France

Suicide des enfants et préados : « Ils savent que c’est définitif »

Sara, une fillette de 9 ans, scolarisée en CM2, s’est suicidée dans la maison familiale de Sarreguemines, en Moselle. Un collégien de 12 ans a mis fin à ses jours à Martigues, près de Marseille, après une dispute avec son frère aîné au sujet d’une partie de jeux vidéo.


Son corps sans vie a été découvert samedi en fin de matinée par ses parents. Une lettre trouvée dans sa chambre ne laisse que peu de place au doute. Sara, une fillette de 9 ans, scolarisée en CM2, s’est suicidée dans la maison familiale de Sarreguemines, en Moselle. Selon ses proches, l’enfant subissait des brimades de ses camarades en raison de son surpoids. Dans la foulée, un collégien de 12 ans a également mis fin à ses jours à Martigues, près de Marseille, en se pendant à son lit superposé après une dispute avec son frère aîné au sujet d’un jeu vidéo, selon le quotidien local *La Provence*.

Quelle est la fréquence des suicides chez les jeunes enfants et adolescents ? Interrogée, Santé Publique France n’a pas répondu. Les derniers chiffres officiels, datant d’environ dix ans, rapportent que la Haute Autorité de Santé a enregistré 26 suicides chez les moins de 14 ans en 2016. Comment peut-on expliquer un acte aussi tragique à un si jeune âge ? Pour y répondre, le pédopsychiatre Stéphane Clerget apporte des éclairages.

Ce week-end, une jeune fille et un préadolescent se sont suicidés. Quelle est la prévalence de tels actes chez les plus jeunes ? Heureusement, cela reste extrêmement rare. Chaque année, environ une vingtaine de jeunes de moins de 13 ans se suicident. Ce chiffre pourrait être sous-estimé, car certains décès considérés comme « accidentels » pourraient en réalité relever de comportements suicidaires. Un enfant souffrant de dépression ne va pas faire attention à sa sécurité et peut prendre des risques inconsidérés, par exemple traverser la route alors que le feu est vert. Cela reflète une perte d’élan vital, une indifférence à sa propre vie.

Le suicide chez les très jeunes est un sujet très tabou, et il est difficile d’affronter cette réalité, ce qui pousse certains à le considérer comme un accident.

Les enfants et préadolescents sont-ils conscients du caractère définitif du suicide ? Les préadolescents comprennent que la mort est irréversible, mais ils sont paradoxalement à un âge où ils croient encore en une forme de « suite » après la mort. La différence principale avec les adolescents plus âgés réside dans l’absence de projection dans le futur. Ils savent que c’est définitif, sans en saisir pleinement les conséquences.

Le suicide chez les jeunes est-il souvent une pulsion ? Parfois, il semble que le passage à l’acte soit provoqué par une « broutille ». Pour les enfants, l’intensité de leurs émotions peut être très forte, car elles constituent leur univers. Dans certains cas, un suicide peut être impulsif, donc lié à une frustration. Dans le cas de Martigues, la dispute au sujet d’un jeu vidéo, si elle se confirme, pourrait indiquer une réaction impulsive à une forte frustration. Dans d’autres situations, le suicide peut être le résultat d’un état dépressif, où l’enfant se sent rejeté et ne s’aime pas. Certains signes doivent alerter : problèmes de sommeil, faible estime de soi, changements de comportement, propos inquiétants… Un enfant qui exprime le souhait de disparaître ou de ne plus vivre, par exemple, devrait faire l’objet d’une attention sérieuse.

Le harcèlement scolaire semble-t-il un facteur déclencheur ? En effet, c’est souvent avancé par les familles. Toutefois, ce n’est pas la seule cause. Un enfant déprimé risque de favoriser le harcèlement par un comportement distant, en s’isolant ou en interagissant différemment avec ses pairs. C’est un cercle vicieux, car le harcèlement exacerbe l’état dépressif.

La question des écrans est également cruciale. Ils augmentent la frustration et limitent les occasions d’exprimer des émotions négatives. L’activité physique et les interactions sociales permettent de soulager ces contrariétés de manière efficace, contrairement à la passivité devant les écrans.

À quels signes devrait-on prêter attention ? De manière générale, un changement de comportement soudain doit susciter une vigilance accrue. Dans ces situations, il est préférable de consulter pour « rien » plutôt que d’attendre une aggravation de la situation.