France

Sécheresse dans les Pyrénées-Orientales : Seize communes menacées de ruptures d’eau potable

Le préfet des Pyrénées-Orientales ne les a pas citées pour ne pas les stigmatiser. Mais la sécheresse dans le département a atteint de tels niveaux que seize communes pourraient faire l’objet de ruptures d’eau potable à court terme si la situation hydraulique ne s’améliore pas. Dans ce territoire frontalier de l’Espagne, le déficit d’eau est extrêmement préoccupant. Le mois de mars est, certes, conforme aux précipitations saisonnières dans la station de Perpignan-Rivesaltes, mais le déficit cumulé au cours des six derniers mois dans le département (213 mm de pluie contre une moyenne de 507 mm) est considérable.

Nulle part ailleurs en France, entre septembre et février, les précipitations n’ont été si peu abondantes. Le déficit sur les précipitations habituelles s’élève à 50 %, rien que sur les trois premiers mois de l’année. « Il faudrait qu’il pleuve de façon régulière pendant un à deux mois sans discontinuer pour relever le niveau des nappes dans les Pyrénées-Orientales », expliquait récemment l’hydrogéologue Henri Got, ancien président de l’université de Perpignan, à France Bleu Roussillon. « Si nous vivons le même été que l’an dernier, nous pourrons manquer d’eau dans certaines villes, cet été, en plaine ou sur le littoral ».

Des villages ravitaillés en eau potable

Depuis le 5 février, la commune d’Oreilla n’a plus d’eau potable. Les riverains de cette petite commune (25 habitants) enclavée, sont approvisionnés deux fois par semaine par des camions-citernes. Villefranche-de-Conflent a également dû être ravitaillée en eau au cours de l’hiver. D’autres pourraient l’être à court terme. Dès le mois de février, le préfet a placé la totalité du département en alerte sécheresse renforcée, dernier niveau avant la situation de crise et les lourdes restrictions qui l’accompagnent.

Les conséquences pour les habitants et les professionnels sont déjà nombreuses. Les agriculteurs notamment, dont les prélèvements dans la Têt sont fortement limités par une décision du tribunal administratif, se retrouvent dans une situation précaire. L’activité de centaines d’exploitants est en péril. Une position exprimée le 22 mars, lors de la réunion d’urgence à la préfecture, par la présidente de la chambre d’agriculture, Fabienne Bonet : « il y a et il va y avoir des pertes dramatiques dans les exploitations des Pyrénées-Orientales », a-t-elle prévenu.

« Anticiper les restrictions d’eau cet été »

Au cours de cette réunion, le préfet Rodrigue Furcy a évoqué le plan de crise qui doit permettre de limiter les dégâts avant l’été. Un plan d’action en dix points qui met le doigt sur la sensibilisation aux économies d’eau auprès de tous. Et des premières mesures. A commencer par la recherche et la réparation en urgence des fuites sur les 15 réseaux d’eau potable au rendement faible, ce qui « permettrait deux à trois millions de m3 d’économies d’eau », souligne-t-il. Mais aussi le lancement d’un plan de réduction de la vulnérabilité des canaux. Alors qu’une partie d’entre eux sont d’ores et déjà à sec.

Ces actions, comme la réflexion menée sur d’autres manières d’utiliser ou de recycler la ressource en eau, tels que la réutilisation des eaux usées ou la dessalinisation de l’eau de mer, ne suffiront pas à court terme. Il va falloir « préparer les entreprises, en particulier les plus consommatrices, aux conséquences des probables restrictions d’accès à l’eau », prévient la préfecture. Et anticiper les conséquences de cette baisse de la ressource pour la lutte contre les incendies cet été, avec des tensions importantes en raison des périodes attendues de fortes chaleurs.

Fortes craintes sur la période estivale

Cette période estivale est dans tous les esprits. Le tourisme, l’une des principales activités économiques du département, risque d’accroître fortement les tensions en eau. Et d’être lui-même fortement touché par ces restrictions. Aucune mesure n’a été en ce sens pour le moment. Mais tout le secteur craint le passage en situation de crise.

Pour y échapper, tous les moyens sont bons. A l’image de cette procession organisée le 18 mars en l’honneur de Saint-Gaudérique. Les reliques du patron des agriculteurs ont été transportées de la cathédrale Saint Jean-Baptiste jusqu’à la Têt, le fleuve qui coule à Perpignan. Ce week-end-là, il a plu. Beaucoup plus que prévu. Enfin un nuage dans un ciel beaucoup trop bleu.