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SNCF : Prix en hausse, baisse du nombre de trains… L’entreprise est-elle en train de réserver ses TGV aux CSP + ?

La SNCF est-elle en train de freiner son TGV ? Depuis plusieurs jours, les sujets s’enchaînent pour la société des chemins de fer jusqu’à la propreté et l’entretien de ses Ouigoqui ont été remises en cause par des syndicats du groupe. Mercredi, les tarifs des TGV inOui et Ouigo ont augmenté de 1,5 % en moyenne pour les lignes à grande vitesse et longue distance. Une hausse, qui correspond à moins d’un euro et censée être « limitée à l’inflation en 2025 », selon la SNCF, mais qui fait grincer des dents chez les usagers.

Le jour même de la mise en place de cette augmentation, la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut) s’est fendue d’un communiqué pour dénoncer l’annonce du groupe ferroviaire. François Delétraz, son président joint par 20 Minutes, explique : « Une hausse de 1,5 % en moyenne, ça ne veut rien dire puisque l’évolution des prix est très différente d’une ligne à l’autre. Sur certaines grandes lignes, les prix ont même un peu baissé mais pour d’autres, cela va être une augmentation de 20 %. Donc la soi-disant limitation dépend d’où vous partez et où vous allez. »

Mais plus que l’augmentation des tarifs, c’est toute la stratégie de la SNCF qui est remise en cause. En effet, en plus de voir les prix grimper, la Fnaut déplore la baisse… du nombre de trains. Moins 23 % de TGV inOui depuis 2015 selon la fédération.

Ouigo, oui mais…

« La SNCF nous répond que cette baisse a été compensée par Ouigo, une offre soi-disant low cost. Ils ont simplement enlevé des rames à inOui pour les repeindre et les mettre sous la marque Ouigo. Reste que sur le nombre, il y a moins de trains à grande vitesse aujourd’hui », regrette le président de la Fnaut.

Infographie réalisée par la Fnaut pour dénoncer les tendances du train à grande vitesse de la SNCF.
Infographie réalisée par la Fnaut pour dénoncer les tendances du train à grande vitesse de la SNCF. - Compte X de la Fnaut

Pour en avoir le cœur net, 20 Minutes a contacté l’Autorité de régulations des transports (ART) qui confirme la tendance. Selon elle, une baisse du nombre de trains inOui a bien été constatée à partir de 2015. L’autorité confirme même une baisse de 17 % entre 2017 et 2023. Pour appuyer son propos, la Fnaut avance un autre chiffre : celui du nombre de rames. De 472 rames à grande vitesse en service en France en 2012, il n’en resterait en 2024 plus que 376.

Un modèle sans financement

Une baisse qui s’explique en partie par les retards d’Alstom a fournir ses commandes à la SNCF selon François Delétraz, mais surtout par une décision politique qui date de 2012. « À l’époque, la SNCF et l’Etat avaient choisi de mettre 100 rames de TGV à la casse justement pour réduire l’offre et augmenter les prix. »

« Un beau jour, et en prévision de l’ouverture à la concurrence des transports, on a décidé que la SNCF devait devenir rentable. Donc on a enlevé des trains pour que les restants soient plus pleins et que les tarifs soient plus élevés », explique le spécialiste des transports. Une décision qui va à l’encontre d’une mobilité durable prônée par tous mais qui devait, à l’origine être compensée financièrement à terme par l’écotaxe sur les poids lourds, abandonnée face à la colère des « Bonnets rouges ».

« Mais la transformation du réseau ferroviaire a été poursuivie, sans financement », explique François Delétraz qui déplore également que 14 rames aient été envoyées en Espagne pour assurer la liaison Ouigo entre Barcelone et Madrid.

Des services de plus en plus compliqués et de moins en moins universels

Dans le même temps, la Fnaut a constaté une dégradation du service avec l’arrivée des Ouigo, la mise en place de différents services et sites de réservation et de transports, gérés par des entités différentes « et qui ne communiquent pas », explique le président de la fédération. « Regardez l’usager qui a une carte Avantage ou Senior, s’il prend un aller sur un inOui, il ne peut pas prendre le retour sur un Ouigo et inversement. Et c’est cela pour tous les domaines maintenant. » Des griefs auxquels on peut désormais ajouter les bagages supplémentaires payants, les réattributions de place, etc.

Une dégradation du service qui ne s’accompagne même pas du tarif adéquat : « Au départ, le Ouigo a proposé des prix alléchants pour attirer. Mais comme ils n’arrivent pas à le rentabiliser, ils ont augmenté de 24 % entre 2019 et 2023, jusqu’à atteindre ceux des inOui, à la différence qu’on n’a pas les mêmes facilités d’échange et de remboursement que sur ce dernier… »

Un moyen de transport bientôt réservé aux CSP +

Dans le même temps, la SNCF a proposé les « Ouigo à petite vitesse », à petits prix, mais dont le temps de trajet s’allonge au fur et à mesure du prix qui baisse… pour le moment. Pire, l’engouement grandissant pour le train n’encouragerait pas la SNCF à inverser la tendance selon la Fnaut. « Les trains sont pleins, donc ils n’ont aucun intérêt à baisser les prix aujourd’hui. Au contraire, on fait tout pour qu’ils restent hauts. Sauf que cela transforme le ferroviaire en mobilité réservée aux CSP +, de moins en moins accessibles aux personnes à revenus modestes ou aux familles, souffle François Delétraz, il ne faut pas s’étonner de voir les gens se tourner vers la voiture. »

Une distorsion de concurrence qui ne s’arrangera sans doute pas avec le développement de… la concurrence, encore naissante : « Si la Renfe ou Trenitalia ont une redevance à payer pour emprunter les voies françaises, elles n’ont pas à donner les millions de bénéfices que la SNCF doit reverser à l’Etat. Donc cela ne va pas l’encourager à faire des efforts si elle veut résister sur le marché. »

Pour François Delétraz, il aurait fallu, au moment de l’attribution des lignes « obliger Trenitalia à ouvrir un Paris-Grenoble ou un Paris-Besançon, moins rentables, en contrepartie d’un Paris-Lyon ». Comme le ferait un service public par exemple.

Contactée par 20 Minutes, la SNCF n’a, pour le moment, pas répondu à nos sollicitations.