Savoie : Faut-il s’attendre à plus d’éboulements sur les routes de montagne ?
Samedi matin, trois impressionnants blocs de roche de plusieurs dizaines de tonnes se sont décrochés de la falaise, à hauteur d’Aigueblanche, et sont tombés sur la route nationale 90, en Savoie. Une automobiliste a été légèrement blessée.
En août 2023, c’était à La Praz, puis à la sortie du tunnel des Échelles et à Bramans. « Ces derniers mois ont confirmé que les routes savoyardes étaient particulièrement exposées aux risques naturels », écrivent les services du département, citant les coulées de boue, inondations, glissements de terrains consécutifs aux fortes précipitations de l’année 2023.
Comment expliquer cet éboulement ? À quoi sont-ils dus ? Comment prévenir ces risques naturels ? 20 Minutes fait le point.
Comment expliquer cet éboulement ?
Samedi matin, trois blocs de rochers se sont décrochés de la falaise et sont tombés d’une hauteur de 250 mètres. « Le premier d’entre eux, de 15 m3 – l’équivalent de 20 tonnes – a été arrêté par le filet qui a joué son rôle, mais il n’était pas censé absorber les 60 tonnes qui sont arrivées d’un coup », explique Emmanuel Pusset, cogérant de la Compagnie d’intervention et de travaux en montagne (Citem). Cette société est spécialisée dans les travaux de protection contre les risques naturels et travaille notamment sur le chantier de la Praz, en Maurienne.
À quoi sont-ils dus ?
Ce professionnel, dans le milieu depuis plus de vingt-cinq ans, assure qu’il y a « toujours eu des éboulements » mais reconnaît qu’ils sont « de plus grande ampleur qu’avant ». « Au début de ma carrière, je me souviens d’événements exceptionnels, maintenant, c’est devenu plus courant, détaille-t-il. Mais aujourd’hui, sur le territoire, on a des pluies diluviennes qui fragilisent les sols, du gel, du dégel. Sur le chantier de La Praz, un matin, on avait – 10 °C, deux jours après, il faisait + 12 °C. C’est très problématique pour la sécurité du site et la nôtre parce que ce sont ces événements qui créent des éboulements dans la falaise. »
Ces fluctuations de températures se sont accentuées avec le réchauffement climatique et sont une des conséquences des éboulements, qui peuvent être aussi causés en raison « du vieillissement normal de la montagne », des racines des arbres. « Ce gel/dégel accélère la poussée des cailloux, les fissures. La roche est fracturée, l’eau entre dans ces fissures et avec le gel, elle gonfle, détaille-t-il. En période de grande sécheresse aussi, il y a des éboulements. La terre humide colmate et adhère entre les rochers et sans eau, tout devient poussière ce qui crée des chutes de pierres. »
Comment fait-on pour prévenir ces risques naturels ?
« Il y a plein de possibilités d’ouvrages de confortement, des massifs bétons pour maintenir des rochers, du grillage plaqué ou pendu, des ancrages ponctuels, des écrans par blocs, liste Emmanuel Pusset, cogérant de la Citem. Ce sont ces derniers qui ont reçu les blocs de rochers sur la RN90. »
Il indique que les sites dits « sensibles » bénéficient de système de sécurité et d’une surveillance accrue qui permettent de voir s’il y a « du mouvement ». « C’est de cette manière que la route a pu être fermée à La Praz, en août 2023, avant que tout s’effondre », lâche-t-il.
Un service du département est dédié, avec des agents, coordinateur sécurité et un réseau d’experts (nivologie et géologie) ainsi que des entreprises spécialisées, notamment pour les travaux en falaises, mobilisables 24 h/24 et dans les deux à quatre heures suivant un événement.
Que faire si on est face à un éboulement ?
« Pour éviter de voir des drames, si vous êtes en voiture, vous ne vous arrêtez pas, vous n’essayez pas de passer, vous reculez si vous pouvez. Et surtout, vous ne descendez pas de votre véhicule pour voir ce qu’il se passe ou essayer de pousser le rocher avec le pied, alerte Emmanuel Pusset. Il ne faut surtout pas faire ça, c’est arrivé une fois et la personne s’est pris le reste de la montagne sur la tête. Il faut éviter le suraccident. »
Le professionnel rappelle « la chance » de voir « si peu d’accidents graves » face « au nombre d’éboulements et blocs ramassés sur la route » qu’il a dû traiter dans sa carrière et le trafic important sur ces routes.
Quel est l’état des routes en Savoie face aux risques ?
Le département de la Savoie a répertorié tous les risques naturels sur son territoire, avec plus de 2.000 sites « sensibles ». Sur les 3.143 km gérés par la collectivité, plus d’un tiers est « sous haute surveillance ». « Après, il y a des endroits où il y a des éboulements mais il n’y a pas d’instruments pour anticiper les risques, parce que le site ne paraissait pas dangereux », souligne Emmanuel Pusset.
Actuellement, plus de 2.000 ouvrages protègent les routes savoyardes des risques naturels, 1.720 équipements de protection sont dédiés aux mouvements de terrain (écrans, merlons, filets, etc.). Au total, le département investit entre 12 et 16 millions d’euros par an – dont 4 millions, pour les interventions en urgence –, face à cette situation.
Notre dossier sur la montagne
« Pour rendre notre infrastructure routière plus sûre, la priorité c’est de connaître le plus précisément possible les sites à risque, explique Anne Lescurier, cheffe du service risques naturels à la direction des infrastructures, sur le site du département. […] Tout est répertorié dans une base de données, régulièrement mise à jour depuis près de vingt ans. » Tous les ouvrages de protection sont entretenus régulièrement, tous les deux ans pour le contrôle visuel des ouvrages linéaires et de surface, et tous les six ans pour une visite détaillée.