France

Salaire : Et si on recevait notre paye chaque semaine plutôt que chaque mois ?

«Les gars, ça y est, on a la paaaaaye !!!!! » Que celui qui n’a jamais célébré avec ses collègues l’arrivée du salaire un 27 ou 28 du mois tel un but en finale de Coupe du monde nous jette la première pierre. Cette liesse témoigne toutefois d’une réalité moins festive. La fin du mois est souvent sacrément raide niveau finance, et cette paye libératrice débarque sur un compte courant déplumé, voire en négatif. Selon une étude de janvier 2025 menée par le comparateur Lesfurets avec CSA Research, 22 % des Français sont à découvert chaque mois à partir du 16.

Le paiement mensuel est devenu la norme légale en France en 1978, étant même inscrit dans le Code du travail. Article L3242-1 : « La rémunération des salariés est mensuelle et indépendante, pour un horaire de travail effectif déterminé, du nombre de jours travaillés dans le mois. » Voilà pourquoi en février, vous recevez autant d’argent qu’en août, alors que ce dernier compte trois jours de plus.

Un salaire mensuel obtenu après des grèves

Tout est lissé, rappelle Caroline Diard, professeure associée au département droit des affaires et RH de TBS Education : « Si vous êtes payé aux 35 heures, sur votre bulletin mensuel, il est noté que vous avez travaillé 151,67 heures », résultat du calcul suivant : 35 x 52 semaines divisé par 12 mois. Au-delà d’uniformiser les mois, le paiement mensuel a d’autres vertus pour l’experte : « Aujourd’hui, c’est toute la société qui raisonne en termes de mensualité. Votre loyer, votre crédit, votre abonnement Netflix ou à la salle de sport… Etre rémunéré au mois permet de facilement faire le calcul par rapport à nos charges et de voir notre reste à vivre. »

Autre avantage, le paiement mensuel arrive quelques jours avant la plupart des charges (le loyer étant traditionnellement payé au tout début du mois), ce qui permet de s’assurer d’avoir l’argent nécessaire. « Un paiement hebdomadaire augmente le risque d’une moins bonne gestion », poursuit Caroline Diard. C’est notamment en raison de ces arguments de stabilité et de meilleure prévoyance que les ouvriers se sont battus pour la mensualisation de leurs salaires, l’obtenant après de nombreuses grèves la loi de 1978.

L’avantage de l’hebdomadaire

Mais en presque cinquante ans, les tendances ont évolué et les revendications sociales d’aujourd’hui ne sont plus celles du siècle dernier. Selon une étude d’OpinionWay pour l’entreprise Stairwage, 63 % de salariés souhaitent une modification des règles pour permettre le déblocage de la rémunération à plusieurs reprises dans le mois. Et même 75 % chez les actifs de moins de 35 ans. Le député Ensemble pour la République Jean Laussucq a déposé une proposition de loi en mars, permettant d’être payé chaque semaine.

Sandrine Dorbes, experte en rémunération et autrice de La rémunération n’est pas qu’une question d’argent (Dunod, 2025), plaide pour une souplesse au bon vouloir des salariés, « à condition d’une bonne éducation financière associée ». En effet, si le salaire hebdomadaire ou bi-hebdomadaire lui semble plus optimal, « il est aussi plus dur à gérer financièrement, ou nécessite en tout cas une réadaptation ». Dans des entreprises proposant un salaire deux fois par mois, elle a observé que « la première paie sert principalement à payer les charges, et la seconde est plus utilisée pour les plaisirs ».

Des métiers plus attractifs avec une paie plus rapide

Reste qu’une fois bien ancrée, la pratique pourrait avoir des avantages, « notamment pour des secteurs sous tensions, à contrat court et aux faibles salaires. Recevoir une somme toutes les semaines pourrait rendre des métiers du bâtiment ou de la restauration plus attractif ». Et effectivement, « pour un premier emploi, ou une reprise post-chômage, il peut être long d’attendre la fin du mois pour toucher sa paie », poursuit l’experte. Qui rappelle également que toutes les mensualités ne se paient pas à la fin du mois (saleté de compte Netflix le 14).

Caroline Diard le précise, il est déjà possible de demander à son employeur, quelle que soit sa branche de métier, de recevoir une avance sur salaire à la moitié du mois. Et votre patron n’a pas le droit de refuser

Et si, dans l’autre sens, on partait pour une paie annuelle ? Sandrine Dorbes se montre bien plus sceptique. « Certes, cela ferait beaucoup moins de tâches administratives pour les entreprises et les RH, mais cela demanderait une extrême organisation financière pour les salariés. » Si un employé est à découvert, il devrait attendre la fin de l’année pour régulariser son compte, de quoi payer de (très) nombreuses pénalités. Et que dire d’une personne embauchée le 1er février, devant attendre le 31 décembre pour recevoir le fruit de son travail ? Pas si mal ce salaire mensuel.