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Taylor Swift, Lady Gaga, Imagine Dragons : Pourquoi ne pas adopter les « surprise songs » ?

Taylor Swift a réalisé son Eras Tour en 152 dates, se terminant en décembre 2024, et a inclus plus de 200 chansons surprises. D’après une étude de Pollstar pour le Wall Street Journal, le tarif moyen d’une place sur une grosse tournée a atteint 120 dollars en 2023.


C’est la petite surprise que l’on n’attendait pas, le moment d’improvisation inséré entre deux hits conçus comme des machines à succès. La « surprise song » : cette expression, qui anime les stades et les réseaux sociaux, est devenue une promesse de chaos organisé. Taylor Swift en a fait sa marque de fabrique lors de ses 152 dates de l’Eras Tour, qui a pris fin en décembre 2024, avec plus de 200 chansons surprises à son actif.

Depuis lors, cette pratique s’est répandue. Ed Sheeran, lors de sa tournée + – = ÷× Tour, a proposé des interprétations acoustiques inédites, effectuant des mashups avec des artistes locaux, tandis que Dua Lipa a interprété des titres dans les langues maternelles des pays où elle se produisait. De même, Coldplay, Katy Perry et Lady Gaga, qui s’apprête à se produire à Lyon et à Paris, s’amusent à surprendre leur public chaque soir, intégrant des demandes du public ou des hommages spontanés.

Aujourd’hui, avant même d’être dans une salle de concert, les fans connaissent déjà chaque enchaînement de chansons et chaque chorégraphie des danseurs. Comme le souligne la journaliste musicale Angèle Chatelier : « L’intégralité des gros concerts se retrouve sur les réseaux sociaux. Taylor Swift a même son Eras Tour disponible sur Disney+. Donc, qu’est-ce qu’on va chercher en concert ? On veut voir son artiste mais peut-être que pour certains ça ne vaut pas le coup de se déplacer. » C’est à ce moment précis que les « surprise songs » prennent toute leur importance, car elles permettent aux artistes de raviver le mystère autour de leurs spectacles.

« C’est comme une chasse au trésor pour les fans », confie Marie, une admiratrice de Lady Gaga, satisfaite que sa chanteuse préférée ait également adopté cette tendance pour sa tournée. Sur les réseaux, les hashtags associés aux chansons surprises de Taylor Swift pendant sa tournée totalisent des milliards de vues, accompagnés de retransmissions en direct et de théories effrénées sur les choix des artistes. Pour les stars, c’est une aubaine : chaque concert devient viral, prolongeant ainsi le buzz bien après la dernière note. Cependant, il est impératif de ne pas tomber dans la facilité : générer du buzz autour d’un événement n’est pas une finalité en soi. « Les réseaux sociaux permettent cette connexion, mais je pense qu’ils ne sont pas le seul moyen de surprendre. Sur la forme, le retour de Rosalía est un bon exemple : elle surprend tout le monde avec un morceau de musique classique où elle chante en allemand, en espagnol et en anglais. Ce n’est pas seulement une question de marketing ou de spectacle. Parfois, un choix artistique fort suffit. C’est rassurant », tempère Azzedine Fall, directeur de la musique chez Deezer.

Les « surprise songs » sont un atout non négligeable permettant d’explorer les archives musicales. Lady Gaga s’est replongée dans ses premiers tubes, ravivant l’intérêt pour ses anciens albums. Dua Lipa a contribué à faire redécouvrir des titres oubliés, comme « Be my Baby » de Vanessa Paradis en France, permettant à de nombreux membres de la Génération Z de découvrir cette chanson. Ces morceaux oubliés ou réinterprétés résonnent dans des salles bondées de 80 000 personnes, mais les « surprise songs » créent une intimité. « L’artiste veut montrer que même dans une grande salle de concert, il y a une certaine authenticité, et que ce n’est pas ce que vous allez voir sur les réseaux sociaux », explique Angèle Chatelier. Assis au piano ou à la guitare, le musicien se révèle sans artifice, partageant des anecdotes personnelles. « C’est thérapeutique pour nous aussi », avoue Marine, une fan de Taylor Swift. « Quand Taylor a chanté *Long Live* pour clore sa tournée, c’était comme un adieu partagé. » Ce lien émotionnel fidélise le public, transformant les spectateurs en communauté.

Avec des tournées de plus en plus longues et des billets de plus en plus chers, cette approche ingénieuse permet de varier les plaisirs sans ennuyer. Selon une étude de Pollstar pour le Wall Street Journal, le prix moyen d’un billet pour une grande tournée était d’environ 90 dollars en 2020, légèrement supérieur à 60 dollars en 2021, passant à près de 110 dollars l’année suivante et atteignant 120 dollars en 2023. Cette hausse incite donc les artistes à faire le maximum pour attirer l’attention : « Les artistes doivent surprendre pour que les fans viennent les voir, paient le prix et se distinguent aussi parmi toute l’offre existante », estime la journaliste culturelle. Toutefois, Azzedine Fall précise que chaque concert et tournée doivent varier en fonction des lieux : « C’est avant tout une question de typologie de concerts. Dans un cadre comme l’Accor Arena de Bercy ou la Paris La Défense Arena, je ne m’attends pas à vivre les mêmes émotions qu’un lundi soir pluvieux à La Maroquinerie. Une expérience unique, ce n’est pas nécessairement un concert grandiose propulsé par un spectacle lumineux exceptionnel et des écrans clignotants dans tous les sens. » Lors des concerts prévus à Paris Bercy et à la LDLC Arena de Lyon, Lady Gaga a programmé un show spectaculaire avec plusieurs chansons surprises que les fans, surnommés les little monsters, ont déjà révisées.