Tour de France 2025 : Le cyclisme français se porte-t-il mieux que vous ne le pensez ?

Les plus belles histoires ont toujours une fin. Après avoir pleuré toutes les larmes de notre corps après la retraite de Thibaut Pinot, il y a deux ans, le départ de Romain Bardet après un dernier Dauphiné, il y a quelques semaines, a mis fin à l’une des plus belles périodes du cyclisme français. Celle où les coureurs tricolores luttaient pour le podium du Tour de France, voire la victoire (fichue blessure à la cuisse pour Pinot en 2019).
La Grande Boucle 2025 ne verra pas de Français se battre pour la victoire finale sur les Champs-Elysées, même pas pour le podium, et un top 10 serait déjà un petit miracle. Alors, le cyclisme bleu blanc rouge est-il en crise ? Pas vraiment. Si « on » ne peut lutter sur les courses de trois semaines, ou sur toutes celles où Tadej Pogacar est aligné, comme le reste des humains, plusieurs Français arrivent quand même à se montrer.
Des bons résultats de la nouvelle génération
- Lenny Martinez (21 ans) : trois victoires en World Tour cette année, une deuxième place sur le Tour de Romandie et quatrième de la Flèche wallonne.
- Romain Grégoire (22 ans) : Une étape en World Tour, maillot jaune pendant quatre étapes sur le Tour de Suisse, vainqueur de l’Ardèche Classique, septième de l’Amstel Gold Race et de la Flèche wallonne.
- Kévin Vauquelin (24 ans) : Vainqueur de l’Etoile de Bessège, deuxième de la Flèche wallonne et du Tour de Suisse, où il était leadeur jusqu’au chrono final.
- Paul Magnier (21 ans) : Une étape de l’Etoile de Bessège, deuxième au Samyn et au Het Nieuwsblad.
Et ce n’est pas tout. « On a aussi Alex Baudin (24 ans), capable de nous montrer des trucs assez fous en haute montagne. S’il finit meilleur grimpeur du Tour, il ne faudra pas être surpris, assure Steve Chainel, ancien coureur désormais consultant sur Eurosport. Mathys Rondel (21 ans) sort un petit peu de nulle part, avec une vraie grosse marge de progression. Je pense aussi à Nicolas Prodhomme (28 ans) qui a fait un Giro de fou. Le cyclisme français se porte très, très bien. »
Sans oublier, évidemment, la nouvelle pépite tricolore Paul Seixas. A 18 ans, le champion du monde du contre-la-montre juniors en 2024 a même réussi à terminer huitième du dernier Dauphiné, ce qui lui a valu les louanges d’un certain Tadej Pogacar : « Il est formidable ce petit, s’est exclamé le Slovène. Il est très respectueux aussi dans le peloton et pilote bien son vélo. C’est un gros moteur et si les médias français ne lui mettent pas trop de pression, il est promis à un grand avenir. »
Une « bonne chose » que Seixas ne soit pas sur le Tour
Que Tadej Pogacar dorme sur ses deux oreilles, Seixas n’aura pas à supporter les médias français lors du Tour de France, puisque son équipe a décidé de le laisser à la maison. « Paul est un coureur exceptionnel, mais c’est une décision raisonnable, il y aurait eu une pression énorme autour de lui, explique Anthony Barle, manageur général de l’équipe de Villefranche Beaujolais, club formateur de Seixas et Prodhomme. On voit déjà en lui le grand champion français qu’on n’a pas eu depuis très longtemps. C’est une bonne chose de ne pas lui faire disputer le Tour. »
Mais comment expliquer que cette jeune génération arrive aussi tôt à se battre pour des victoires sur des courses World Tour, alors qu’ils ne sont pas encore au sommet de leur carrière ? « Depuis quatre, cinq ans, les cadets, les juniors sont bien plus formés sur l’entraînement, sur les aspects aussi comme la nutrition, la récupération, estime Olivier Presse, directeur technique du Pole espoirs de Nice, qui a vu passer notamment Clément Champoussin. Ils ont déjà des capteurs de puissance. Je trouve qu’ils sont beaucoup plus axés sur la performance que la génération précédente. »
« Ça ratisse large, on va trop vite »
Cette bascule vers plus de professionnalisme dans le cyclisme français s’explique notamment par l’effet Pogacar et Evenepoel, qui ont eu des résultats alors qu’ils n’avaient pas encore l’âge d’acheter de l’alcool aux Etats-Unis. Conséquence, toutes les équipes sont maintenant à la recherche de LA pépite, quitte à venir la chercher dès le berceau. « Les équipes World Tour, les ProTeam et même les Conti veulent des coureurs de plus en plus jeunes, assure Anthony Barle. Un garçon comme Romain Grégoire, qui vient de Besançon, il arrive dans le monde pro « prêt à l’emploi ». »
Toute l’actu du Tour de France
Sauf que cette course à l’armement dès le plus jeune âge dans la formation française comporte de nombreux risques, pas encore très palpables au haut niveau. Il y a d’abord, comme pour les footballeurs arrivés dans le monde pro très jeune, le risque d’une carrière courte, l’épuisement physique et surtout mental et le nombre de jeunes laissés sur le côté. « Les mecs ont tellement peur de louper la pépite que ça ratisse large, développe Barle. Il y a des mecs qui sont 25e du classement chez les juniors et qui passent pro. Et ça, pour moi, ce n’est pas logique, on va trop vite. »
« Le vélo ne va pas si bien que ça »
Avant, les meilleurs coureurs suivaient une trajectoire normale avec les clubs amateurs, passant de juniors à la DN1 avant de pourquoi pas signer professionnel. Aujourd’hui, l’étape intermédiaire est souvent sautée, mettant en péril certains clubs, qui doivent disparaître, dans un contexte économique déjà compliqué. « Si un de nos coureurs passe pro, on a juste en échange 2.000 euros par année de formation si c’est une World Tour, 1.500 euros si c’est une ProTeam. Et encore, il y a quelque temps, ce n’était rien », regrette Anthony Barle.
Le jeunisme ambiant peut aussi empêcher certains coureurs arrivés au haut niveau sur le tard de percer en pro. Nicolas Prodhomme, vainqueur d’une étape du Giro cette année, n’a débarqué en pro qu’en 2021 et pourrait aujourd’hui passer sous les radars. « Il y a des jeunes qui ne performent pas en juniors parce qu’ils privilégient les études ou qui ont commencé tard, rappelle Olivier Presse. Il ne faut pas se couper de ces gars-là, il n’y a pas qu’un seul modèle. »
« Le vélo, ça semble simple comme ça, parce qu’en fait on se cache derrière des grands champions qui sortent chez les jeunes, et on dit, putain, mais le vélo, tout va bien en France, conclut Anthony Barle. Mais en fait, il ne faut pas se mentir, le vélo ne va pas si bien que ça. » Et il faudra sûrement plus qu’une ou deux victoires d’étapes tricolores sur le Tour de France cette année pour tout changer.