Tour de France 2025 : Risque-t-on de vivre la première édition du siècle sans victoire d’étape française ?

Doit-on sabrer le champagne, ce samedi soir, en constatant que Kévin Vauquelin intègre le Top 5 du classement général du Tour de France 2025 et que Lenny Martinez s’empare (réellement) du maillot du meilleur grimpeur ? Disons que la team verre à moitié vide peut légitimement avancer une statistique moins reluisante : cela fait 26 étapes consécutives, entre les éditions 2024 et 2025, qu’aucun coureur français n’a plus empoché une victoire d’étape sur la Grande Boucle.
Depuis le surprenant succès d’Anthony Turgis, le 7 juillet 2024 à Troyes, le cyclisme tricolore est en effet lancé sur une série noire qui rappelle celle vécue entre 2021 et 2022, avec 38 étapes sans victoire entre des perfs de Julian Alaphilippe et de Christophe Laporte. L’enjeu national commence à être de taille, à seulement sept étapes de la fin de cette édition 2025, puisque nos Bleus n’ont encore jamais connu un zéro pointé sur le Tour au 21e siècle.
Martinez et Paret-Peintre un temps dans le trio de tête
Depuis le lancement de l’épreuve reine de cyclisme en 1903, seules les années 1926 et 1999 ont ainsi vu nos coureurs tous repartir bredouilles. On a bien cru que Lenny Martinez avait choisi ce samedi l’étape la plus vertigineuse des Pyrénées (182,6 km, quatre cols et 4.950 m de dénivelé positif) pour débloquer les compteurs. Epoustouflant au Tourmalet, qu’il a survolé en solitaire, puis costaud au Col d’Aspin, le coureur de Bahrain Victorious a ensuite choisi d’attendre le renfort de l’Américain Sepp Kuss (Visma) et de Valentin Paret-Peintre (Soudal Quick-Step), à 57 km de l’arrivée.
Autant dire qu’avec deux Français sur trois coureurs dans une échappée bien lancée, avec alors 1’50 » d’avance sur les poursuivants, l’espoir était de mise. Mais le Néerlandais Thymen Arensman (Ineos) a entamé sa masterclass du jour, en recollant puis en larguant tout ce beau monde à 35 km de Luchon-Superbagnères, pour rejoindre en tête les deux derniers sommets. Le rêve s’est envolé, et on ne peut s’empêcher d’avoir des regrets pour Lenny Martinez tant il volait dans le Tourmalet comme prime Thibaut Pinot.
« Compliqué de jouer deux lièvres à la fois »
OK, il a hérité du prix du combatif du jour, et surtout de ce maillot à pois avec désormais huit points d’avance sur l’incontournable Tadej Pogacar, mais il n’y avait pas un kif ultime à aller chercher à Luchon-Superbagnères ? « J’ai suivi le plan : il fallait essayer de prendre les points de la montagne dans les trois premiers cols, a commenté l’intéressé au micro d’Eurosport. J’ai pensé à la victoire d’étape aujourd’hui mais je n’avais pas grand-chose dans les jambes à la fin. Je suis pour l’instant content avec le maillot de meilleur grimpeur et je vais essayer de prendre des points à chaque opportunité. »
Autrement dit : l’ambition de décrocher un maillot dans huit jours à Paris enlève désormais le prometteur athlète de 22 ans de la liste des candidats à une victoire d’étape. C’est ce que décryptait ce samedi l’ancien coureur Steve Chainel, désormais consultant sur Eurosport : « C’est compliqué de jouer deux lièvres à la fois. Lenny était euphorique dans le Tourmalet mais il n’était peut-être pas totalement concentré sur la victoire d’étape. S’il la jouait vraiment, son équipe aurait dû le faire se relever bien longtemps avant, car c’était mission impossible d’envisager faire 90 bornes tout seul ».
La réflexion est quasiment similaire à présent pour Kévin Vauquelin (Arkéa-B&B Hotels), devenu 5e au général (à 10’21 » de Pogacar) après l’abandon de Remco Evenepoel (3e). « C’est juste incroyable, j’arrive à ne pas être trop loin du groupe du leader, donc c’est un gros step dans ma carrière », savoure le bluffant coureur de 24 ans. Un Top 5 sur le Tour, ça n’est évidemment pas rien, mais autant vous dire que toutes les grandes formations verrouilleront à présent à triple tour chaque éventuelle tentative d’échappée de notre révélation 2025.
« On espère une étape de baroudeurs dimanche »
Là où ça se corse vraiment en vue d’une victoire d’étape française, c’est que même un Jordan Jegat (Total Energies), très remuant sur la dernière étape pyrénéenne, semble être avant tout soucieux du classement général. A présent 11e à moins d’1’30 » de Carlos Rodriguez (Ineos, 10e), il ne cache pas ses ambitions de Top 10. « Je veux refaire des journées comme aujourd’hui, a-t-il annoncé sur Eurosport. Avant le départ de ce Tour, j’ambitionnais d’être parmi le Top 15, mais je ne pensais pas l’être aussi tôt et aussi bien. Après, je suis gourmand : il faut viser une victoire d’étape et un Top 10 au général. »
Dans cet ordre de priorité, on valide. Car sur une édition 2025 où le maillot jaune est plus verrouillé que jamais avant d’attaquer la dernière semaine, on sent bien que maître « Pogi » est à présent capable de « s’effacer », et qu’un Français pourrait autant en profiter que Thymen Arensman ce samedi. Immense mais mal récompensé sur la 12e étape jeudi, Bruno Armirail (Decathlon AG2R La Mondiale) a le profil de héros de la patrie si les jambes suivent dès l’étape « accidentée » de dimanche entre Muret et Carcassonne.
Notre dossier sur le Tour de France
« On espère comme beaucoup que ça donnera une étape de baroudeurs dimanche, a reconnu son directeur sportif Sébastien Joly, samedi sur Eurosport. On en parle depuis quelque temps car on a quelques coureurs qui pourraient être très intéressés par la victoire d’étape à Carcassonne. » Et si Romain Grégoire et Valentin Madouas (Groupama FDJ), ou tant d’autres coureurs tricolores n’ayant pas d’enjeu au général, pouvaient se joindre pleinement à cette cause nationale jusqu’au 27 juillet, ça ne serait pas de trop.

