Salon de l’agriculture : Etre juré au concours général agricole, c’est goûter, noter et aussi une grande responsabilité
C’est le jour J. Convocation en poche, je me retrouve à participer au concours général agricole dans la catégorie « Vins du Languedoc-Roussillon » au Salon de l’agriculture. Juge dans un concours agricole, l’idée ne me serait pas venue naturellement. Elle s’est frayé un chemin au hasard d’une conversation avec un ami viticulteur.
Alors, en octobre, j’ai postulé, en me montrant honnête sur mes compétences. J’aime le vin, sans avoir la prétention d’en être un spécialiste. Bonne surprise : le concours m’a répondu favorablement. A une condition : suivre au préalable une formation dispensée par deux spécialistes de l’Inao (Institut national de l’origine et de la qualité).
6.687 jurés, 20.090 produits, 5.343 médailles
C’était en janvier et cette journée à la maison des vignerons, près de Montpellier, m’a permis de me familiariser avec le vocabulaire du vin et de m’approprier les codes de dégustations. Apprendre à décrire le plus fidèlement possible ses aspects visuels, olfactifs, gustatifs. A me confronter au jugement des autres. Bref, à mettre dans la peau d’un membre du jury.
Ce dimanche, le rendez-vous est donné au hall 7.2, à l’écart du grand public qui se précipite pour contempler Oupette et les autres animaux – et loin également de mes collègues qui suivent le défilé des politiques.
Je participe au concours général des vins du Languedoc-Roussillon. Mais, au total 6.687 jurés sont appelés à départager 20.090 produits (dont une grosse partie n’a pas passé le stade de présélections) pour décerner 5.343 médailles.
« On tient à l’équilibre amateurs – professionnels »
A nos tables, seize bouteilles ornées de simples numéros. Toutes appartiennent à la même appellation. Nous sommes six membres du jury, en charge de les juger avec une grille de notation précise. Personne n’est rétribué et nous avons tous financé notre venue.
Chaque table est composée à peu près pour moitié de professionnels (vignerons, œnologues, etc.), mais qui n’ont pas d’intérêt direct dans les vins qu’ils vont noter. L’autre moitié réunit des amateurs, comme moi.

« On tient à cet équilibre, évoque, Oliver Alleman, le commissaire général. Les jurés amateurs ont les mêmes compétences que quiconque pour dire s’ils aiment ou non un vin ou s’ils sentent tel ou tel arôme. Et ce sont des amateurs qui achèteront les vins médaillés au final ».
Parmi la légion de concours agricoles en France (126, rien que pour le vin et pas tous très fiables), le concours général de Paris est le seul organisé par le ministère de l’Agriculture. Selon un sondage d’OpinionWay de 2021, plus de neuf Français sur dix estiment que ses médailles jouent un rôle bénéfique de reconnaissance de l’origine locale, de la qualité du produit, de son élaboration selon des savoir-faire traditionnels et de revenu équitable pour les agriculteurs et les producteurs.
Alors, pas question de surnoter les vins vis-à-vis du futur consommateur, qui fait confiance à cette institution créée en 1870. Pas question non plus de les sous-noter car, pour les producteurs, une médaille a de très fortes conséquences économiques. D’autant plus avec la crise actuelle que traverse la filière.
C’est donc en son âme et conscience que chacun note consciencieusement les échantillons, selon une grille de lecture commune. Une note, mais aussi et surtout des commentaires qui seront fournis sur demande aux viticulteurs.
Notre dossier sur le salon de l’agriculture
Finalement, on s’accorde vite sur ceux qui méritent à nos yeux d’obtenir une médaille et ceux que l’on écarte. On se met d’accord pour goûter une seconde fois ceux pour lesquels il y a litige.
La dégustation aura duré un peu plus de deux heures, avec la sensation d’avoir été utile. Le Salon de l’agriculture ferme ces portes ce dimanche. Avec, pour chaque juré, le plaisir de l’avoir vécu avec un autre regard.