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Surf : « On m’a pris pour un fou »… Erwan Simon est (peut-être) le premier homme à dompter les vagues du Kazakhstan

Il s’est présenté à l’aéroport d’Aktaou avec deux planches sous le bras. Dans le hall d’arrivée de la ville portuaire du Kazakhstan, les curieux se demandent alors ce que cet étranger ambitionne de faire ici avec un surf. Cet immense pays issu de l’Union soviétique est plus connu pour la platitude de ses steppes que pour les ondulations de sa mer fermée. Un homme a pourtant osé s’y aventurer avec l’espoir d’y trouver de bonnes vagues à surfer. Mais avant d’enfiler sa combinaison sur les bords de la mer Caspienne, Erwan Simon a pris le temps d’étudier les conditions.

En ce mois de novembre 2022, il estime avoir « 70 % de chances de trouver des vagues ». On va vous spoiler la fin de l’histoire. Oui, le surfeur breton en a trouvé. Dans le petit monde de l’exploration, il se murmure qu’il serait peut-être le premier à surfer sur ce territoire, qui fait partie des dix plus grands pays du monde. Récit d’un surf trip pas comme les autres.

« Ce n’était pas Hawaï mais j’ai réussi à avoir 1,50 mètre avec de belles séries. » Voici l'une des premières photos d'un surfeur sur la mer Caspienne, prise en novembre 2022.
« Ce n’était pas Hawaï mais j’ai réussi à avoir 1,50 mètre avec de belles séries. » Voici l’une des premières photos d’un surfeur sur la mer Caspienne, prise en novembre 2022. – Azamat Sarsenbayev

Quand il était assis sur sa planche à attendre la bonne vague, Erwan Simon a eu tout le temps de profiter des paysages qui l’entouraient. Un décor surréaliste et particulièrement inhabituel, même pour un explorateur chevronné comme lui. « J’étais en plein milieu des steppes. Tout ce que je voyais, c’était des chemins de sable et des chevaux sauvages. Il n’y avait aucune végétation, personne à des kilomètres », raconte le surfeur du Morbihan. En dehors du bruit du petit drone qui filme ses aventures, Erwan Simon n’entend rien d’autre que le son de la houle qui vient s’écraser sur le littoral de Fort Chevtchenko. C’est là que le Français a identifié les plus jolies conditions de vagues du territoire.

Les malheurs d’Anthony Colas en Azerbaïdjan

Dans ce pays où le litre de gazole coûte 9 centimes d’euros, il a passé des heures en 4×4 avec son guide pour tenter de trouver le meilleur spot. Erwan Simon est un fin connaisseur. Spécialiste de « l’hydrodiversité », le Breton s’est fait un nom en France en créant la première réserve de vagues à Quiberon (Morbihan). « Avant de partir, j’avais étudié les directions du vent, la profondeur et la forme des fonds marins. Je savais à quoi m’attendre au Kazakhstan. » Le problème, c’est qu’à son arrivée sur place, la mer Caspienne est plus plate que la Belgique. « Pourtant, j’étais sûr de trouver des vagues. Je savais que des connaissances avaient déjà surfé sur la Caspienne. »

Antony Colas peut confirmer. Ce surfeur français était parti en 2004 sur les rives de l’Azerbaïdjan pour tenter sa chance sur la Caspienne. « J’étais aux Maldives. J’ai pris un vol presque sur un coup de tête. Il y avait de super conditions à mon arrivée sauf que ma planche avait été paumée », se souvient l’explorateur originaire de Biscarrosse. Quand son surf arrive enfin à Bakou, le vent est tombé et la houle a disparu. « La seule fois où j’ai pu me mettre à l’eau, les vagues étaient insignifiantes. C’était vraiment histoire de dire que j’avais surfé sur la Caspienne. » Parti seul, il n’a même pas pu ramener une photo de lui glissant sur cette mer fermée. Un échec personnel, surtout à une époque où les magazines de surf raffolent des clichés de ces spots jamais explorés.

