France

Seine-Saint-Denis : Portrait-robot des violences sexuelles faites aux enfants

Le sujet est tristement d’actualité cette semaine. Après l’annonce par Elisabeth Borne de la mise en place de « pôles spécialisés » dans les violences conjugales, et la Journée internationale des droits des femmes, l’Observatoire des violences envers les femmes de la Seine-Saint-Denis organisait ce jeudi à Bobigny ses 21es rencontres. L’occasion pour l’organisation départementale de présenter son état des lieux de l’année 2022.

Les membres de l’Observatoire en ont profité pour révéler une étude sur les violences sexuelles faites aux enfants. Basée sur un échantillon de cent dossiers sélectionnés par les inspectrices de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) du département, l’étude dresse un portrait-robot de ces violences.

Les filles, principales victimes

Les victimes sont très majoritairement des filles puisque sur les cent dossiers étudiés, 84 concernent des filles, contre 16 garçons. Si l’âge moyen des enfants au moment de la consultation par l’ASE est de 14 ans et 7 mois, l’étude de leurs dossiers révèle qu’en moyenne, les premières violences commencent à 9 ans et demi. Elles sont vécues plus précocement par les garçons, autour de leur sixième année, contre la dixième pour les filles.

Sans surprise, c’est dans le cadre familial que les violences sexuelles sont le plus souvent perpétrées. Sur les cent dossiers étudiés, 72 concernent des enfants qui ont été victimes d’inceste. Dans plus d’un cas sur deux (58 %), c’est le père qui est l’un des agresseurs, devant le frère (25 %), le beau-père (15 %), l’oncle (9,5 %), la mère (4 %) et le grand-père (2,5 %).

Les violences peuvent se poursuivre après le placement

Et lorsqu’il ne s’agit pas directement d’un membre de la famille, l’agresseur est presque toujours d’une personne de l’entourage très proche de l’enfant puisqu’ils sont 92 à avoir été victime d’au moins une personne qu’ils connaissaient : un petit ami, un ami de la famille ou un camarade de classe. Au moins une personne, car au regard des dossiers, les enfants subissent des assauts de plusieurs personnes. Sur les cent enfants de l’étude, l’Observatoire recense 234 agresseurs, dont 98 % sont des hommes. Les 2 % restants sont trois femmes, dont deux ont agi en complicité avec un homme.

Même placés, les enfants peuvent toujours être la cible d’agressions. Dans le lieu de placement, comme le foyer dans lequel il est, ils peuvent être victimes d’autres enfants. Ou même au domicile de leurs parents lorsque ceux-ci ont conservé un droit de visite ou d’hébergement. Sur les 100 enfants, 57 ont continué à vivre des agressions après leur prise en charge.

Des violences qui causent des troubles

Car les violences sexuelles ne sont pas isolées dans la quasi-totalité des cas. S’il est souvent difficile pour un enfant de dater ces événements, « ces violences ne sont pas ponctuelles », commente Alix Vallot, chargée d’études à l’Observatoire. Près de 50 % des cas identifiés montrent une période moyenne de 3 ans et 10 mois.

Un calvaire qui n’est pas sans conséquences pour les victimes. Sur la santé, d’abord, avec de nombreux troubles psychotraumatiques constatés, des angoisses, des signes de dépression, des idées suicidaires… Les enfants sont également nombreux à présenter des troubles du sommeil, du comportement alimentaire et des problèmes d’addiction (alcool, stupéfiants, médicaments). Les conséquences se ressentent également sur leur parcours scolaire puisque 53 % d’entre eux sont en situation de retard. Trente-huit sont même déscolarisés.

« La Seine-Saint-Denis regarde le problème en face »

Pour lutter contre ce fléau et améliorer l’action de l’Aide sociale à l’enfance, l’Observatoire propose une série de préconisations. D’abord en développant les actions de prévention dès la maternelle et à tout âge chez les enfants, mais aussi en formant davantage les professionnels à la compréhension, au questionnement systématique, pour améliorer le repérage et le signalement de ces violences.

Alix Vallot recommande également d’informer l’enfant sur les suites judiciaires des violences qu’il a révélé : « Le plus souvent, après un signalement, l’enfant n’est pas mis au courant des suites de l’affaire. Pour lui, c’est comme s’il ne se passait rien. »

« La Seine-Saint-Denis n’est pas davantage touchée que les autres par ce problème mais elle a le courage de le regarder en face », conclut un porte-parole du département.