Sauver Rillette : « On a un lien »… Le combat d’Elodie pour garder chez elle son sanglier
Un hashtag #SauvezRillette qui a fait le tour des réseaux, plusieurs pétitions dont une à plus de 175.000 signataires, et une marche de soutien prévue ce samedi à Chaource… En quelques semaines, le destin d’un sanglier est presque devenu un enjeu national. Elodie Cappé ne s’y attendait vraiment pas. « Oui, j’ai reçu des messages où on me disait que je n’avais qu’à tuer mon cochon, mais ils sont minoritaires », explique sa propriétaire, éleveuse de chevaux installée « au milieu de la forêt » dans l’Aube. « J’ai eu énormément de témoignages et de soutiens. Ça prouve que des gens ont été touchés par mon histoire. »
Cette histoire, c’est celle de son combat pour garder chez elle sa laie – puisqu’il s’agit d’une femelle – recueillie le 1er avril 2023. « Je l’avais trouvée à côté de mes conteneurs poubelles. C’était un marcassin qui devait avoir deux à trois semaines. » Depuis, celle qu’elle surnomme Rillette – « car c’est devenu Riri mais on n’a jamais eu l’idée de la manger » – a bien grandi. L’animal pèse aujourd’hui « une centaine de kilos » et a trouvé sa place au sein de l’exploitation.
« On lui a installé un enclos qui fait à peu près 1.000 m² avec un box, une souille (un marécage) et des grillages tout autour avec une clôture électrique… C’est même mieux que ce que les normes préconisent », détaille cette femme de 36 ans originaire de Haute-Marne. Qui ne quitte que rarement son drôle d’animal de compagnie.
« Au début, on ne voulait pas trop s’attacher à elle avec mon mari. On l’avait même proposée à des parcs mais personne n’en voulait, car les sangliers sont considérés comme nuisibles. Puis on l’a gardée et on a un lien maintenant. Elle m’écoute autant que mes chiens. Je peux lui demander de s’asseoir, se coucher… Elle me suit partout ! »
La préfecture s’oppose et propose trois solutions
A tel point qu’Elodie Cappé pensait que Rillette pourrait s’installer définitivement sur place. Elle a « voulu faire les choses dans les règles », pensant s’appuyer sur l’arrêté du 8 octobre 2018 qui autorise justement la détention d’un sanglier chez un particulier… Mais, malgré ses demandes répétées, la préfecture de l’Aube s’y oppose.
« Seuls les animaux ayant une origine connue et licite peuvent prétendre à̀ une autorisation de détention ou à la soumission de dossiers de demande de certificat de capacité et d’autorisation d’ouverture d’établissement. Ainsi, un sanglier directement prélevé dans la nature n’a pas d’origine licite et ne peut pas en disposer », a justifié la procureure de Troyes dans un communiqué le 17 décembre.
Trois solutions ont peu à peu été proposées à l’éleveuse pour sa laie. « Soit la relâcher dans la nature, mais elle ne sait pas se nourrir donc ne survivrait pas ; soit l’euthanasier, ce que je ne peux pas imaginer ; soit la confier à une dresseuse pour le cinéma qui va l’utiliser à but lucratif. Mais moi, je veux juste la garder chez moi ! »
Epaulée par un avocat qui l’a contactée, l’Auboise entend donc bien faire entendre sa cause. « Ce lundi 13 janvier à 10h30 à Châlons-en-Champagne, nous avons une audience de référé suspension », annonce son conseil, maître Karl Burger. « Nous allons chercher à obtenir une injonction de la part du juge afin que ma cliente obtienne la régularisation de la situation de Rillette. »
Il compte ainsi prouver que la laie n’a pas été obtenue de « manière illicite », contrairement à ce que prétend la préfecture. « Elle est venue se réfugier et madame Cappé en a pris soin, l’a stérilisée, vaccinée, lui a construit un enclos… Il n’est pas interdit de détenir un sanglier dans sa propriété. Promenez-vous cinq minutes sur Internet, vous verrez que beaucoup de gens en ont en France. »
Ce n’est pas l’éleveuse qui dira le contraire. Depuis le début de l’affaire, elle a reçu « de nombreux appels de propriétaires ». « Certains en ont un ou plusieurs, habitent même parfois dans des pavillons ou ont de petits terrains… C’est pour ça que je ne vois pourquoi moi, je n’aurais pas le droit de garder Rillette ? Si j’écoutais la préfecture, ça aurait été plus simple de lui mettre un coup de pelle quand je l’ai accueillie. Mais je ne suis pas comme ça. »
Quitte à risquer une sanction pénale, Elodie Cappé poursuit le combat. Samedi, elle défilera dans la ville voisine de Chaource. « Il va y avoir du monde de toute la France. Des gens ont même réservé des chambres pour être là ! ». Avec Rillette.