Saint-Valentin : Avec le « Bold Love », la Gen Z veut vivre des relations amoureuses protéiformes
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Le couple est mort, vive le couple ? Si la Saint-Valentin reste un rendez-vous incontournable, la génération Z réinvente les règles. Le « Bold Love » s’impose comme une nouvelle façon d’aimer : plus libre, moins contraignante, affranchie des schémas traditionnels.
D’après une étude de l’application de rencontres Fruitz, 64 % des jeunes célibataires de 18 à 34 ans veulent s’éloigner des relations conventionnelles. Un chiffre qui illustre une mutation profonde des attentes sentimentales : entre quête d’indépendance et rejet des injonctions sociales, le couple se redéfinit.
La fin des grandes étapes obligatoires
Longtemps, l’amour suivait un parcours linéaire : rencontre, cohabitation, mariage, enfants. Aujourd’hui, ces étapes ne sont plus jugées indispensables : 60 % des jeunes célibataires ne considèrent plus le mariage ou la parentalité comme essentiels. Pour Florence Escaravage, coach en relations amoureuses et fondatrice de Love Intelligence, il ne s’agit pas d’un rejet du couple, mais d’une réinvention de ses codes. « Les jeunes veulent se sentir libres, mais avec des repères. Ils construisent leurs relations à leur rythme, sans précipitation ni injonctions. »
Cette liberté revendiquée cache pourtant un paradoxe. « Beaucoup fuient les contraintes du passé, mais recherchent une forme de sécurité affective », analyse Soazig Castelnérac, créatrice d’Amour Toujours, un média dédié au bien-être amoureux. Elle nuance : « Le couple durable repose moins sur l’absence de contraintes que sur une confiance et un engagement sincères. »
La sociologue Christine Détrez, observe, elle, une transformation des représentations : « L’amour unique et exclusif séduit moins. On accepte davantage la pluralité des parcours amoureux. » Désormais, l’attachement ne se confond plus avec la possession. « On assiste à un recodage des représentations. L’amour a longtemps été socialisé comme un idéal exclusif et fusionnel, mais cette vision est remise en question. Ce qui semblait « naturel » devient une construction à déconstruire. »
Un amour plus flexible, mais plus solitaire ?
Si le couple traditionnel n’est plus une évidence, cela signifie-t-il la fin de l’attachement ? Pas forcément. La tendance est à la personnalisation des relations : 71 % des jeunes estiment que leur génération est plus ouverte et adaptable en amour.
« L’amour n’est plus une structure figée, mais une dynamique en mouvement », explique Christine Détrez. « On ne cherche plus un modèle unique, mais une connexion qui évolue avec les besoins de chacun. »
Pour Soazig Castelnérac et Florence Escaravage, cette souplesse amoureuse trouve en partie son origine dans les divorces observés chez les générations précédentes. « Beaucoup ont peur de l’engagement », souligne Soazig. « Avec la valorisation du bien-être et l’idée qu’il faut penser à soi d’abord, les couples ne veulent pas renoncer à leur confort. Quand on entend parler de baby-blues, de crise climatique et de guerres, l’engagement ne semble plus une priorité. » Elle y voit aussi une façon d’éviter le conflit : « Ne pas officialiser une relation, c’est parfois esquiver les tensions et compromis inévitables du couple. »
Pour Christine Détrez, il ne s’agit pas d’un rejet de l’amour, mais d’une redéfinition des formes d’attachement. « Une seule relation pour la vie n’est peut-être plus l’unique modèle. »
Une conséquence du féminisme et des transformations sociales
Au-delà des tendances, le Bold Love reflète une mutation plus large de la société. « Cette génération tend vers plus d’égalité entre les hommes et les femmes », observe Florence Escaravage. « La liberté ne signifie pas l’infidélité, mais devient le socle d’une relation épanouie. »
Cette transformation ne se fait pas sans tensions. « On assiste à une polarisation », note Christine Détrez. « D’un côté, des jeunes femmes sensibles au féminisme et à l’indépendance. De l’autre, certains jeunes hommes qui perçoivent cela comme une menace et adoptent une posture plus conservatrice. »
L’amour a-t-il perdu de son importance ? Pas vraiment. Il n’est simplement plus l’orbite centrale autour de laquelle tout gravite, mais une étoile parmi d’autres dans une constellation de priorités. « Avant, l’amour était au centre de tout. Aujourd’hui, il coexiste avec la carrière, les voyages, le développement personnel. C’est à lui de s’adapter, et non l’inverse », conclut Florence Escaravage.
Un nouveau modèle en transition
Si le Bold Love traduit une évolution claire des relations amoureuses, il soulève encore des questions. Libération réelle ou simple adaptation aux contraintes modernes ? Ce qui est sûr, c’est que l’amour n’est plus un modèle figé, mais un espace à modeler selon ses propres règles. Peut-être que le véritable changement est là : dans la possibilité, enfin, de choisir.