Syrie : Occupation, colonies… Quelles sont les ambitions d’Israël dans le Golan ?
Après la bande de Gaza et le Liban, c’est en Syrie qu’Israël avance ses troupes. Dès le lendemain de la chute du régime de Bachar al-Assad, l’armée israélienne a entrepris de montrer les muscles au groupe Hayat Tahrir al Sham (HTS) qui a renversé le pouvoir syrien, en se déployant dans la zone tampon du Golan, entre Israël et la Syrie.
Une mesure « limitée et temporaire prise pour des raisons de sécurité », assure le ministre des Affaires étrangères Gideon Saar, alors que Benyamin Netanyahou affirme de son côté que « le Golan fera partie de l’État d’Israël pour l’éternité ». Le Premier ministre israélien a même promis qu’il allait doubler la population dans ce territoire disputé, avant d’officialiser l’occupation de la zone tampon par une visite en treillis et gilet par balles au sommet du mont Hermon, aux confins du Golan, mardi.
Initiatives sécuritaires
De quoi se poser la question des ambitions israéliennes dans cette zone annexée illégalement depuis 1974, et au-delà. Rappelons d’abord que le plateau du Golan appartient à la Syrie et que son annexion par Israël n’est reconnue que par les Etats-Unis, depuis la signature de Donald Trump en 2019. Il existe une zone tampon entre la région annexée et la Syrie, dans laquelle a pénétré l’armée israélienne ces dernières semaines. L’ONU considère ainsi la prise de contrôle de la zone démilitarisée comme une « violation » de l’accord de désengagement de 1974.
En avançant ainsi dans cette zone de désescalade qui ne lui appartient pas, Israël « anticipe d’éventuelles attaques contre le Golan ou son territoire », explique Thomas Vescovi, doctorant en études politiques sur Israël et la Palestine à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et à l’université libre de Bruxelles (ULB).
C’est donc pour des raisons sécuritaires que l’Etat hébreu justifie ces déplacements. Accompagnés des quelque 500 frappes sur des infrastructures militaires, ces mouvements s’inscrivent surtout dans une stratégie globale visant à « mettre ses voisins sous pression permanente en montrant ses forces et ne jamais être pris de court », explique encore Thomas Vescovi. Depuis le 7 octobre 2023 et « son plus grand échec sécuritaire depuis au moins cinquante ans », juge le chercheur en formation, Benyamin Netanyahou « prend le maximum d’initiatives à l’encontre de ses voisins pour assurer sa survie politique », analyse-t-il encore.
Vers des colonies ?
En Syrie, le plateau du Golan ne fait plus l’objet de discussions dans la région. Aucun Etat n’entrera en guerre contre Israël pour défendre la souveraineté syrienne sur la zone. Doubler la population israélienne ne fera alors que renforcer le fait accompli de l’annexion. Le gouvernement israélien pourra-t-il aller jusqu’à développer des colonies dans cette zone ? S’il n’y a eu aucune annonce dans ce sens pour le moment, « dans l’histoire d’Israël, toute conquête de territoire s’accompagne de colonies, sans qu’elles ne soient forcément permanentes », prévient Thomas Vescovi.
Dominique Vidal, journaliste historien coauteur de Palestine-Israël : Une histoire visuelle (Seuil), ne croit pas à l’instauration de nouvelles colonies mais souligne néanmoins le caractère « flou » du « discours politique israélien depuis des décennies ». Une vidéo montrant des Israéliens pro colonisation à Jabal El Sheik, la zone syrienne nouvellement occupée, célébrer et appeler à coloniser le territoire, circule néanmoins dans les médias palestiniens. Des images « symboliquement très fortes », souligne Thomas Vescovi.
Moyen de pression
Plus qu’un projet de colonisation, « il s’agit davantage d’une mise en place militaire permettant à l’Etat hébreu d’avoir une carte en main dans d’éventuelles négociations à venir concernant sa guerre contre le Hamas à Gaza », ajoute l’historien, qui juge la communication du gouvernement israélien « volontairement peu clair ». Il n’imagine pas non plus l’armée israélienne pousser son avancée plus loin dans le territoire syrien.
Notre dossier sur la Syrie
Quel que soit le projet, il est très peu probable pour les deux spécialistes que les agissements d’Israël aboutissent à un conflit avec les nouveaux dirigeants syriens. Trop occupés à reconstruire un pays ravagé et à tenter de stabiliser une nation fracturée par plus de dix ans de guerre civile, les membres de HTS « n’ont pas la moindre intention d’entrer en conflit armé avec Israël », affirme Dominique Vidal, ni les moyens militaires de le faire. Pour Thomas Vescovi, le gouvernement de Benyamin Netanyahou « établit finalement de nouvelles normes sans se soucier du droit international ».