France

Tendance TikTok : une chanson de Noir Désir attaque Bertrand Cantat.

Kloé, 26 ans, a partagé il y a une dizaine de jours sa réécriture du titre « Le vent l’emportera » du groupe Noir Désir. En juillet, la justice a décidé de rouvrir une enquête sur le suicide de Krisztina Rady pour « violences volontaires par conjoint et concubin ».

« Je n’ai pas peur de mes mains et je te frappe jusqu’au matin. Mes coups portés à la hâte, sur ton crâne éclatent. Le vent t’emportera. » Il y a une dizaine de jours, Kloé, 26 ans, a partagé sur ses réseaux sociaux une réécriture du célèbre titre « Le vent l’emportera » du groupe Noir Désir.

Cet air emblématique de l’album « Des visages des figures », lancé en 2001, porté par la voix de Bertrand Cantat, a longtemps fait partie intégrante de la culture musicale française. Cependant, il soulève aujourd’hui un questionnement : Faut-il séparer l’œuvre de l’artiste ?

Ecrite par les mains d’un tueur

Pour Kloé, la réponse ne fait pas de doute : « Les mains qui ont écrit cette chanson sont les mêmes qui ont tué Marie Trintignant. » Le 1er août 2003, l’actrice française rend son dernier souffle six jours après avoir été rouée de coups par Bertrand Cantat, son partenaire. Dans les médias, cet féminicide a longtemps été réduit à un « crime passionnel ». Le leader de Noir Désir, décrit par le journal Le Monde comme ayant un « destin brisé », aurait été animé par « une jalousie extrême », comme l’ajoute France Inter. Malgré sa condamnation à huit ans de prison prononcée le 29 mars 2004, Bertrand Cantat a conservé son image de Rockstar, figure emblématique de la chanson française.

La chanson, quant à elle, a traversé le temps et refait surface sur les réseaux sociaux plus de vingt ans après sa sortie grâce à une reprise de la chanteuse Sophie Hunger pour le film « Ma vie de courgette ». « En tant que militante qui a suivi l’affaire Cantat, ça m’embêtait que cette musique fasse autant de bruit », confie Kloé. Engagée dans des causes qui lui tiennent à cœur, elle décide de proposer sa version réécrite du morceau.

Engouement féministe

Rapidement, les paroles de Kloé sont reléguées sur un autre compte, puis cinq, puis dix… parmi lesquels figure la chanteuse Solann. « Je ne m’attendais pas à un tel engouement », reconnaît la néolanceuse de tendance. « Si mon compte doit exploser grâce à cette vidéo, alors c’est génial ! », s’enthousiasme-t-elle, « mon objectif est d’acquérir suffisamment de voix pour mettre en lumière des problématiques que la société préfère ignorer ».

En réécrivant les paroles d’une chanson envoûtante, mélancolique et empreinte de nostalgie, Kloé met en avant les crimes de son auteur, défiant l’image qui lui a longtemps été attribuée. « Je ne veux pas qu’une œuvre serve de couverture aux artistes », insiste-t-elle, « Bertrand Cantat a souvent été défendu en arguant que sa peine a été purgée et que cet acte appartient au passé. Non, il a tué une femme, il ne paiera jamais. »

Un clin d’œil à Krisztina Rady

« Je connais la route à prendre, je te pousserai à te pendre, ma violence au creux des reins et tout ira bien, là. Le vent t’emportera. » Bien que Bertrand Cantat ait purgé sa peine pour le meurtre de Marie Trintignant, des doutes persistent quant à son rôle dans le suicide de sa première femme. Dans sa réécriture, Kloé consacre un couplet à Krisztina Rady, qui s’est suicidée en 2010 alors que le chanteur était revenu vivre avec elle après son incarcération.

En juillet, la justice a décidé de rouvrir une enquête sur le suicide de Krisztina Rady pour « violences volontaires par conjoint et concubin ». Le dossier, classé depuis quinze ans, est à nouveau examiné sur la base d’éléments fournis par la diffusion de la série documentaire « De rock star à tueur – Le cas Cantat », diffusée sur Netflix en début d’année. Trois procédures concernant la mort de l’ex-femme du chanteur ont été classées sans suite en 2013, 2014 et 2018.

En mentionnant explicitement Krisztina Rady et Marie Trintignant, Kloé affirme vouloir « remettre l’art dans son contexte ». « On m’a dit que je n’étais pas légitime à reprendre cette musique, que je détruisais l’art », révèle la jeune femme, « mais quand je vois toutes ces reprises, je suis fière de faire du bruit avec cette chanson de la façon qui me semble juste ». « Vous disparaîtrez et moi je resterai », conclut la voix de Kloé, et désormais, celles de centaines d’internautes.