France

TikTok : Sur la plateforme, le député insoumis, Antoine Léaument, rencontre un Net succès

Il a 97.000 abonnés sur TikTok et ses vidéos font plusieurs milliers à plusieurs millions de vues. @aleaument n’est ni un humoriste, ni une influenceuse beauté, mais bien un député de La France insoumise. Antoine Léaument, de son vrai nom, partage quasi quotidiennement sur le réseau social des vidéos d’extrait de séances à l’Assemblée nationale, de discussion avec les oppositions en commission, de passage dans une matinale radio ou encore de décryptage face caméra d’un sujet d’actualité.

Et pour cause, l’homme est loin d’être un débutant en matière de TikTok. Cet élu de la dixième circonscription de l’Essonne n’est autre que l’ancien responsable de la communication numérique de Jean-Luc Mélenchon, à la tête de la stratégie du candidat à la présidentielle en 2022 sur TikTok et Twitch. Tout récemment, le député a également lancé un groupe d’étude transpartisan sur les réseaux sociaux à l’Assemblée nationale, dont il a pris la présidence. Pourquoi la plateforme a-t-elle séduit le parlementaire ? Quel message veut-il faire passer ? Et pourquoi son compte rencontre-t-il un franc succès ? Pour le savoir, 20 Minutes a posé la question a posé la question au principal intéressé : Antoine Léaument.

Pourquoi avez-vous créé un compte TikTok ?

Avant d’être élu député dans la 10e circonscription de l’Essonne, j’étais responsable de la communication numérique de Jean-Luc Mélenchon. J’ai ouvert mon compte TikTok en même temps que j’ai créé le sien, en 2021, pour partager du contenu, des extraits vidéos. Au début, je faisais toujours tout en doublon pour tester des contenus sur mon compte avant de les publier sur le sien. Mais que ce soit pour Jean-Luc Mélenchon ou pour moi-même, depuis que je suis député, j’ai toujours eu la même stratégie : être présent sur tous les réseaux sociaux. Car chaque plateforme a un type de public. Au final, maintenant, tout le monde utilise au moins un réseau social, que ce soit Facebook, Instagram, Twitter ou TikTok. C’est un peu comme les médias, certains regardent uniquement TF1, jamais M6 ou BFMTV. Là, c’est pareil. Le but, en étant présent partout, c’est de toucher le spectre le plus large possible.

Est-ce que vous publiez les mêmes contenus sur tous les réseaux sociaux ?

Pas tout à fait. Chaque réseau social à sa grammaire, son langage particulier. Par exemple, la grammaire est un peu la même pour TikTok et Instagram, c’est pour ça que je publie quasiment les mêmes contenus sur les deux plateformes.

Mais c’est vrai que TikTok a quelques caractéristiques très intéressantes. D’abord, son algorithme propose à ses utilisateurs des contenus qu’il pense qu’ils vont les intéresser. Donc je touche des gens qui ne me suivent pas mais qui s’intéresse potentiellement à la politique ou à l’actualité. D’ailleurs, ces gens-là ne partagent pas toujours mes idées ou ne sont pas forcément d’accord avec moi. Ça, c’est intéressant. Surtout, l’algorithme propose des contenus nouveaux. C’est-à-dire que vous pouvez avoir des vidéos de chats, et d’un coup, vous tombez sur l’une de mes vidéos. Ça me permet de toucher un public large, que je n’aurais pas pu toucher avec les médias traditionnels ou les meetings.

Qu’est-ce que vous cherchez en publiant du contenu sur TikTok ?

Pour moi, TikTok – et cela vaut pour tous les autres réseaux sociaux – n’est pas un outil de communication mais d’information. Mes vidéos sont là pour informer sur ce que défend La France insoumise, les mesures que l’on réclame ou celles du gouvernement que l’on dénonce. Ce sont des vidéos autour de sujets qui concernent la réforme des retraites, l’augmentation des salaires, les étudiants, les agriculteurs ou encore les péages. Ça parle aux gens.

Est-ce que vous espérez que les gens adhèrent à vos idées avec ces vidéos ?

Ce n’est pas le but. TikTok, ça me donne la chance que mon message soit visionné par un maximum de gens, qu’ils soient d’accord ou non avec moi. Même chez les gens qui ne partagent pas mes idées, ça peut susciter l’intérêt d’en savoir plus. Et parfois, ça peut en convaincre, et leur donner envie de devenir militants, de s’engager à nos côtés.

Par exemple, en 2017, nous avions publié sur le compte Facebook de Jean-Luc Mélenchon une vidéo de ses dix premières mesures s’il était élu. Elle a fait 15 millions de vues. Quelques jours après, je suis à Paris, vers les Halles. Je tombe sur un homme qui distribue des tracts pour Jean-Luc Mélenchon. Il m’a dit qu’il avait vu la vidéo, qu’il était d’accord avec toutes les mesures et qu’il voulait l’aider à devenir président.

Mais la plateforme est-elle vraiment adaptée à du contenu politique ?

Effectivement, les sujets politiques, ce ne sont pas toujours les contenus les plus sexy du monde. Il faut les adapter à la plateforme. Il faut ajouter un peu d’humour, car ça fait partie du caractère de TikTok. D’ailleurs, si on ne le fait pas, on est en décalage par rapport à ce que les gens attendent de cette plateforme, ce qu’ils viennent chercher. Après, toute la difficulté, c’est de trouver le bon équilibre entre le ton voulu par TikTok et le sérieux de ma fonction. Il faut être bien dans les codes, mais ne pas mordre le trait d’une manière qui puisse être dégradante pour la fonction.

Est-ce que ça vous permet aussi de toucher un public plus jeune, de faire en sorte que les plus jeunes s’intéressent à la politique ?

C’est sûr que les jeunes plébiscitent TikTok davantage que les autres réseaux sociaux. Mais je récuse l’idée que les jeunes ne s’intéressent pas à la politique. Il suffit de regarder ce qui se passe dans les rues ces derniers jours, c’est la démonstration qu’ils s’y intéressent. On voit qu’il y a une jeune génération politique qui s’exprime dans la rue. Beaucoup d’entre eux se sont politisés sur les réseaux sociaux d’ailleurs.

Pourquoi avez-vous lancé un groupe d’étude sur les réseaux sociaux à l’Assemblée ?

Quand je suis arrivé à l’Assemblée nationale en juin 2022, j’ai trouvé ça dingue qu’il n’y ait aucun groupe d’étude sur le sujet. Il y a des groupes pour tout, mais pas pour ça. Or, il n’existe quasiment plus personne qui n’utilise pas au moins un réseau social. Donc, avec ce groupe d’étude, dont j’ai pris la présidence, on va se mettre sur le sujet. On a défini quatre thématiques : l’impact des algorithmes dans la capacité d’information, les problématiques de santé publique, les pratiques des influenceurs et la régulation du secteur et enfin la question de la sécurité de ces plateformes.

Qu’est-ce que vous pensez de la décision de la France d’interdire les « applications récréatives » sur les téléphones des fonctionnaires d’Etat ?

C’est plutôt une bonne chose que l’Etat se protège face à de potentielles failles. Mais, si on va par là, il faudrait l’appliquer à l’ensemble des citoyens et à l’ensemble des applications. Toutes les plateformes peuvent présenter des risques de sécurité. D’ailleurs, au début, on s’est focalisé sur TikTok mais, maintenant, on a compris que l’ensemble des réseaux sociaux sont considérés comme à risque. Ça pose la question de leur usage. D’ailleurs, ce questionnement sur les failles de sécurité, c’est un thème prioritaire sur lequel on veut se pencher avec ce groupe d’étude.