France

Statistiques erronées sur les viols en Europe : la France en tête.

En 2021, en France hexagonale, les femmes âgées de 18 à 74 ans ont été victimes d’au moins 210.000 viols ou tentatives de viols, selon les chiffres du gouvernement. Moins d’une victime sur dix dépose plainte dans le cas d’un viol ou d’une agression sexuelle en France, selon une enquête de l’Ipsos.

«La France est le pays le plus dangereux pour les femmes en Europe ! » Sur les réseaux sociaux, des utilisateurs affirment que la France enregistre le plus grand nombre de « viols signalés » sur le continent.

Les chiffres avancés sont impressionnants : 590 en Pologne, 2.831 au Danemark, 2.870 en Espagne, 4.600 en Belgique, 5.000 en Italie et… 38.094 en France. Qu’est-ce qui est considéré comme un « viol signalé » ? Sur quelle période ces données ont-elles été collectées ? Aucune des publications ne le précise…

Comme prévu, ce message a été largement relayé par des comptes anti-immigration. Certains ont même partagé ces données accompagnées du slogan « l’immigration tue la jeunesse française ». Comment a-t-on pu établir un lien entre l’immigration et ces chiffres ? Cette information n’est pas précisée dans les publications.

FAKE OFF

D’où proviennent ces chiffres ? Certains sont introuvables, tandis que d’autres émanent de différentes bases de données. Le site European Institute for Gender Equality (EIGE) recense environ 590 cas de viols signalés en Pologne : « En 2022, 585 femmes victimes de viol ont été recensées par la police », indique-t-il. Aucune donnée n’est cependant fournie sur la méthode de comptage utilisée. Le site Statista mentionne, pour sa part, 1.127 cas pour l’année suivante.

Concernant la Belgique, les données proviennent d’une nouvelle plateforme statistique. Elles sont collectées par la police elle-même, et le site des Centres de Prise en charge des Violences Sexuelles du pays affirme : « En 2021, la police a enregistré plus de 4.000 cas de viol. »

Pour le Danemark, le site EIGE évoque entre 2.400 et 2.500 viols déclarés en 2022. Pour l’Espagne, si le EIGE rapporte 2.384 femmes victimes de viol, le ministère de l’Intérieur espagnol fait état de 2.870 cas. Pour la France, les estimations de l’EIGE évoquent 29.048 femmes victimes de viol en 2021. En somme, ces chiffres sont nombreux et il est difficile d’y accorder une confiance totale.

Des critères et une sensibilisation qui diffèrent

En réalité, il n’est pas pertinent de comparer les chiffres des viols entre les pays. La taille de la population varie d’un pays à l’autre, et chaque base de données utilisée pour ces statistiques est constituée et communiquée par les forces de police de chaque pays. Mais tous n’adoptent pas les mêmes catégories : certains incluent « viols et violences sexuelles », d’autres traitent les viols séparément.

De plus, certains pays comptabilisent les dossiers ouverts, tandis que d’autres dénombrent les victimes individuelles ou tous les actes signalés à la police. Ces différents facteurs expliquent des écarts importants.

Le taux de plaintes et de signalements varie également considérablement d’un pays à un autre. En France, ce chiffre élevé de « viols recensés », qui sont signalés à la police selon les définitions des sites statistiques, s’explique par une sensibilisation plus forte aux violences sexuelles par rapport à d’autres pays. Cela peut encourager davantage de femmes à se rendre au commissariat.

En 2021, en France hexagonale, les femmes âgées de 18 à 74 ans ont été victimes d’au moins 210.000 viols ou tentatives de viols, d’après les chiffres du gouvernement. Cela représente un viol ou une tentative de viol toutes les 2 minutes 30, comme le rapporte le collectif féministe Nous Toutes, référent en France dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.

Cependant, ces chiffres ne concernent que les viols rapportés, largement éloignés du nombre réel d’actes commis. Une enquête Ipsos révèle que moins d’une victime sur dix dépose plainte en cas de viol ou d’agression sexuelle en France.

Immigration et violences sexuelles ? Aucun lien

Quel lien existe-t-il entre les chiffres erronés diffusés sur les réseaux sociaux et l’immigration ? Aucun. Les messages évoquant la sécurité en France sont souvent relayés par des comptes anti-immigration, notamment liés à l’extrême droite. Qu’il s’agisse de cas d’agressions sexuelles, de vols, de cambriolages ou de dégradations publiques… Ces raccourcis contribuent à un discours raciste de plus en plus répandu sur les réseaux sociaux.

Sans informations complémentaires, certains internautes peuvent se laisser berner. Pourtant, il n’existe aucun lien démontré entre l’immigration et le nombre de viols dans un pays. Aucune statistique ne permet d’affirmer que les personnes immigrées en France seraient plus fréquemment coupables de viols que les personnes nées en France. En effet, les pays avec moins d’immigration ne sont pas ceux ayant le moins de viols, selon la logique des utilisateurs des réseaux sociaux.

De plus, le mythe selon lequel les violences sexuelles proviennent principalement de l’espace public et d’agresseurs inconnus est faux. Les données de Nous Toutes indiquent que dans 91 % des cas de violences sexuelles, les femmes connaissent leurs agresseurs : parents, partenaires, amis, ou membres de la famille proche.