Sites pornos : L’obligation de vérifier l’âge des utilisateurs est-elle vraiment appliquée ? On a vérifié
Un ultimatum sans conséquences. Depuis le 11 janvier, les sites pornographiques sont supposés appliquer un contrôle strict de l’âge des visiteurs, afin d’empêcher les mineurs d’accéder aux contenus. « Supposés », car en faisant des recherches cette semaine sur les sites le plus connus (promis, c’était pour le boulot), force est de constater que très peu respectent les nouvelles règles de l’Arcom.
Parmi quelques sites visités, TuKif est le seul à avoir mis en place une barrière à l’entrée. Le simple « Avez-vous plus de 18 ans ? » a été remplacé par une fenêtre proposant plusieurs options : une vérification grâce à une application dédiée en double anonymat, un ticket à demander chez son buraliste, une estimation d’âge via un selfie vidéo ou encore une transaction à 1 euro par carte de crédit. Cette offre de solutions, qui sont censées filtrer les mineurs, reste à ce jour absente des PornHub, YouPorn et autres plateformes X. De toute manière, cette perspective était loin d’enchanter les utilisateurs.
Des renvois à examiner à l’échelle européenne
« Dès le départ, ça ne pouvait qu’échouer », regrette Alexandre Lazarègue, avocat spécialisé dans le droit du numérique. Depuis l’adoption de la loi en 2020, le parcours a été tortueux. « Les éditeurs ont fait énormément de recours pour souligner l’impossibilité technique, retrace-t-il. Dans l’autre sens, il y a eu des recours d’associations contre les fournisseurs d’accès à Internet, mais ça a été débouté. »
Aujourd’hui, c’est une autre procédure qui risque de retarder cette barrière obligatoire à l’entrée. « Les sites hébergés en France et qui sont des sociétés de droit français, ainsi que ceux en dehors de l’Union européenne, doivent s’y tenir, résume Arnaud Quilton, juriste en droit du numérique. Mais pour les sites au sein de l’UE mais hors de la France, la question de la conformité avec le droit européen se pose. »
Que ce soit Xnxx en République tchèque ou Pornhub à Chypre, une bonne partie des sites ne résident pas dans l’Hexagone. Le 6 mars 2024, les juges français ont donc sollicité la cour de justice de l’UE dans le cadre d’une question préjudicielle. En résumé, si elle donnait raison aux sites étrangers qui ne filtrent pas les utilisateurs, « les éditeurs français pourraient se prévaloir d’un tel avis, afin qu’il y ait une équité au sein des Etats-membres », ajoute le juriste.
De toute manière, selon Alexandre Lazarègue, il ne sera jamais possible « de balayer tous les sites qui existent ». Et en dernier recours, « les VPN permettent de contourner ces restrictions et sont faciles à utiliser ». Les visiteurs de sites X ont donc encore un peu de temps avant de devoir partager leur identité.