France

Salon de l’Agriculture 2025 : François Bayrou amoureux des chevaux, mais d’où lui vient cette passion ?

Sous un franc soleil d’hiver, des milliers de personnes assistent, le dimanche 19 janvier, au grand prix de Pau. Parmi ces aficionados de courses hippiques se trouve un visiteur un peu particulier. Trois jours après avoir échappé à sa première motion de censure, François Bayrou n’aurait raté pour rien au monde cette course portant le nom de son père, Calixte, dans l’hippodrome de son fief béarnais. « C’est une obligation morale, une obligation de plaisir et une obligation de tradition », sourit le Premier ministre, emmitouflé dans sa doudoune devant les caméras du site spécialisé Paris Turf. A l’occasion du Salon de l’Agriculture, où le chef du gouvernement se rend ce lundi, 20 Minutes revient sur sa passion (méconnue) des chevaux.

« C’est un vrai passionné »

« Je suis né dans les jambes des chevaux ». François Bayrou a parfois évoqué l’intérêt de son père agriculteur et de son oncle pour ces animaux, qu’il découvre enfant dans les herbages de son village natal de Bordères (Pyrénées-Atlantiques), à environ 20 kilomètres de Pau. « Les chevaux de course, c’était la passion de ma famille. Mon père avait deux poulinières [juments destinées à la reproduction] », dit-il dans un entretien à l’AFP en 2014. Et c’est un roi de France, autre sujet de fascination de François Bayrou, qui lui permet d’acquérir son premier trésor. « Un matin, il m’appelle et me dit qu’avec le succès de son bouquin sur Henri IV, il souhaite s’acheter une jument », se souvient le maire centriste de Deauville Philippe Augier, alors dans le business des purs-sangs.

On est au milieu des années 1990, le ministre de l’Education nationale récupère Life on the Road, une pouliche « promise au couteau ». Après avoir été renversée par une voiture en s’échappant d’un enclos, l’animal doit finir à la boucherie. « Personne n’en voulait aux enchères, mais il a fini par la récupérer à bon prix. C’était une bonne maman, déjà pleine d’un étalon. Son premier produit a été très bon en course, et avec la réussite, Bayrou a élargi son élevage, jusqu’à en avoir une dizaine », ajoute l’ancien mari de Marielle de Sarnez, décédée en 2021, dont le patron du MoDem était très proche.

« Il y a quelque chose d’artistique »

L’agrégé de lettres classiques découvre les joies de l’élevage, la sélection des bêtes, les croisements et les naissances… « L’éleveur choisit avec soin l’étalon en fonction de ses capacités, par rapport aux capacités du père et de la mère. Il y a quelque chose d’artistique dans ce geste-là, disait-il en 2014. Quand vous faites naître des champions – ça m’est arrivé plusieurs fois –, vous avez le sentiment que, comme un artiste qui produit un tableau, vous avez produit quelque chose de rare ». Princesse de Viane, Viane Rose, Lavender Lane, Alix Road… Au sein de sa poulinière, François Bayrou produit plusieurs champions. « C’est un vrai passionné. Je lui ai acheté quelques purs-sangs, qui ont eu des victoires. Je me souviens qu’il ne manquait pas une course quand un de ses animaux courait », s’amuse Philippe Augier, l’ami de longue date.

Le Béarnais découvre le très chic et très élitiste monde hippique. Il assiste régulièrement aux courses, participe à la prestigieuse vente aux enchères des yearlings (jeunes pur-sangs) à Deauville, et rencontre du beau monde. Il devient membre du comité directeur de France Galop, qui gère les courses en France, présidée un temps par Edouard de Rothschild et avant cela par Jean-Luc Lagardère. Le patron de presse lui offrira d’ailleurs une saillie (un accouplement) estimée à 40.000 euros, qui lui vaudra une polémique bien des années plus tard, lors de sa loi sur la moralisation de la vie publique, en tant que garde des Sceaux en 2017.

« Une famille qui aime le cheval, ça coûte cher ! »

Car le monde hippique est aussi un monde d’argent, et l’élevage peut devenir un business intéressant. François Bayrou a ainsi récolté plusieurs dizaines de milliers d’euros de gains pour les courses de ses champions, dont les ventes sont aussi lucratives. « Il y a un grand proverbe : comment devenir millionnaire en élevant des chevaux ? Réponse : commencer milliardaire. C’est quasiment impossible à équilibrer », balaie-t-il, évoquant le coûteux entretien des bêtes. « Il dit souvent qu’avoir une famille qui aime le cheval, ça coûte cher ! », s’amuse d’ailleurs un fidèle d’Emmanuel Macron. Dans sa dernière déclaration d’intérêts à la Haute autorité, le patron du MoDem a mentionné 19.000 euros net de revenus pour l’année 2019 comme éleveur de chevaux.

Francois Bayrou et Alix Road au grand Prix de Diane en 2006.
Francois Bayrou et Alix Road au grand Prix de Diane en 2006. -  OLIVIER LABAN-MATTEI / AFP

« Le cheval, c’est un animal magique »

En parallèle de sa vie politique, François Bayrou n’a jamais délaissé son dada. Même en campagne, le Palois ne manquait pas les résultats hippiques. « Pendant la présidentielle de 2012, je me souviens qu’on lui montait la presse chaque matin, et il y avait toujours un numéro de Paris-Turf qui se cachait au milieu des journaux », s’amuse un responsable du groupe MoDem. L’élevage de chevaux est d’ailleurs une activité partagée par plusieurs responsables centristes, comme l’ex-ministre Jacqueline Gourault, l’eurodéputé Jean Arthuis ou Hervé Morin : « Le cheval, c’est un animal magique et compliqué à cerner. Cette passion, qu’il a héritée comme moi de son père, c’est d’abord une relation avec la terre. Quand on a les pieds dans nos champs, on se ressource. Cela offre des moments de solitude et d’apaisement ». Le président de la région Normandie se souvient des discussions avec son ancien ami : « A l’époque de l’UDF, quand on se retrouvait le mardi pour la réunion de groupe, on faisait l’état de nos écuries respectives. On a même eu un bout de jument ensemble, mais ça n’a rien donné ».

François Bayrou sait aussi user de son poids politique pour défendre les professionnels du secteur, qui emploie près de 30.000 personnes. Il pousse Emmanuel Macron à réouvrir les hippodromes le 11 mai 2020 au tout début du déconfinement, avant bien des autres sports. Plus récemment, le maire de Pau a fustigé une hausse de taxes sur les paris hippiques prévue par le gouvernement Barnier, qui avait mis en émoi les turfistes en novembre, avant d’être abandonnée. « Avoir un Premier ministre issu d’un milieu agricole, qui tient à garder ce lien avec son territoire, c’est un beau symbole, salue Géraldine Bannier, députée MoDem de Mayenne. C’est important pour les gens de la terre, car on est souvent complexés face à une forme de mépris du paysan », ajoute la présidente du groupe d’études « Cheval » de l’Assemblée.

En pleine polémique Bétharram, le Premier ministre pourrait s’offrir une bouffée d’oxygène auprès des chevaux ce lundi au Salon. Même si son élevage du Béarn n’est plus aussi important que par le passé. « On a toujours des rêves d’éleveur, prévenait François Bayrou fin janvier sur Equidia. Il faut que je vous fasse une confidence : c’est un virus dont on ne guérit pas ». A peu près comme en politique.