Site Orange à Marseille : « Si chaque entreprise ferme aux suspicions de coup de feu, plus personne ne travaille »
Ce jeudi soir, la direction du site marseillais d’Orange a annoncé fermer ses portes pour quinze jours et renvoyer la grande majorité de ses 1.000 salariés en télétravail. La préfète Corinne Simon a précisé qu’elle n’a reçu ce jeudi qu’un seul appel d’un commerçant du quartier à 13h24 pour signaler un coup de feu, dont aucune trace n’a été trouvée.
Après l’épidémie de Covid en 2020, c’est au tour du narcotrafic d’envoyer en télétravail les salariés à Marseille. Ce jeudi soir, la direction du site marseillais d’Orange a annoncé la fermeture de ses portes pour une durée de quinze jours, renvoyant la majorité de ses 1.000 employés en télétravail. Cette décision fait suite à une « montée des tensions » dans le quartier de Saint-Mauront (3e arrondissement), comme l’a précisé la direction régionale de l’entreprise.
Les syndicats ne partagent pas tous la même vision des événements, qui sont également contestés par la préfecture de police. « Mardi, nous avons vu un individu se faire poursuivre par d’autres personnes armées d’un club de golf. Mercredi, deux autres personnes ont cherché refuge sur le parking après une rixe, et nous avons appelé la police pour les déloger. Ce jeudi enfin, nous avons entendu des coups de feu alors qu’il y a un mois, un homme avait été touché par des tirs de Kalachnikov », rapporte à 20 Minutes Laurent Bedrossian, délégué syndical de la CFE-CGC.
Le communiqué national de cette organisation évoque même une « guerre des gangs » dans le quartier de Saint-Mauront. Cette perception de la situation est largement démentie par la préfecture de police, qui indique d’abord comprendre « l’insécurité et le sentiment d’insécurité » des habitants.
« Nous sommes dans un secteur compliqué, celui de la cité Félix-Pyat, avec des points de deal et beaucoup de trafic », affirme la préfète Corinne Simon ce vendredi. Elle réfute tout « affrontement entre bandes rivales », précisant avoir reçu jeudi un seul appel d’un commerçant du quartier à 13h24 signalant un coup de feu, dont aucune trace – ni douille, ni sang, ni impact – n’a été retrouvée. Un équipage de police est arrivé trois minutes plus tard.
« Nous n’avons eu aucun appel au « 17 » [numéro de la police secours] de la société Orange », ajoute Corinne Simon. Elle mentionne aussi l’analyse des enregistrements de vidéosurveillance, qui n’ont pas permis de mettre en évidence des rixes au cours des derniers jours. Elle précise avoir contacté le directeur régional d’Orange pour l’informer qu’elle avait déployé des patrouilles dès jeudi soir pour sécuriser l’entrée et la sortie des salariés, afin de rassurer le public et de réduire le sentiment d’insécurité.
Une divergence d’interprétation apparaît donc sur les événements, leurs répercussions sur l’activité des employés d’Orange et la réalité policière dans une ville de Marseille malheureusement habituée aux « narchomicides » et à une violence de rue plus ou moins manifeste dans certains quartiers. « Effectivement, nous avons eu une rixe, mais ce n’est pas une rixe entre bandes pour du trafic de stupéfiants, mais bien en raison d’un vol de trottinette », précise la préfète.
L’assassinat de Mehdi Kessaci, frère du militant Amine Kessaci engagé contre le narcotrafic, a choqué la ville – et plus largement – et a remis la violence des narcotrafiquants au premier plan. Une source proche du dossier exprime son inquiétude face à cette première « instrumentalisation du narcotrafic par les syndicats ».
Au-delà des éventuelles rixes survenues à Saint-Mauront, un quartier affecté par le trafic de drogue, se ravive un vieux contentieux syndical opposé à l’implantation d’Orange, qui a réuni l’ensemble des salariés de la ville depuis la fermeture progressive de ses autres sites. Cette situation survient alors que des élections syndicales au conseil d’administration se profilent, offrant une occasion de revendiquer le déménagement du site.
« La fermeture du site me semble un peu disproportionnée », réagit Guillaume Lamourette, délégué syndical CGT, minoritaire chez Orange. « Bien entendu, nous sommes attentifs à la sécurité des salariés, mais il est difficile de ne pas voir, avec le contexte, le timing et les élections municipales, une forme d’instrumentalisation politique, surtout que certains membres de la CFE-CGC militent pour le RN », souligne-t-il à 20 Minutes. « Cela fait quinze ans que je travaille ici, et j’ai vu des choses bien plus graves. Si l’on ferme chaque entreprise en cas de simples soupçons de coups de feu, plus personne ne pourra travailler à Marseille », conclut le syndicaliste.
Ce n’est pas la première fois que des entreprises du secteur informent la préfecture de leurs inquiétudes concernant la sécurité. Cependant, aucune n’avait pris une mesure aussi drastique, préférant alerter les services de police avant de les confronter à la situation. Une réunion avec la direction régionale d’Orange est prévue la semaine prochaine.

