Seconde Guerre mondiale : Épave du sous-marin « Tonnant » retrouvée en Espagne
Il leur a fallu « moins d’un an » pour retrouver la trace du Tonnant, qui avait disparu en mer le 15 novembre 1942. L’équipe de chercheurs a annoncé avoir retrouvé l’épave à 53 mètres de profondeur, 83 ans presque jour pour jour après sa disparition.
Il a fallu « moins d’un an » pour retrouver la trace du *Tonnant*. Une équipe de chercheurs de l’Université de Bretagne occidentale (UBO), à Brest, et de l’université de Cadix, en Espagne, a annoncé avoir localisé l’épave du sous-marin français. Ce dernier avait disparu en mer le 15 novembre 1942 en pleine Seconde Guerre mondiale, après s’être sabordé au large des côtes espagnoles.
Fuyant les bombardements alliés américains lors de l’opération Torch, débutée le matin du 8 novembre 1942 à Casablanca (Maroc), où il était amarré, le *Tonnant*, équipé de seulement quatre torpilles, a mené un combat acharné contre un porte-avions américain avant d’être attaqué à plusieurs reprises. Malgré l’ordre de rallier Toulon, le commandant de bord, le lieutenant de vaisseau Antoine Corre, a pris la décision de saborder son navire après avoir fait descendre son équipage.
« Nous savions que l’épave se trouvait au large de Cadix. Nous avions même une localisation théorique, que nous avons progressivement précisée », déclare à *20 Minutes* le professeur Erwan L’Her, qui a dirigé les recherches avec Daniel Geffrouais, co-directeur de l’expédition, et l’hydrographe Chris Trebaol. Pour cela, Erwan L’Her s’est appuyé sur les carnets de bord de plusieurs marins, y compris celui du commandant de bord. Ce dernier, « juste avant de partir pour son sabordage, a noté l’heure de son départ, le cap qu’il prenait, ainsi que l’heure à laquelle il a atteint la profondeur de 50 mètres… ». Ces éléments ont permis de délimiter une zone de recherche restreinte.
Après plusieurs tentatives, dont des plongées sur site qui se sont révélées infructueuses à cause de la turbidité de l’eau dans l’estuaire du Guadalquivir, les chercheurs et plongeurs, à bord du bâtiment océanographique de l’Université de Cadix, ont utilisé l’équipement disponible, en particulier un sondeur multifaisceaux. Ce dernier a fourni une image qui, comparée aux dimensions du navire de 92 mètres, a confirmé qu’il s’agissait d’un sous-marin de classe 1.500 tonnes. « Cela ne pouvait être que le *Tonnant* », souligne Erwan L’Her. Le 11 novembre dernier, 83 ans presque jour pour jour après sa disparition, l’épave a été officiellement retrouvée, gisant à 53 mètres de profondeur.
L’équipe a poursuivi les plongées, sans succès. « À 40 mètres de profondeur, on ne voit plus nos mains. Et à 50 mètres, on ne voit rien du tout », se désole le chercheur.
Plus qu’un simple navire, c’est un chapitre de l’Histoire de la Seconde Guerre mondiale qui refait surface avec cette découverte. Le 8 novembre 1942, les Alliés américains et britanniques organisent un débarquement en Afrique du Nord, appelé opération Torch. Cependant, le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, alors sous l’autorité du gouvernement de Vichy, posent un problème. Des combats plus ou moins intenses se déroulent avec la marine française présente dans les ports selon les différents points de débarquement.
« Ce jour-là à Casablanca, il y avait trois sous-marins de type 1.500 tonnes : le *Tonnant*, le *Conquérant* et le *Sidi-Ferruch*, raconte Erwan L’Her. Il y a eu au total huit victimes sur le *Tonnant* durant le bombardement initial, dont le commandant Paumier, le commandant officiel du navire. » À ce moment-là, le lieutenant de vaisseau Corre prend le commandement et décide de quitter le port avec une trentaine de marins sur les 71 que comporte habituellement l’équipage. « Il faut comprendre que ce qu’ils veulent avant tout à ce moment-là, c’est sauver leur peau. S’ils étaient restés à quai, ils seraient morts », insiste le chercheur.
Cependant, dans leur fuite, des combats contre les Américains ont eu lieu. « Les marins ont vu leur commandant se faire décapiter par les bombes américaines, souligne Erwan L’Her… C’est une période complexe, que l’on ne nous a pas bien apprise à l’école. Il est difficile de comprendre pourquoi nos ennemis étaient les Américains à ce moment-là, alors qu’il y avait déjà eu Mers-el-Kébir [en juillet 1940, lorsque la Royal Navy a attaqué la Marine nationale française dans ce port d’Algérie]. Mais on ne peut en aucun cas douter du patriotisme de ces militaires, dont plusieurs ont d’ailleurs rejoint, six mois plus tard, la deuxième DB (division blindée) [formée au Maroc, qui a rejoint l’Angleterre avant de débarquer en Normandie en août 1944]. Et à aucun moment, je n’ai vu dans les journaux de ces personnes que j’ai consultés, une opposition aux Alliés. »
Réunies au sein d’un groupe nommé La Voix du Souvenir, l’équipe d’Erwan L’Her s’est donné pour mission de retrouver d’autres épaves de sous-marins de classe 1.500 tonnes. « Nous avons déjà localisé un premier, le *Phénix*, qui avait coulé accidentellement au large du Vietnam le 15 juin 1939, un mois et demi avant le début de la guerre. Les 77 membres d’équipage ont péri à 100 mètres de profondeur. L’histoire de ce sous-marin a été complètement oubliée, sauf par les familles. »
Il reste désormais à localiser les deux autres sous-marins de même classe qui étaient présents le 8 novembre 1942 à Casablanca. Ils ont été coulés le 11 et le 13 novembre avec leurs équipages, faisant plus de 110 morts.

