Sommet des océans : Les coraux vont-ils vraiment tous disparaître à cause du climat ?

L’avenir des océans se joue peut-être en ce moment. Depuis lundi et pour toute la semaine, les dirigeants du monde entier sont réunis à Nice à l’occasion de la Conférence des Nations unies sur l’océan, qui vise à « soutenir une action urgente et plus poussée pour conserver et utiliser durablement l’océan, les mers et les ressources marines pour le développement durable ». Une thématique difficile à aborder sans évoquer les récifs coralliens, fortement menacés par le changement climatique. Au point de disparaître ? Pas vraiment, et on vous explique pourquoi.
Si l’on s’en tient aux derniers rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), 70 à 90 % des coraux devraient disparaître si le monde atteint 1,5 °C de réchauffement climatique par rapport à l’ère préindustrielle, et 99 % si le seuil des 2 °C est franchi. Des prédictions à nuancer selon Serge Planes, chercheur CNRS au Centre de recherche insulaire et observatoire de l’environnement de l’université de Perpignan. « 98 % des récifs coralliens vont être très transformés et ne fonctionneront probablement pas comme ils fonctionnent aujourd’hui, mais on n’est pas dans un scénario où il n’y aura plus de corail », explique-t-il.
Les coraux en fort déclin
Cette nuance ne remet pas en cause le phénomène de mort massive des coraux, causée principalement par le réchauffement climatique. Celui-ci entraîne des canicules marines déréglant la zooxanthelle, une algue située dans la couche superficielle des coraux qui leur apporte leur couleur et 90 % de leur énergie. Les coraux, voulant se préserver des molécules modifiées potentiellement nocives que leur fournissent ces algues, les rejettent et finissent par blanchir, puis par mourir au bout d’une quinzaine de jours, faute de nourriture.
Les canicules marines étant de plus en plus fréquentes, « on accélère de manière significative le rythme du blanchissement et de la mort des coraux », qui n’ont plus le temps de se régénérer, appuie Serge Planes. « C’est comme un escalier, illustre-t-il. La population de coraux baisse suite à une canicule marine, puis le nombre de coraux remonte entre deux épisodes, mais pas à son niveau initial. Puis il y a nouvelle canicule, qui fait baisser la population… » Et ainsi de suite. Si aucune espèce de corail n’a disparu pour le moment, « on considère qu’on a perdu environ 25 % de la surface corallienne de la planète », conclut le spécialiste.
Des espèces qui s’adaptent
Si l’on suit cette logique, les coraux devraient bien finir par disparaître. Mais « cette affirmation part de l’hypothèse que tout est figé, estime Serge Planes. Or, s’il y a bien quelque chose qui caractérise la nature, c’est qu’elle est capable de réagir et d’être résiliente ». Les scientifiques ont notamment remarqué que « certaines colonies, certains individus sont capables de résister au blanchissement », note l’expert des récifs coralliens. Sans oublier l’existence de refuges climatiques, « des zones où les canicules ou les événements de réchauffement n’ont pas d’impact » en raison de remontées d’eau froide.
Misant sur l’adaptation des coraux, le chercheur considère qu’ils seront à l’avenir « probablement très différents dans les espèces qui vont dominer et dans leurs structures ». Le vrai challenge sera alors « d’essayer d’anticiper à quel point le récif changera et à quel point ce changement modifiera son fonctionnement ».
Des défis à relever
Mais la nature ne fera pas tout, et il faudra agir sur deux axes : limiter le déclin des populations de coraux et accélérer la restauration des récifs. Le premier consiste notamment à « diminuer les différents stress qui affectent les coraux pour ne garder que le stress climatique », explique Serge Planes. Cela passe notamment par les aires marines protégées, qui visent à préserver les coraux de l’érosion terrestre et des eaux usées des populations locales et à rétablir les équilibres des écosystèmes, en limitant la pêche, par exemple.
Pour ce qui est de la restauration des coraux, il s’agit par exemple de « voir comment on peut accélérer leur récupération et empêcher la compétition des macro-algues », développe le spécialiste. Un autre défi sera le repeuplement des coraux, « qui marche bien à l’échelle du mètre carré mais que l’on doit réussir à transposer à l’échelle de plusieurs hectares », comme on le fait en milieu terrestre.
Un écosystème essentiel
Cette préservation est d’autant plus essentielle que les récifs coralliens abritent environ 25 % de la biodiversité marine globale, alors qu’ils ne recouvrent que 0,2 % de la surface des océans. Ces bassins de vie sont en plus vitaux pour les populations locales, qui les utilisent non seulement pour se nourrir mais aussi pour alimenter leur économie et leur attractivité touristique.
Les récifs coralliens contribuent aussi à la protection des côtes, et donc de leurs habitants, « en cassant les vagues et la houle », ajoute Serge Planes, une protection qui serait « quasiment impossible » de façon artificielle. Sans compter la dimension symbolique : « Si on n’est pas capables de préserver cet écosystème emblématique, on doit se demander si on peut préserver la planète dans sa globalité », interroge le spécialiste.