Soupçon de financement libyen : Un déjeuner « surprise » avec le beau-frère de Kadhafi met Claude Guéant au supplice
«Et au restaurant, qu’est-ce qu’il se passe ? » « Nous prenons un repas ensemble ». Le tribunal a dû, jeudi, arracher phrase par phrase les explications de l’ex-directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy, Claude Guéant, sur son improbable dîner en Libye avec le beau-frère de Kadhafi. Cela faisait plusieurs audiences qu’on tournait autour du pot au procès du financement libyen de la campagne présidentielle 2007 de Nicolas Sarkozy. Et même la présidente avait fini par s’impatienter : « le tribunal aimerait bien un jour arriver à mettre un pied à Tripoli ».
C’est chose faite peu après. A la barre, Claude Guéant, 80 ans vendredi, raconte comment il s’est retrouvé « seul » en Libye pour « préparer » une visite de Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur dont il était à l’époque directeur de cabinet. L’ex-président est soupçonné d’avoir passé un « pacte de corruption » avec Mouammar Kadhafi pour que le richissime dictateur finance sa campagne présidentielle 2007, avec l’aide de ses très proches Claude Guéant et Brice Hortefeux, jugés à ses côtés.
Tête à tête avec un homme condamné à la réclusion à perpétuité en France
A Tripoli début octobre 2005, l’intermédiaire Ziad Takieddine (coprévenu mais en fuite) passe prendre Claude Guéant un soir : « Je vais vous faire rencontrer quelqu’un de très important du régime ». Il s’agissait d’Abdallah Senoussi, chef des renseignements militaires libyen, condamné en son absence en France à la réclusion à perpétuité pour son rôle dans l’attentat du DC-10 d’UTA en 1989, qui a coûté la vie à 170 personnes dont 54 Français.
« Est-ce que vous avez abordé avec lui la question du financement de la campagne de Nicolas Sarkozy ? », demande la présidente au prévenu, peu à son aise. « Non Madame ». Et ont-ils parlé de la situation judiciaire d’Abdallah Senoussi ? Selon l’accusation, il y avait parmi les contreparties au financement de campagne la promesse d’un coup de pouce à Senoussi, qui rêvait de faire lever son mandat d’arrêt international. Claude Guéant concède que le sujet a probablement été abordé. « La seule réponse que j’ai pu apporter c’est : « je vais étudier la question » » – mais il n’en fera rien ensuite, jure-t-il.
De retour à Paris après son voyage libyen, il affirme avoir gardé pour lui cet étrange dîner. « Je n’avais pas envie de dire à mon ministre que je m’étais fait berner ». Le procureur financier n’en croit pas un mot. « Rien ne va dans la description de ce qu’il se passe, rien n’est logique », balaie Quentin Dandoy. « Sauf si le but était d’évoquer autre chose ». Sarkozy
Notre dosssier sur Nicolas Sarkozy
Deux mois après à Tripoli, Brice Hortefeux, alors ministre des collectivités territoriales, était tombé à son tour dans le même « piège » de la rencontre surprise avec Abdallah Senoussi.