce point de vue, les trois dernières rencontres ont rassuré tout le monde. « On a gagné 17 de nos 18 derniers matchs, rappelle Cyril Baille. Il faut aussi se dire qu’on a une grosse marge de progression. »

Pour l’ailier Ethan Dumortier, le grand enseignement est que quel que soit le style de jeu choisi par séquences, il ne faut jamais rester dans la demi-mesure. « J’ai l’impression qu’on n’attaquait pas à fond, on n’était pas à 100 %. On a changé ça, on a remis beaucoup de densité sur nos premières mains et ça a payé, juge le jeune joueur du LOU, passé de bizut à propriétaire du numéro 11 sur ce Tournoi. De manière générale, quand on est capables de poser les situations et de garder le ballon, on sait qu’on est capable de mettre à mal beaucoup d’équipes. »

Ethan Dumortier (à droite) et Romain Ntamack (à gauche) félicitent Uini Atonio pour son essai lors de France-pays de Galles, le 18 mars 2023 au Stade de France.
Ethan Dumortier (à droite) et Romain Ntamack (à gauche) félicitent Uini Atonio pour son essai lors de France-pays de Galles, le 18 mars 2023 au Stade de France. – AFP

Ce Tournoi a achevé de révéler le potentiel offensif hors-norme de cette équipe, menace permanente pour l’adversaire, efficace, portée par une connexion toulousaine qui fonctionne à plein dans le cœur de l’animation entre Dupont, Ntamack – auteur d’un match énorme contre le pays de Galles – et Ramos. L’arrière français au tableau noir :

« Ça fait un petit moment qu’on a l’habitude de jouer ensemble. Je prends la main de temps en temps en 10, et Romain se trouve en position de premier attaquant. Ça nous a souri aujourd’hui [samedi] car Romain a eu des brèches qui se sont ouvertes grâce à ça. C’est presque naturel chez nous cette connexion. Quand deux joueurs peuvent animer le jeu, ça aide aussi nos avants et ça déleste les centres qui peuvent se consacrer à leurs tâches. C’est donc une bonne chose parce que ça profite à toute l’équipe. »

« On est certainement l’équipe à battre »

La mécanique a encore des progrès à faire, bien sûr, notamment dans la gestion des temps faibles et la discipline défensive. « Il a fallu s’adapter à des nouvelles règles, et on a encore besoin d’améliorer notre défense, de mieux comprendre ces nouvelles directives », sait Fabien Galthié, dont l’équipe est tout de même passée de 18 pénalités concédées lors du premier match en Italie à six lors du dernier. Mais le bilan général est bon, très bon même pour le sélectionneur, qui sort la machine à stats : « On a 80 % de victoires depuis quatre ans [16 en 20 matchs], je pense que dans l’histoire du rugby français ça n’est jamais arrivé. »

On n’en attendait pas moins de l’ancien demi de mêlée, qui aura marqué de son empreinte ces quatre ans avec son langage parfois cryptique, ses datas et ses marottes comme le vécu commun. Illustration encore samedi soir : « On a commencé à 8 sélections de moyenne en février 2020 et quatre saisons plus tard on est à 26 sélections de moyenne. J’aurais aimé qu’on en ait une bonne dizaine de plus mais ça n’a pas été possible. Pour la santé des joueurs et l’équilibre des saisons, c’est ce qu’on pouvait faire de mieux. »

Suffisant pour la quête du Graal, l’automne prochain ? En tout cas, si on essaie de se rappeler l’état dans lequel se trouvait le XV de France en octobre 2019 après la piteuse élimination en quarts de finale du Mondial au Japon, il faudrait être sacrément vachard pour se plaindre. « On est certainement l’équipe à battre, avance Galthié. On a un ratio de victoires impressionnant, une défaite en quatre ans au Stade de France, contre l’Écosse alors que le match était gagné (23-27 en 2021). J’espère que les autres équipes nous craignent. » De toute façon, il n’a jamais été question pour le sélectionneur de se cacher.