France

Santé du pape François : Pourrait-on forcer le pape à « démissionner », comme son prédécesseur Benoit XVI ?

Comment va le pape François ? Le pronostic vital du chef religieux de quelque 1,4 milliard de catholiques dans le monde n’est plus en jeu, selon les bulletins de santé émanant du Vatican. Hospitalisé depuis le 14 février, et souffrant d’une double pneumonie, le souverain pontife doit rester « quelques jours encore » à l’hôpital, selon ses médecins. Depuis des années, l’homme de 88 ans souffre de nombreux problèmes de santé, notamment respiratoires.

Cette longue hospitalisation relance les conjectures sur son éventuelle renonciation, et sur sa capacité à assumer son ministère. Le pape François pourrait-il renoncer à sa charge, comme Benoît XVI le fit 2013, une première depuis 600 ans ? Et s’il devenait incapable physiquement ou intellectuellement d’assumer sa charge, comment assurer le gouvernement de l’Eglise ?

« Dire tout et son contraire »

Renoncer ou non ? Plongeons d’abord dans les déclarations du 266e pape. Au début de son pontificat, le pape François a déclaré, à plusieurs reprises, qu’il renoncerait à sa charge dès lors qu’il sentirait ne plus avoir les forces nécessaires de l’accomplir. Comme le rapportait en 2014 Le Figaro, le pape François avait défendu l’idée, « même si elle ne plaît pas aux théologiens », que l’on s’habituerait « aux papes émérites », à la retraite. Le pape avait par ailleurs révélé, en décembre 2022, avoir signé une lettre de démission au début de son pontificat, dans le cas où son état de santé l’empêcherait d’exercer sa charge.

Mais, et ce à plusieurs reprises, le pape François a paradoxalement précisé qu’il vivrait son ministère jusqu’à la mort. En 2023, il a notamment déclaré que la démission d’un pape ne devait devenir « ni une mode, ni une chose normale ». « Dire tout et son contraire sur un sujet, c’est typique du pape François, relève Christophe Dickès*, historien du catholicisme et journaliste. Malheureusement, cela pose parfois un manque de clarté dans la lecture de ce qu’est son pontificat… ».

« Un homme de pouvoir qui veut contrôler la situation »

A Rome et dans le monde entier, les conjectures sont relancées, tant par les amis que les ennemis du pape. Plusieurs religieux, dont le cardinal italien Gianfranco Ravasi, ont estimé qu’une renonciation était possible si l’état de santé du pape ne lui permettait pas d’assurer ses fonctions. Le souverain pontife pourrait démissionner « s’il se trouvait dans une situation où sa capacité à avoir un contact direct, à communiquer de manière immédiate, incisive et décisive était compromise », a déclaré l’ancien président du conseil pontifical pour la Culture, le 20 février à la chaîne italienne RTL. Un avis balayé par le cardinal Pietro Parolin, qui occupe les fonctions de numéro deux au Vatican, évoquant des « spéculations inutiles ».

Renoncer ? « Ce n’est pas du tout en phase avec son caractère », a estimé la vaticaniste Caroline Pigozzi, le 19 février dans l’émission « C’est dans l’air ». Évoquant « un homme de pouvoir qui veut contrôler jusqu’au bout la situation », l’écrivaine spécialisée rappelait qu’un pape « ne fait jamais comme son prédécesseur, car il veut marquer son pontificat ».

Qui pour faire, éventuellement, renoncer le pape ?

Au-delà de la question d’une renonciation, le pape François est-il capable d’assumer ses fonctions ? « Gouverner, c’est l’image et la parole, rappelle Christophe Dickès. Or, il n’y a pas d’image du pape. Son dernier enregistrement sonore laisse à penser à une grande souffrance physique. Mais un pape ne peut gouverner alité, et assumer la charge écrasante du gouvernement de l’Eglise ». Au Vatican, « on gère actuellement les affaires courantes, ajoute l’historien. Mais cela ne peut pas durer, car le pape a vidé de sa substance le secrétariat d’État en lui retirant le pouvoir financier. Pouvoir qui dépend exclusivement… du pape. »

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Enfin, que faire si les capacités intellectuelles du souverain pontife sont atteintes ? Qui pourrait juger de l’état de santé du pape François, pour publier sa lettre de renonciation écrite au début de son pontificat ? « C’est une énorme responsabilité ! Un médecin prendrait la responsabilité de juger de l’incapacité du pape ? Ou le numéro deux du Vatican, le cardinal Parolin ? », s’interroge Christophe Dickès. La question reste en suspens, d’autant que le droit canon ne répond pas précisément à ce cas de figure. « Et le pape François n’a pas résolu cette question, car ce n’est pas un juriste, mais un homme de liens. Sauf que, là encore, tout cela n’est pas clair. Et cela pose problème dans le gouvernement de l’Eglise ».

* Auteur de Pour l’Église : ce que le monde lui doit aux éditions Perrin (2024).