Tempête Herminia : « Ma maison, mon petit nid ! »… Ces habitants qui évacuent leur logement inondé au dernier moment
«Je n’ai pas très bien dormi. Je me suis réveillé toutes les deux heures cette nuit pour surveiller le niveau de l’eau. » Avec sa lampe, Vincent a tenté de guetter les eaux marron de la Vilaine. En temps normal, cet habitant de Pont-Réan ne voit pas le fleuve depuis sa fenêtre. Mais depuis quelques jours et à la faveur de pluies diluviennes, le cours d’eau s’est invité dans son jardin jusqu’à chatouiller les murs de sa maison. « Peut-être que je vais devoir évacuer ce soir. Mais pour l’instant, je reste », explique le Breton.
Dans ce hameau situé à cheval sur les communes de Bruz et de Guichen (Ille-et-Vilaine), le niveau de la Vilaine était de plus de 4,50 mètres ce lundi et continuait de monter. Alors que le pic de crues n’était pas attendu avant mardi après-midi, les habitants étaient pourtant peu nombreux à avoir évacué leur logement. « Beaucoup de gens veulent rester chez eux. Ils se mettent à l’étage et ils attendent le dernier moment pour partir », explique le maire de Guichen Dominique Delamarre. Devant sa maison, Vincent reconnaît qu’il compte rester « tant qu’il peut ». Mais il partira s’il se sent menacé. « Je ne suis pas têtu non plus. »
Dans le village situé à quelques kilomètres au sud de Rennes, certains ont déjà trouvé refuge dans la famille ou chez des proches. Karine (prénom d’emprunt) est venue chercher son père alors que l’eau menaçait de s’infiltrer dans sa maison. Elle a laissé la pompe en marche, surélevé tout ce qu’elle pouvait et préparé deux petits sacs avant de quitter les lieux. « C’est du bon sens. L’eau continue de monter et on ne sait pas où ça va s’arrêter ». Mais d’autres hésitent encore, tentant souvent de rester le plus longtemps possible, dans l’espoir de sauver ce qui peut l’être.
« On est des résistants ! »
Angie habite au rez-de-chaussée d’un petit immeuble situé en marge du bourg. Alors que l’eau venait flirter avec les murs de son logement, elle a décidé de dormir chez sa voisine du dessus dimanche soir. « On est tous amis ici donc on s’aide. On a passé la soirée ensemble à parler de ces inondations », explique-t-elle. Alors que le niveau de l’eau continue de monter, elle et ses voisins refusent cependant de quitter l’immeuble qu’ils partagent. « On est des résistants ! C’est ma maison, c’est mon petit nid ! Je sais que je vais avoir de l’eau dedans et j’essaye de relativiser. Mais je ne me vois pas partir, même si on est entouré d’eau. » A ses côtés, Sophie est du même avis. « On est au premier étage, on ne craint rien. Je ne partirai pas d’ici », témoigne son amie, qui a déjà connu les inondations de 2001 lorsqu’elle tenait l’épicerie du bourg.
A Guichen, bon nombre d’habitants se souviennent de cette impressionnante crue du début du millénaire qui avait causé pas mal de dégâts. Le millésime 2001 et ses records de crue ont pourtant été effacés dès ce lundi dans la commune, où la Vilaine ne cessait de monter. Bien au fait de la situation, Jean-Michel n’a pas non plus évacué ses six locataires qui habitent dans une maison bordant le fleuve. « Ils vivent à l’étage donc ils ne craignent rien. Par contre, ils n’ont plus d’eau chaude ni de chauffage », explique celui qui a racheté l’ancien restaurant « Au fil de l’eau » pour en faire une colocation. Un poêle à bois leur permet de se garder au chaud. Mais jusqu’à quand ? Ce lundi, la mairie a appelé Jean-Michel pour lui expliquer qu’il était « fortement conseillé » d’évacuer. Le propriétaire verra avec ses locataires quand ils rentreront du travail.
Ne pas marcher dans les rues inondées
Très mobilisée depuis plusieurs jours et le passage en vigilance orange puis en rouge, la municipalité a appelé tous les habitants des zones inondables pour s’assurer qu’ils allaient bien. On leur a tous proposé de l’aide et un accueil au sein du gymnase servant de refuge aux sinistrés. « On est bien là. Moi, même encerclé par l’eau, je reste », affirme Jean-Paul, dont la maison de la rue de Redon a pourtant déjà les pieds dans l’eau. Les services de la mairie lui ont déjà proposé de le reloger mais pour l’heure, il refuse. Il faut dire que la notion de danger n’est pas véritablement perceptible.
A la différence des crues liées aux orages, ces inondations ne sont pas soudaines et peuvent donc apparaître moins dangereuses. Les services de secours sont pourtant formels : il est primordial de se réfugier à l’étage et « en dernier recours sur le toit ». Il est fortement déconseillé de descendre dans les sous-sols.
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De même, il est recommandé de ne pas s’engager en voiture ou à pied sur une route immergée, rappelle la préfecture. Le risque de tomber dans un trou est particulièrement élevé quand les eaux sont aussi opaques. « Je n’ai même pas pu aller jusque chez moi tellement il y a d’eau », regrette une jeune femme venue trouver refuge au bar du village. Malgré ses cuissardes montant jusqu’à la taille, son ami n’a pas pu s’approcher de la maison inondée. « Il faut faire attention, tu pourrais te faire emmener par le courant », l’alerte un habitant. Un conseil sage. Pour l’heure, les inondations n’ont fait aucune victime en Bretagne. Dimanche, deux personnes âgées ont été secourues par les pompiers à Teillay, entre Bain-de-Bretagne et Châteaubriant.