France

Saumur : le musée des Blindés se lance dans la restauration d’un « mythique » char Tigre allemand

« C’est le char le plus emblématique de la Seconde Guerre mondiale. Celui qui a le plus marqué les esprits tant il était redouté. C’est d’ailleurs pour ça qu’il apparaît dans quantité de romans, quantité de jeux vidéo, au cinéma… » Adrien Guinebault, médiateur culturel au musée des Blindés de Saumur (Maine-et-Loire), ne cache pas son enthousiasme. L’établissement, propriété du ministère de la Défense, a lancé en février la restauration d’un engin pas comme les autres : un authentique Tigre 1, célèbre char d’assaut allemand apparu sur les champs de bataille en 1942. Il n’en reste plus que six exemplaires au monde. « Celui de Saumur est le seul en pièces mécaniques d’époque », assure Adrien Guinebault.

Mesurant 8,45 mètres de long pour 3 mètres de haut, ce blindé de 57 tonnes, pouvant transporter cinq militaires, impressionnait par ses capacités techniques. « Ses larges chenilles le rendaient très mobile malgré son poids. Il pouvait monter à 40 km/h sur route. Mais, surtout, il était extrêmement costaud. Son épais blindage était capable de résister à la plupart des obus. Son canon pouvait toucher un ennemi à plus de 2 kilomètres. Il faisait la fierté du IIIe Reich, qui l’a largement célébré dans sa propagande. »

Passé d’adversaire à libérateur

Mais ce qui rend le modèle du musée des Blindés encore plus particulier, c’est son histoire. Ce Tigre 1 était en effet en première ligne pour tenter de repousser les Alliés après le débarquement de Normandie, à l’été 1944. « Nous menons des recherches pour connaître son rôle exact lors de la Bataille de Normandie. Mais on sait qu’il s’est retrouvé piégé dans la poche de Falaise [Calvados]. » Ironie du destin, c’est une collision avec un autre char allemand, en plein affrontement, le 20 août 1944, qui aurait mis fin à sa mission. « L’équipage a été fait prisonnier. Le Tigre, endommagé, a été abandonné. »

Six mois plus tard, le char est récupéré par des résistants français (FFI), remis en état de marche, et employé pour libérer Saint-Nazaire ! Il a ensuite intégré l’armée française, puis a été transféré pour occuper l’Allemagne, avant d’être utilisé comme char d’étude. « Il aura connu plusieurs vies, passant d’adversaire à libérateur, souligne Adrien Guinebault. Il a rejoint le musée en 1968 mais n’avait jamais été restauré depuis. »

Le char allemand Tigre datant de la Seconde Guerre mondiale, au musée des blindés de Saumur.
Le char allemand Tigre datant de la Seconde Guerre mondiale, au musée des blindés de Saumur. – F.Brenon/20Minutes

Les travaux, qui vont durer deux ans, consistent à remettre le Tigre en état de fonctionnement et à lui redonner « l’apparence qu’il avait lorsqu’il a été récupéré par les FFI, y compris son camouflage d’origine ». Pour y parvenir, tous les éléments du char seront rénovés, « réparés avec des pièces d’époque ou remplacés à l’identique ». La première phase, jusqu’en septembre, concerne la tourelle, le canon et les chenilles, qui ont été démontés. Une campagne de financement participatif sera lancée avant l’été afin de lever 220.000 euros pour boucler le chantier, lequel restera accessible au public. En parallèle, les recherches d’archives se poursuivent pour « mieux connaître » l’engin « mythique ».

« Ce sont des témoins de l’Histoire »

A terme, le musée des Blindés souhaite que le Tigre soit en capacité de défiler, en tant que « char libérateur » comme le font déjà d’autres véhicules du musée, à l’occasion du 14-Juillet par exemple. « L’histoire si particulière de ce char, sa place dans la culture populaire de la Seconde Guerre mondiale, en fait une pièce tout à fait exceptionnelle dans notre collection », insiste Adrien Guinebault.

Méconnu du grand public, le musée des Blindés de Saumur est l’un des principaux exposants de véhicules de guerre au monde. Pas moins de 750 chars de différents pays, récupérés lors de conflits ou au moyen d’échanges, font partie de sa collection. Environ 200 sont montrés au public, dont une cinquantaine en état de rouler. La quasi-totalité des modèles de blindés ayant servi pour l’armée française y sont présents, dont le plus ancien datant de 1917.

« Ce sont plus que des outils de guerre, ce sont des témoins de l’histoire, estime le médiateur culturel des lieux. Un char d’assaut, c’est imposant. Quand il démarre, c’est bruyant, le sol vibre. On comprend qu’il a transporté des hommes, qu’il a fallu des usines pour le construire. Ce musée contribue au devoir de mémoire. » Jusqu’à 70.000 visiteurs parcourent ses allées chaque année.