Erwan Simon et son guide ont profité du surf trip pour s'aventurer dans la réserve naturelle d'Ustyurt, au Kazakhstan.
Erwan Simon et son guide ont profité du surf trip pour s’aventurer dans la réserve naturelle d’Ustyurt, au Kazakhstan. – Azamat Sarsenbayev

Filmé par un youtubeur kazakhstanais

Selon Antony Colas, le plus fort potentiel de vagues de la Caspienne se trouverait en Iran. Sauf que le contexte politique refroidit toute velléité de s’y aventurer. D’où le choix d’Erwan Simon de tenter sa chance au Kazakhstan. Si la mer est lisse à son arrivée, le Breton parviendra à glisser au bout de quelques jours dans une eau légèrement salée, et affichant entre 13 et 14 degrés.

Ce n’était pas Hawaï mais j’ai réussi à avoir 1,50 mètre avec de belles séries. C’est un peu comme la Méditerranée. J’ai passé de bonnes journées de surf même si elles étaient un peu courtes. »

Erwan Simon n’est pas le premier à avoir surfé sur le plus grand lac salé du monde. Mais est-il par contre pionnier en ce qui concerne la partie kazakhstanaise de la Caspienne ? Impossible de le savoir. « Tu ne sais jamais s’il n’y a pas un Américain qui est venu là dix ans avant avec une planche », sourit l’intéressé. Une chose est sûre, le délire d’Erwan n’est pas passé inaperçu : « Les gens me prenaient pour un fou quand ils m’ont vu avec ma planche de surf ». Rapidement, ses exploits s’ébruitent à Aktaou grâce à Azamat Sarsenbayev, youtubeur local qui a filmé le Français.

« Le Kazakhstan n’a pas un peuple tourné vers la mer »

« Tout le monde était hyper surpris », témoigne ce dernier, qui n’avait jamais vu personne surfer sa mer. A son retour de Fort Chevtchenko, Azamat publie quelques vidéos sur ses réseaux et très vite, tout le pays s’intéresse à l’aventurier français. Le récit des prouesses d’Erwan fait la une de la presse du pays, qui se déplace en nombre pour interroger cet étranger venu dompter une mer Caspienne que l’on pensait trop lisse pour être chatouillée par des ailerons. « Les gens dans la rue venaient me parler pour me montrer la vidéo. Beaucoup m’ont dit merci », explique Erwan Simon.

Pendant les quinze jours de présence du sportif breton sur ses terres, le Kazakhstan s’est taillé une place sur la carte mondiale du surf. En restera-t-il quelque chose ? « Je l’espère mais ce n’est pas certain, poursuit Erwan Simon. Le Kazakhstan n’a pas un peuple tourné vers la mer. Les habitants ont pratiqué la pêche à l’esturgeon [pour le caviar] mais il n’y en a presque plus. Ce sont des gens de la terre, ils ne vont même pas beaucoup à la plage, à part pour faire la fête. » De l’autre côté de la Caspienne, Antony Colas avait déjà pu constater cette distance vis-à-vis de la mer, lorsqu’il était en Azerbaïdjan : « L’ambiance était très étrange car les seules personnes que je voyais sur la côte, c’était des malades et le personnel d’un centre médical à côté. C’était un peu comme à Lourdes. Les vieux en blouse regardaient la mer et des infirmières les suivaient ».

« Il y a toujours des endroits que tu n’as jamais faits »

Membres de l’association Surf Explore, les deux hommes ont déjà arpenté une bonne partie du globe dans le but de trouver de nouvelles vagues jamais surfées. En reste-t-il encore à l’heure de la mondialisation et d’Internet ? « On en a exploré plein. Mais il y a toujours des endroits que tu n’as jamais faits. Je suis certain qu’il reste des tas de trucs à découvrir », assure John Seaton Callahan, fondateur de Surf Explore et grand nom de la photographie.

Erwan Simon avait emmené deux planches pour affronter la mer Caspienne : un shortboard et une planche plus adaptée aux petites vagues.
Erwan Simon avait emmené deux planches pour affronter la mer Caspienne : un shortboard et une planche plus adaptée aux petites vagues. – Azamat Sarsenbayev

A son tableau de chasse déjà riche, Erwan Simon a donc pu ajouter le Kazakhstan. Quelques mois plus tôt, il avait déjà réalisé l’exploit de glisser sur des petites vagues créées par le vent en Ouganda, sur le fragile lac Victoria, perché à 1.200 mètres d’altitude. « C’est une sensation indescriptible de te dire que personne n’est jamais venu là, que tu es peut-être le premier. C’est le rêve de tout surfeur. » Erwan Simon promet qu’il y a « au moins vingt destinations » qu’il ambitionne encore d’explorer. Une quête sans fin.