France

« Son problème était plus grave que les miens » : familles « détruites » des 13 enfants agressés sexuellement

Au tribunal correctionnel de Nantes, l’ex-animateur périscolaire de Rezé est accusé d’agressions sexuelles sur 13 enfants de maternelle entre janvier 2017 et mars 2019. Les familles qui témoignent expriment une volonté unanime : qu’à l’issue du procès, leurs enfants soient reconnus victimes.

Au tribunal correctionnel de Nantes,

De nombreuses personnes s’enlacent, d’autres s’observent avant de s’exprimer, tandis que certains avancent main dans la main. Au deuxième jour du procès de l’ex-animateur périscolaire de Rezé (Loire-Atlantique), accusé d’agressions sexuelles sur 13 enfants de maternelle entre janvier 2017 et mars 2019, les couples de parents qui se sont constitués partie civile se succèdent à la barre.

L’émotion est particulièrement forte, tout comme la colère. La veille, ce prévenu, qui a tenté d’inverser la responsabilité, a été confronté à des détails sordides concernant les faits qui lui sont reprochés. « Des bisous d’escargot », « du caca dans la bouche », « un doigt dans le tuyau des fesses ». Ces actes sont relatés avec les mots des enfants que lui-même qualifie de « monstruosités », mais qu’il continue de nier, plus de six ans après sa mise en examen et plus de 24 heures après le début du procès.

« Pourquoi je n’ai pas vu tout ça ? »

« Je m’en veux », affirment certains des parents des présumées victimes. L’un d’eux déplore de ne pas avoir identifié plus tôt un comportement dangereux. Une autre parent a le sentiment d’avoir « poussé » cet homme « dans l’école d’à côté » après avoir dénoncé le baiser imposé à sa fille derrière le grillage de l’école Ouche-Dinier, le premier établissement où le prévenu a travaillé.

Une culpabilité partagée par d’autres membres des familles. Lorsqu’elle a entendu le mot « secret » prononcé par sa petite-fille, cette ancienne Atsem du Chêne-Creux s’est raidie : « Je me suis dit que j’avais échoué. […] Pourquoi je n’ai pas vu tout ça ? »

« J’ai fait comme si mes autres enfants n’existaient pas »

Dans le défilé des couples unis, figurent aussi ceux dont la famille s’est fragmentée. « Notre couple n’a pas surmonté cette épreuve », témoigne une mère divorcée. Les proches décrivent précisément l’onde de choc qui a touché chacune des familles à l’annonce des faits. « Je suis désolée que tu aies vécu ça », dit une mère à sa fille aînée. « Ça », ce ne sont pas les agressions du prévenu, mais la minimisation des répercussions sur le reste de la fratrie.

« Je n’ai jamais su ce qui s’était passé en détail », déclare cette grande sœur, dos à l’audience, son intervention n’étant pas planifiée. « J’ai simplement su qu’il se passait quelque chose de très compliqué, de très grave. Je savais qu’il fallait être en colère, mais je ne savais pas pourquoi, j’essayais… » Elle marque une pause. « De compenser et d’être joyeuse ? » suggère la présidente. « De comprendre mes parents. Je trouvais que le problème de ma sœur était plus grave que les miens, je n’avais pas le droit de me plaindre. »

Une attitude que Me Grimaud, avocate de dix des familles, constate chez la majorité de ses clients. « Pour plusieurs d’entre eux, on observe une déportation de toute l’attention sur l’enfant concerné, au détriment du reste de la fratrie », indique l’avocate à 20 Minutes. « Ma fille venait de lancer une bombe alors j’ai fait comme si mes autres enfants n’existaient pas », confie, en larmes, la mère d’une des enfants. « Cette histoire a détruit notre famille », plaide une autre partie civile.

Symptômes post-traumatiques

Cette destruction, les familles qui témoignent à la barre disent la subir encore aujourd’hui. « Au collège, c’est difficile, racontent des parents en milieu d’après-midi. Pour notre fille, c’est très compliqué de se mettre en tenue de sport dans les vestiaires. » D’autres ont constaté un « comportement hypersexualisé » chez leur fille, qui a été sujette à une puberté précoce. « Il fallait occuper ses pensées autrement pour stopper le développement d’hormones, alors j’ai acheté un chien, je l’ai inscrite à la gym, je l’ai changée d’école », déclare sa mère.

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A l’approche du jugement, la quasi-totalité des parents déplorent le retour des cauchemars, des crises de vomissement, de colère ou d’angoisse chez leurs enfants. Mais un point les unit tous : ils souhaitent que, suite au procès, leurs enfants soient reconnus comme victimes.