Syrie : Milices pro-Assad, civils alaouites tués… Ce que l’on sait de la vague de violence qui a fait 1.300 morts

Depuis jeudi, le sang coule à nouveau dans l’ouest de la Syrie, effaçant quelque peu les espoirs de nouvelle ère née après le départ de Bachar al-Assad. L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) a fait état dimanche de 830 civils alaouites tués depuis jeudi par les forces de sécurité syriennes et des groupes alliés, au cours de combats avec des fidèles du président déchu Bachar al-Assad dans l’ouest du pays.
Cela porte le bilan des violences à plus de 1.311 morts, dont 481 membres des forces de sécurité et des combattants loyaux au clan Assad, selon la même source. Comment le pays s’est-il à nouveau embrasé ? Comment le gouvernement provisoire tente de ramener le calme ? Quelles sont les réactions à l’international ? 20 Minutes fait le point.
Qu’est-ce qui a déclenché les massacres ?
Depuis plusieurs jours, des affrontements ont lieu dans la région de Lattaquié, bastion de la minorité alaouite du président déchu, entre fidèles à Bachar al-Assad et forces de sécurité du nouveau régime. Ces combats ont été particulièrement violents jeudi soir, quand un convoi des forces de sécurité a été attaqué, faisant seize morts.
Le pouvoir a dès lors envoyé des renforts et lancé des opérations de ratissage dans la région. Selon une source de sécurité, cette opération visait des membres « des milices d’Assad et ceux qui les ont soutenues et aidées » et appelé les civils à « rester chez eux ». Un couvre-feu a aussi été décrété. Mais les affrontements se sont largement déplacés des montagnes aux villes, des témoins faisant état de combats urbains, et la répression s’est étendue aux civils alaouites, la communauté à laquelle appartient le clan al-Assad.
Volker Türk, Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, a évoqué des informations « extrêmement inquiétantes » faisant état de familles entières tuées. L’OSDH et des militants ont publié vendredi des vidéos montrant des dizaines de corps en vêtements civils empilés dans la cour d’une maison, des femmes pleurant à proximité. Une autre séquence montre des hommes en tenue militaire forçant trois personnes à ramper, avant de leur tirer dessus à bout portant. L’AFP n’a pas pu vérifier ces images. Le même jour, une source sécuritaire citée par l’agence Sana a fait état d’« exactions isolées », les imputant à des « foules » réagissant à « l’assassinat de membres des forces de sécurité par des fidèles de l’ex-régime ».
Que fait le nouveau pouvoir pour mettre fin à la violence ?
Le couvre-feu et l’envoi de renforts pour les forces de sécurité n’ont de toute évidence pas suffi à enrayer la violence dans l’ouest de la Syrie. Depuis Damas, le président par intérim de la Syrie, Ahmad al-Chareh, a appelé à « préserver l’unité nationale, la paix civile autant que possible ». Il a annoncé la formation d’une « commission d’enquête indépendante » sur cette flambée de violence dans un pays multiethnique et multiconfessionnel, morcelé par plus de 13 ans de guerre civile. Elle sera notamment chargée d’enquêter sur « les exactions contre les civils » pour « traduire en justice » les responsables.
Dans la capitale, les forces de sécurité sont intervenues pour disperser un sit-in de protestation contre les tueries, après l’irruption d’une contre-manifestation réclamant un « État sunnite », émaillée de slogans hostiles aux Alaouites.
Quelles sont les réactions internationales ?
Dès samedi, la France a « condamné avec la plus grande fermeté les exactions qui ont frappé des civils sur une base confessionnelle et des prisonniers » en Syrie. Dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères français « appelle les autorités syriennes intérimaires à s’assurer que des enquêtes indépendantes puissent faire toute la lumière sur ces crimes et que leurs perpétrateurs soient condamnés ».
L’Allemagne a qualifié ce dimanche de « choquantes » ces informations, estimant que « le gouvernement de transition a la responsabilité d’empêcher de nouvelles attaques, d’enquêter et de demander des comptes aux responsables ». Les tueries de civils en Syrie « doivent cesser immédiatement », ont affirmé dimanche les Nations unies, en précisant qu’elles recevaient des rapports « extrêmement inquiétants » faisant état de familles entières tuées dans le nord-ouest de la Syrie.
« Les autorités syriennes intérimaires doivent poursuivre les auteurs de ces massacres contre les communautés minoritaires », a écrit de son côté le chef de la diplomatie américaine Marco Rubio. Le chef de la diplomatie israélienne Gideon Saar a de son côté exhorté l’Europe, dans une interview publiée dimanche, à « cesser d’accorder une légitimité » au pouvoir de transition syrien et à « se réveiller ».