Sébastien Lecornu, le dernier des macronistes au sein du gouvernement ?
La nomination de Sébastien Lecornu comme Premier ministre, au début de cette semaine, témoigne d’une volonté de poursuivre la ligne politique du macronisme, alors que ce dernier semble s’approcher d’une fin inéluctable. Dans un contexte marqué par l’usure du pouvoir et une instabilité croissante, cette désignation est perçue par certains comme un dernier recours pour maintenir l’influence d’Emmanuel Macron avant l’élection présidentielle de 2027.

La désignation de Sébastien Lecornu comme Premier ministre en ce début de semaine marque une continuité du macronisme. En effet, il est ministre sans interruption depuis 2017, devenant l’un des derniers vestiges du second mandat d’Emmanuel Macron, une période caractérisée par une forte instabilité politique.
Selon un sondage Odoxa – Backbone Consulting réalisé fin mai, huit Français sur dix anticipent que le macronisme disparaîtra après les élections présidentielles de 2027. Virginie Tisserant, historienne politique et chercheuse à l’université Aix-Marseille, affirme que « comme d’autres mouvements, le macronisme est voué à s’éteindre après la présidentielle, tant en raison du fait qu’Emmanuel Macron ne pourra pas se représenter que de l’état du pays, qui nécessite une nouvelle offre pour faire face à la crise politique actuelle ».
« Un ultime pilier du macronisme »
Les oppositions voient en le locataire de Matignon le dernier rempart du président. Mathilde Panot, présidente du groupe La France Insoumise, et Marine Tondelier, secrétaire nationale des Écologistes, qualifient cette nomination de « provocation ». Philippe Brun, député socialiste, estime que cette désignation d’un fidèle au président laisse transparaître l’odeur de la fin. Marine Le Pen, patronne du Rassemblement national, abonde dans ce sens en déclarant que « le président tire sa dernière carte, retranché avec son petit groupe de fidèles ».
Depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, le paysage politique a considérablement changé, avec une réduction des effectifs due à des crises successives, des déceptions et des remaniements. Des figures comme Gérard Colomb (décédé en 2023), Jean-Michel Blanquer, et d’autres ministres ont disparu ou pris leurs distances. Des conseillers comme Ismaël Emelien et Alexis Kohler ont également changé de voie. Richard Ferrand a pris la présidence du Conseil constitutionnel tandis qu’Édouard Philippe affiche ses ambitions pour 2027 avec Horizons.
« Une solitude croissante pour Emmanuel Macron »
« Peu d’entre eux sont partis en mauvais termes, précise Sébastien Michon, directeur de recherche au CNRS et expert en sociologie politique. Cependant, la solitude d’Emmanuel Macron, depuis sa victoire en 2017, est indéniable. On ressent actuellement une ambiance de fin de règne alors que l’élection présidentielle de 2027 se rapproche. »
Ce sentiment d’isolement, selon l’essayiste Alain Minc, découle de la psychologie du président. Dans son livre *Somme toute* (Grasset, 2024), il le décrit comme un « enfant roi » à la personnalité « narcissique », responsable, selon lui, du « plus grand traumatisme politique » de la Ve République, à savoir la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024, qui a entraîné la perte de nombreux députés macronistes.
« Éliminer le père »
Malgré le départ de plusieurs figures, il reste parmi les macronistes « quelques poids lourds », ainsi que des alliés aux ambitions variées, selon Sébastien Michon. « Gérald Darmanin nourrit des ambitions nationales, tout en gardant un lien avec Tourcoing pour les municipales à venir. Pour Élisabeth Borne, sa carrière semble davantage derrière elle. »
Concernant leurs alliés des Républicains au sein du gouvernement, le ministre Bruno Retailleau et la porte-parole Sophie Primas ont proclamé le décès du macronisme dans les médias en mai et juillet 2025. Virginie Tisserant souligne que « les Républicains sont là tant qu’ils n’ont pas trouvé leur propre candidat pour la présidentielle et qu’ils pourraient être tentés de « tuer le père » Emmanuel Macron pour se démarquer ».
Lecornu à la manœuvre
Sébastien Lecornu apparaît donc comme l’un des derniers gardiens de la macronie. « C’est un constat que peu de membres restent encore, affirme Virginie Tisserant, et la nomination de Lecornu a été perçue comme provocante, en raison de son incapacité à répondre aux revendications sociales qui secouent le pays ».
Alors que la mobilisation « Bloquons tout » résonne encore et qu’une nouvelle action intersyndicale est prévue pour le 18 septembre, que sera la prochaine étape ? Mercredi après-midi, sur les marches de Matignon, Sébastien Lecornu a annoncé des « ruptures » dans la « méthode » ainsi que sur le « fond ».
Il lui incombe désormais de consulter pour former un gouvernement, tout en cherchant à établir des accords afin de naviguer dans une Assemblée nationale devenant de plus en plus fragmentée. Pour éviter une censure, il devra notamment négocier avec les socialistes. « Le chemin est étroit, souligne Sébastien Michon. Emmanuel Macron, à travers Lecornu, dispose des cartes en main, mais jusqu’à présent, il n’a jamais montré une réelle volonté de négocier ou de trouver des compromis. »

