Syrie : Un an après la chute de Bachar al-Assad, soutien russe maintenu.
L’ancien dictateur syrien Bachar al-Assad, responsable de plus de 500.000 morts et du déplacement forcé de plus de la moitié de la population syrienne, reste exilé en Russie. Lors de sa visite officielle en Russie en octobre dernier, Ahmed al-Chareh a demandé que Bachar al-Assad soit livré à la Syrie, mais cela a été qualifié de « hors de leur portée » par Igor Delanoë.
La Syrie parviendra-t-elle à juger les crimes de Bachar al-Assad ? Alors que son peuple célèbre le premier anniversaire de la chute du régime, qui a mis fin à une guerre civile de plus de dix ans, l’ancien dictateur syrien demeure en exil en Russie. Peut-il craindre d’être un jour remis aux autorités syriennes ? Certes, Moscou a des intérêts dans le pays et souhaite établir de bonnes relations avec les nouvelles autorités dirigées par Ahmed al-Chareh. Toutefois, le Kremlin n’a aucun intérêt à livrer son ancien allié.
« Cela enverrait un message contreproductif à tous ses autres pays partenaires, notamment en Afrique », affirme Taline Ter Minassian, historienne spécialisée sur l’URSS et codirectrice de l’Observatoire des États post-soviétiques. « Il y aurait un préjudice réputationnel très important », renchérit Igor Delanoë, chercheur sur les intérêts russes au Moyen-Orient associé à l’Iris (Institut des relations internationales et stratégiques).
### Des intérêts russes à préserver
Il serait impensable, selon l’opinion publique, qu’Ahmed al-Chareh ne demande pas l’extradition de l’ancien dictateur, responsable de plus de 500 000 morts et du déplacement forcé de plus de la moitié de la population syrienne.
Cela pourrait servir de levier de négociation, d’autant plus que la Russie, comme mentionné, doit maintenir certains intérêts en Syrie. Parmi eux, deux bases stratégiques : une navale à Tartous et une aérienne à Hmeimim, considérées comme « le cœur des intérêts russes en Syrie », selon Igor Delanoë. Cette dernière « permet à Moscou d’agir dans la région avec des avions ou des hélicoptères, mais elle est surtout une base de transit. Pratiquement tous les mouvements aériens russes vers l’Afrique passent par elle », expliquait à 20 Minutes en décembre 2024 Michel Goya, ancien colonel des troupes de marine, historien militaire et stratégiste.
### Des enjeux financiers en Russie
Lors de sa visite officielle en Russie en octobre dernier, accueillie par Vladimir Poutine, Ahmed al-Chareh a en effet demandé que Bachar al-Assad soit remis à la Syrie, mais plus pour des raisons de principe. « C’est hors de leur portée », souligne Igor Delanoë, car Damas a plus besoin de Moscou que l’inverse. Les autorités islamistes, qui ont fait sortir la Syrie de son isolement politique, cherchent des financements pour la reconstruction du pays, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.
Sur ce plan, la Russie détient plusieurs atouts. D’abord, « le paiement d’un loyer » pour ses infrastructures militaires, rappelle Igor Delanoë. Elle est aussi disposée à participer à la reconstruction de la Syrie et peut intervenir dans le secteur pétrolier syrien : « Il y a des gisements à développer, d’autres en dormance et de nouveaux. Nous sommes prêts également à participer », a déclaré le vice-ministre russe Alexandre Novak, cité par l’agence Ria Novosti.
### Une présence militaire souhaitée
Une partie des besoins alimentaires de la Syrie dépend de « la production russe » et « de nombreuses centrales » électriques syriennes nécessitent « l’expertise russe », a de nouveau fait valoir le président syrien par intérim. La guerre civile (et les bombardements russes) a gravement endommagé les infrastructures électriques, entraînant des coupures pouvant durer plus de 20 heures par jour. La colère de la population grandit face à l’augmentation des prix de l’électricité.
Et la présence russe en Syrie est bien accueillie. Cette « empreinte militaire russe sert de force tampon à l’égard d’autres acteurs en Syrie », explique Igor Delanoë. Les autorités syriennes ont ainsi demandé aux Russes de retourner dans le sud du pays, dans la région du Golan, face à Israël. « Pour éviter les clashs possibles comme on en a vu en décembre dernier » entre l’armée, ajoute le chercheur.

