France

Sur les plages de Canet, la météo balaie les belles promesses de mai

A Canet-en-Roussillon (Pyrénées-Orientales),

Le bleu de la Méditerranée s’étend à perte de vue, avec les Pyrénées en toile de fond pour sublimer le tout. Rajoutez un fier 24 °C au thermomètre et le sable rôti sous un ciel azur, il n’en faut pas beaucoup plus pour être heureux. Au Chill’Out Beach, l’un des clubs de plage de Canet-en-Roussillon (Pyrénées-Orientales), on ne veut pas chipoter – pas vraiment la philosophie du bar -, mais il manque tout de même quelque chose dans cette équation du bonheur : des clients.

Le club sonne bien creux en cet après-midi, et les rangées de transats vides et de tables désertes évoquent plus les images du confinement ou d’une apocalypse zombie ensoleillée que le mois d’août. Pour la défense des absents, la tramontane, le vent local, gronde par rafales à 80 km/h, fait claquer les volets, trembler les arbres et vous jette du sable à la gueule toutes les cinq secondes. La seule famille présente, courageusement allongée sur les transats, finit par plier bagage au bout d’une énième bourrasque.

« – 80 % de clientèle par rapport à mai dernier »

Sale temps pour le tourisme avec une météo si grincheuse. « On est à – 80 % de clientèle par rapport à mai dernier », déplore Stéphane, le gérant. Ce mois de mai portait pourtant de belles promesses. Trois lundis fériés, plus ce jeudi de l’Ascension, avec un pont de quatre jours. Mais en bord de mer, il est une règle immuable : quand la météo n’est pas au rendez-vous, le touriste ne l’est pas non plus. C’est particulièrement vrai en mai, « où les clients réservent moins en avance et attendent de voir quel temps il fera pour venir – ou non », rempile Jason, restaurateur au Ginger, sur le front de mer. Clairement, le « non » l’emporte en ce début de saison : « La valeur étalon, c’est le dimanche midi. Seulement une trentaine de couverts la semaine dernière, contre une centaine les dimanches de mai habituels. »

Ô Pieds Nus, la clientèle n'est pas au rendez-vous de ce mois de mai
Ô Pieds Nus, la clientèle n’est pas au rendez-vous de ce mois de mai – JLD/20 Minutes

C’est tout le site qui sonne inhabituellement désert, et la station balnéaire a des airs de mauvais western avec ses allures de ville fantôme. « Les glaciers voisins n’ont même pas ouvert, ça coûterait trop cher et il fait trop froid avec le vent pour que les gens consomment, constate Jason. Pareil pour le club de plage pour enfants. Nous, on est protégé du vent et du sable, mais qui viendra jusque-là avec cette météo ? ». Il est même possible de se garer devant la plage, opération normalement impossible entre mai et septembre vu le lot de voitures. « C’est un début de saison catastrophique », grince Stéphane, gérant d’Ô Pieds Nus. Même prénom qu’à l’autre club, et même vision : des tables vides, une plage déserte. 

Un parfum de déception

Pourtant, mai n’est pas anodin par ici. Comptez environ 15 % des recettes annuelles au Chill’Out Beach, contre 20 % en juin et 30 % pour chacun des deux tubes juillet et août, le reste étant grappillé en septembre. Au Ginger, on est même monté à 21 % du chiffre de 2022 au mois de mai, grâce à la  météo. « En mai, ce sont moins des familles que des couples ou des bandes de potes. Ils consomment donc plus. Il y a également moins d’établissements ouverts, alors on attire plus la foule », analyse le restaurateur.

Des chiffres qui corroborent ceux du secteur touristique des Pyrénées-Orientales, confirme Brice Sannac, président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie du département : « Mai représente environ 15 % du chiffre d’affaires annuel du secteur. » Du côté des hôtels et des campings, réservés un peu en amont, les résultats sont « plutôt bons, même si on ne saute pas au plafond ». Avec un calendrier si favorable, les chiffres globaux – similaires à ceux de l’an passé – ont un parfum de déception. La météo ruine ce qui aurait pu être l’année de tous les records.

Le littoral sudiste victime de la météo

Et ce week-end de l’Ascension qui démarre ne risque pas d’y changer grand-chose. En ce long pont, il flottera samedi et dimanche, alors qu’il n’a pas dû pleuvoir deux jours consécutifs dans le coin depuis au moins un an, sécheresse historique oblige. La pluie dominicale est d’ailleurs annoncée sur l’ensemble du littoral sudiste, de Biarritz à Nice en passant par Marseille. « Les campings seront pleins apparemment, essaie de relativiser Jason. Mais s’il fait moche, les gens n’en bougent pas. »

Du ciel bleu mais de la tramontane largement assez forte pour faire fuir les clients
Du ciel bleu mais de la tramontane largement assez forte pour faire fuir les clients – JLD/20 Minutes

Sur le front de mer, on croise enfin une touriste qui a osé mettre un pied dehors – il faut bien remplir le frigo du bungalow. « On savait qu’en janvier-février, c’était trop beau ce plein soleil, et qu’il y aurait une douille cette année. Mais là, quand même… », regrette Julie, venue de Paris. La plage, le ciel bleu, le Canigou au sommet enneigé, ça claque toujours, même sous du vent qui frôle les 100 à l’heure. Mais faut pas pousser non plus : « Je n’ai fait aucun café dehors et on ne pose pas un pied sur la plage. »

Une bonne saison en perspective quand même

Stéphane version Chill’Out Beach, lui, ne laisse jamais tomber ses lunettes de soleil ni son optimisme : mai n’augure en rien les prochains mois. « S’il faisait très beau et qu’on avait personne, on s’inquiéterait pour juillet-août. Mais là, avec ce vent, c’est de la simple logique. » Hors de question de voir dans cette désertion les conséquences de l’inflation, de la sécheresse historique ou d’un changement d’attitude chez le touriste. Le gérant l’admet tout de même : « Si la situation ne s’améliore pas en juin, il faudra faire un point avec les serveurs. » 

La plage affiche désert, malgré le grand soleil
La plage affiche désert, malgré le grand soleil – JLD/20 Minutes

Si Jason note bien une petite modification des dépenses chez les rares clients – « ils prennent soit l’entrée, soit le dessert, mais rarement les deux ». Pas de quoi paniquer non plus pour la haute saison : « Même s’il y avait moins de monde, il y aura toujours plus de touristes en été que de lieux ouverts à Canet. On affichera donc plein ». Idem chez Jean Serré, président de Canet-Tourisme : « Les chiffres sont plus faibles que l’an passé pour ce mois de mai. Mais pour ce qui est des réservations et des prévisions pour juillet-août, on est à la hausse. C’est le plus important ». A Canet, le ciel est dégagé. Ne reste plus qu’à chasser ce foutu vent.