France

« Si j’arrête de parler avec un prédateur, il va aller voir un autre enfant », raconte la militante Neila Moore

Neila Moore* vit à Lyon. Âgée d’une quarantaine d’années, elle est femme de ménage et a trois enfants. Mais sur les réseaux sociaux, elle apparaît sous un autre profil. Celui d’une jeune fille de 12 ans. Chaque jour depuis quatre ans, elle poursuit sans relâche les prédateurs sexuels sur Internet avec le collectif de citoyens de la Team Moore. Dans Les prédateurs sont dans la poche de vos enfants, publié aux éditions Télémaque, elle raconte son histoire pour que « tout le monde sache et puisse combattre la pédocriminalité ».

« Cet ouvrage est à la fois de l’information et à la fois de la prévention, développe l’autrice. Des passages sont difficiles à lire, mais je ne fais que relater des faits. Je suis là pour raconter une vérité, celle qui se déroule pour des milliers d’enfants. » Elle a voulu faire de ce livre une sorte « de guide ». « Cette activité militante m’a, avant toute chose, permis de sensibiliser mes enfants. Mais, en tant que citoyens lambda, on n’a pas forcément les outils nécessaires pour lutter contre les pédocriminels. On ne se rend pas compte que ce fléau est partout », appuie la Lyonnaise.

Des demandes toujours aussi nombreuses

Cette mère de famille décrit un « travail chronophage » pour intercepter ces prédateurs sexuels. « Les deux premières années, j’ai divisé par deux mon salaire pour me concentrer à les attraper, se souvient-elle. Aujourd’hui, je cumule deux emplois, je travaille sept jours sur sept. J’ai envie d’arrêter tous les jours, mais je ne peux pas. Parce que si j’arrête de parler avec un prédateur, il va aller parler avec un autre enfant et cette fois, ce sera un véritable enfant. »

Elle raconte que des dizaines d’adultes font des demandes à son profil d’enfant virtuel quelques jours après sa création, voire quelques heures. « Toujours dans le but d’avoir des rapports sexuels, d’avoir des photos de mon corps nu ou pour envoyer des clichés de leur sexe », précise-t-elle.

Quatre ans après le début de ces actions et même avec une grande médiatisation, Neila assure que les demandes sont toujours nombreuses. « La dernière fois, un prédateur m’a dit qu’il pensait que je faisais partie de la Team Moore, rapporte-t-elle. C’est aussi le but. Ils ne doivent plus savoir s’ils conversent avec de véritables enfants ou non pour les empêcher d’agir. »

Et pour piéger ces criminels, le collectif doit suivre un protocole légal strict. « Ce sont nos photos rajeunies pour pas qu’il y ait d’usurpation d’identité, on rappelle qu’on est mineur, il n’y a pas d’incitation ou de demandes faites de notre part et on ne divulgue aucune donnée », insiste Neila.

Un cadre légal et des lois qui changent

Au total, le collectif a permis 77 arrestations et envoyé plus de 130 dossiers depuis sa création. « C’est encore peu », estime la Lyonnaise. D’autant plus que, « même avec des dossiers blindés de preuves » et des condamnations, ces pédocriminels bénéficient de sursis. « Il faut durcir les lois, lance-t-elle. J’ai rencontré plusieurs fois des individus qui étaient ressortis de prison un an et demi après leur peine et qui ont recommencé ensuite. »

Comme d’autres militants, la quadragénaire aimerait également « un cadre légal » afin de « travailler conjointement avec la police » et pour que « les choses aillent plus vite ». En mai dernier, Ylva Johansson, la commissaire européenne aux Affaires intérieures, indiquait que les signalements de contenus pédopornographiques avaient augmenté de 6.000 % au cours des dix dernières années dans l’Union européenne.

*Neila Moore est un pseudonyme.