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Suisse : Le pays admet un « crime contre l’humanité » à l’encontre des Manouches et des Yéniches

Un pas en avant en regardant derrière elle. La Suisse a reconnu jeudi que les programmes suisses d’assistance et de placements extra-familiaux ayant visé pendant des décennies les Yéniches et les Manouches constituent un « crime contre l’humanité ». Le gouvernement helvète réitère par ailleurs « les excuses formulées en 2013 à l’égard des personnes et des communautés touchées pour les injustices commises ».

Jusqu’en 1981, une série de mesures de coercition à des fins d’assistance et de placements extra-familiaux ont frappé plus d’une centaine de milliers d’enfants et d’adultes sur le territoire suisse, explique le communiqué.

Les victimes de ces actes étaient des personnes issues de milieux défavorisés ou dont le mode de vie ne correspond pas aux normes sociales de l’époque. Parmi elles, figuraient des individus qui pratiquent un mode de vie itinérant, comme les Yéniches et les Manouches/Sintés.

Le principal artisan de ces enlèvements d’enfants est « l’œuvre des enfants de la grand-route », un programme de la fondation Pro Juventute. « Entre 1926 et 1973, les responsables de cette opération, avec l’aide des autorités, retirent à leurs parents environ 600 enfants yéniches pour les placer de force dans des foyers, des maisons de correction et des familles d’accueil, en violation des principes de l’État de droit », explique le communiqué. « Des Manouches/Sintés font également partie des victimes », précise-t-il.

« Pas un génocide »

Par ailleurs, des adultes qui ont fait l’objet d’un placement extra-familial pendant leur minorité sont mis sous tutelle ou placés dans des institutions, frappés d’une interdiction de mariage et, dans certains cas, stérilisés de force. Outre Pro Juventute, des organisations caritatives religieuses et des autorités ont également été actives.

« D’après le droit actuel, l’État a été coresponsable des faits commis. La persécution des Yéniches et des Manouches/Sintés n’aurait pas été possible sans le concours des autorités à tous les niveaux de l’État », indique le communiqué. Il explique toutefois que « bien que des faits constitutifs d’un crime contre l’humanité soient constatés, on n’est pas en présence, d’un point de vue juridique, d’un génocide (culturel) ».

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Dans le courant des années 1970 et 1980, ces pratiques se heurtent de plus en plus souvent aux critiques de l’opinion publique. Par la suite, le Parlement, sur la proposition du gouvernement, a accordé un total de 11 millions de francs suisses pour la constitution d’un fonds de réparation destiné aux « enfants de la grand-route ».

En 2013, le gouvernement suisse a présenté ses excuses à toutes les victimes de mesures de coercition à des fins d’assistance et de placements extra-familiaux. Depuis, la Confédération a lancé et mis en œuvre différentes mesures visant à poursuivre le travail de mémoire et à dédommager les personnes lésées.