Scandale de la Dépakine : Pourquoi la prescription de ce médicament va être encore plus contrôlée chez les hommes ?
Depuis ce lundi matin, la France a durci les restrictions de délivrance des médicaments anti-épileptiques comme la Dépakine après décision de l’Agence de sécurité des médicaments. Ces médicaments portant des risques sur le développement des bébés avaient fait scandale dès 2015 après les révélations de l’association Apesac. Si ces traitements étaient déjà proscrits pour les femmes enceintes, les futurs pères sont aujourd’hui visés.
Pourquoi ces médicaments sont contrôlés ?
Selon, les autorités sanitaires nationales, la molécule valpoate intégrée dans ces traitements anti-épileptiques est responsable de malformations et de troubles neurodéveloppementaux chez des milliers d’enfants. Selon l’Apesac, 8.000 enfants ont été répertoriés avec des malformations, des troubles du neurodéveloppement ou des troubles dys. « Mais nous estimons à 50.000 le nombre de victimes réelles », rappelle, à 20 Minutes, Marine Martin, lanceuse d’alerte et présidente de l’association d’aide aux parents d’enfants souffrance du syndrome de l’anti-convulsivant.
Pourquoi un nouveau renforcement ?
Interdit depuis 2018 pour les femmes enceintes, de nouvelles études ont démontré un impact sur les bébés par le père. L’Agence européenne du médicament (EMA) a fait part en 2023 d’une étude menée sur la base de données de santé de nombreux patients dans plusieurs pays scandinaves et concluant à un risque « modéré » de troubles du développement, comme l’autisme, chez les enfants de pères traités sous valproate, la molécule agissant aussi sur la qualité du sperme. En 2022, en France, 161.392 hommes étaient sous traitement, selon l’Apesac. Pour rappel, la durée de vie du médicament dans le corps est de trois mois. Si volonté de parentalité, le père ou la mère doit arrêter ce traitement un trimestre avant conception.
Comment vont être prescrits ces médicaments ?
A partir de ce lundi, seuls des neurologues, psychiatres et pédiatres pourront initier les traitements au valproate « pour les adolescents et les hommes susceptibles d’avoir des enfants », selon l’Agence de sécurité des médicaments. Les patients déjà sous traitement, devront en changer avec une date limite du 30 juin. Une attestation d’information partagée, notamment sur les risques encourus, devra aussi être cosignée chaque année par le patient et le prescripteur et présentée en pharmacie, en plus de l’ordonnance, pour obtenir le médicament, écrit l’ANSM. La Dépakine, la Micropakine, Dépakote, Dépamide, Divalcote et leurs génériques sont visés. Les traitements comprenant de la carbamazépine (Tegretol et génériques) et du topiramate (Epitomax et génériques) sont également soumis aux mêmes restrictions.
Qu’en pensent les associations des victimes ?
« C’est le résultat d’années de travail », se félicite de son côté Marine Martin, même si le chemin est encore long. « On a reçu beaucoup de témoignages d’hommes depuis le scandale de la Dépakine. On a découvert des liens épigéniques via le sperme », explique la présidente de l’association Apesac. Mais, derrière l’avancée, des critiques aussi. « On déplore le temps de réaction alors que l’enquête sur les hommes date de mai 2023. On aimerait également un dispositif comme au Royaume-Uni où deux neurologues doivent prescrire ces médicaments. Enfin, il faudrait que les hommes puissent accéder à des prélèvements de sperme (sain) au cas où », ajoute la lanceuse d’alerte. Elle estime tout de même que ces nouvelles contraintes vont pouvoir ouvrir la voie à des alternatives en matière de prescription. « En 2022, 23.183 femmes étaient encore sous valproate. Et on compte 203 grossesses en 2021 malgré les alertes », affiche Marine Martin.
Où en est la justice ?
Cette nouvelle restriction ne sort pas de nulle part mais survient après le jugement particulièrement décisif en 2024 à l’encontre de Sanofi. Après un procès historique, le groupe pharmaceutique Sanofi a, en effet, été déclaré « responsable d’un défaut d’information des risques » par le tribunal judiciaire de Paris et condamné à verser 300.000 euros à Marine Martin, dans l’affaire de la Dépakine.
Un premier volet judiciaire puisque la présidente de l’association ne compte pas s’arrêter là. « On espère cette année déposer des premières plaintes au tribunal de Paris après les dernières révélations », a annoncé Marine Martin.