Salon de l’Agriculture 2025 : Superstar du quotidien, le poulet peine encore à se faire une place à l’ombre des bovins
Au Salon de l’Agriculture,
Pour la quatorzième année consécutive, une vache est l’égérie du Salon de l’Agriculture. Immérité ? S’il est difficile de sonder le cœur des Français, leur estomac, lui, a parlé : la volaille est désormais la viande la plus consommée dans le pays. En 2024 en moyenne, 31,6 kg ont été ingurgités par tête, dont 24,9 kg de poulets. C’est 10 % de plus qu’en 2023, 15 % de plus qu’en 2019.
Mais à la Porte de Versailles, on ne semble pas vraiment au courant que la chicken mania a envahi la France. Car au-delà du cas de Oupette, la mascotte officielle, les bovins restent les superstars des lieux, avec les trois-quarts des boxs réservés aux animaux – l’épicentre de l’événement – consacrés aux ruminants. Aucune partie consacrée à la volaille, même pas une poule qui bat des ailes ou un « cocorico » chanté, alors que porcs et moutons ont leur pré carré.
« Une viande passe-partout mais un peu fade »
Même malheur au stand Nourriture et Produits du terroir, où vous trouverez aisément du comté du Jura, du nougat de Montélimar ou la légendaire charcuterie corse, mais où vous aurez toutes les peines du monde à vous faire servir deux tranches de blanc de poulet quelque part. Seule exception pour la volaille, le foie gras, décliné de toutes les manières. Dans la vie comme au Salon de l’agriculture, donc, le poulet peine à voler de ses propres ailes.
Dans un stand charcuterie de Franche-Comté, qui fait la part belle aux saucissons et à la compagnie bien porcine, Anna nous explique que l’animal manque encore un peu de noblesse pour s’imposer ici à Paris. L’évènement accueille 600.000 visiteurs en moyenne chaque année, soit autant de bouches à satisfaire, « et vous ne payez pas 15 euros pour qu’on vous propose du poulet mais des produits forts en caractères et mythiques du terroir français. Le poulet, c’est passe-partout, d’où son succès. Mais c’est un peu fade. »
« Le plat qui met tout le monde d’accord »
Au stand de l’Association de promotion de la volaille française, le discours est forcément différent. On y parle d’un produit phare de la ferme et de la cuisine française : « Qui n’a jamais mangé du poulet en famille un dimanche midi ? ». Le côté plus fade par rapport au bœuf ou à l’agneau ? C’est un avantage : « C’est le plat qui met tout le monde d’accord. A chaque assiette de l’assaisonner selon ses goûts ».
Le chemin est pourtant encore long. Après des années de grippe aviaire ayant décimé les poulaillers, la production nationale revient à peine à son niveau d’avant crise. Nous en sommes à + 1,1 % par rapport à 2019, dont un énorme bond entre 2023 et 2024 (+ 12%). Conséquence de ces années noires : une trop grande importation de poulets étrangers et une victoire en demi-teinte pour la filière tricolore.
La grippe aviaire explique l’absence de la volaille au Salon, bannie depuis plusieurs années pour ne pas étendre les contaminations. Seule exception : les poussins tout mignons du stand du Fermier de Loué, que les enfants peuvent caresser. Certains n’ont qu’un jour. Toujours pas de poulet à plusieurs kilos, mais c’est une petite victoire quand même.
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Sur place, Fabien ne tarit pas d’éloge sur la viande de volaille. « Avec les différents Label ou l’élevage en plein air, il est possible de vite savoir qu’on achète de la viande de qualité. Le poulet est apprécié par ses qualités gustatives et nutritionnelles, plus maigre que les autres animaux. Et avec l’inflation, il est une viande anticrise. » Son acolyte, Erwan, ajoute une autre hype pour expliquer celle du poulet : « Le airfryer. Avec ça, vous cuisinez très facilement un poulet goûtu et excellent. »
Du côté des bovins, Christian, éleveur du Jura, regarde les visiteurs se prendre en selfie devant ses vaches. Le succès du poulet pourra-t-il leur faire de l’ombre ? « Je ne crois pas qu’on soit dans la compétition entre animaux. Ni entre agriculteurs. Le métier a connu tellement de crises, tant mieux si des filières excellent. C’est un espoir plus qu’une concurrence. » Après tout, le chant du coq n’indique-t-il pas le lever du jour ?